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— Et lui ? Tu lui as parlé ?

— Je lui ai fait comprendre qui elle est au juste et aussi qu’elle vaut beaucoup plus cher qu’une vieille fille amoureuse d’une image !

— Vieille fille ? Pas elle ! Je ne l’ai jamais considérée comme telle… et toi non plus. Un puits de science, l’âme d’un bon petit soldat et un cœur généreux ! Si c’est ça, on arrête tout ! On laisse passer la fête et on rentre à Paris ! Va prévenir Tante Amélie puisque tu complotes avec elle, moi je vais à Pontarlier voir Durtal et l’avertir que l’on s’en va !…

— Économise-toi ! Il y aura tellement de monde que ce serait étonnant qu’il ne s’arrange pour s’y mêler !

— Juste ! Donc, donc, donc !…

— Ça te reprend ?

— Ça ne m’a jamais quitté ! J’en éprouve du soulagement parce que, pour tout te dire, j’ai très envie de savoir comment Lisa et Grand-mère s’en tirent avec mon envahissant beau-père et cette pauvre Louise Timmermans !

— Si tu m’acceptes, je t’accompagnerai volontiers. Quoi que je la sache à l’abri, le sort de cette « pauvre Louise » me soucie un peu. Il ne doit pas être drôle d’avoir une fille unique capable de faire n’importe quelle folie pour le premier chien coiffé venu…

— Et qui n’est sans doute qu’un criminel ? Tu peux être certain que c’est pour lui qu’elle a tenté de t’enlever ! Et sûrement pas pour te faire goûter les dernières trouvailles des chocolatiers maison. En plus n’oublie pas mon beau-père dont j’aimerais savoir ce qu’il fabrique. Alors la première chose à faire c’est de nous sortir de ce guêpier et par la même occasion d’arracher Marie-Angéline à sa dangereuse rêverie. La seconde, c’est de voir où en est Langlois..

— Tu as toujours ton rubis ?

— Il ne me quitte pas !

— Toujours dans tes chaussettes ?

— Non, fit Aldo en riant. Je fatiguais de le trimballer partout ! C’est une belle pierre mais c’est un caillou et, à la longue, il a fini pas me gêner. En l’occurrence, c’est assez ridicule puisque personne ne le recherche.

— Alors qu’est-ce que tu en as fait ?

Pour toute réponse, Aldo tira son portefeuille et montra le sachet de cuir noir sagement rangé au milieu de quelques papiers dont il augmentait à peine l’épaisseur.

Adalbert haussa des épaules désabusées :

— Tu aurais pu l’envoyer à Guy Buteau pour qu’il le mette dans ton coffre ?

— Tu oublies la douane italienne et les tracasseries fascistes ? Et puis ce serait inutile : j’ai décidé de l’offrir à Moritz.

— Pourquoi pas dans une innocente boîte de chocolats puisque l’on nage encore dedans, et la Suisse est à deux pas ?

— Il s’en serait bien trouvé un pour les manger, les chocolats. Non, j’ai pris la décision de lui en faire tout simplement cadeau, puisqu’il est reparti sur le sentier de la guerre pour joindre les faux-vrais frères aux siens qui sont les vrais-vrais !

— Tu ne collectionnes plus ?

— Ces pierres-là ? Non. Le Grand Bâtard Antoine était quelqu’un d’admirable mais l’Histoire ne s’occuperait pas de lui s’il n’était le demi-frère du Téméraire. Et ce ne sont pas ces rubis-là qui composaient le Talisman. Il en serait autrement si le diamant pyramidal se profilait à l’horizon. Celui-là, je ne le laisserais à personne : sa forme inhabituelle, sa si rare teinte bleutée jointes à son histoire en font vraiment un joyau d’exception, surtout si l’on y ajoute sa légende, mais depuis qu’un soldat l’a trouvé dans la boue après Grandson, l’a vendu à un moine pour des clopinettes, que celui-ci l’a revendu à un marchand pour quelques sols de plus et qu’il a rejoint le coffre de Jacob Fugger à Augsbourg, il a totalement disparu de la circulation.

— Donc, donc, donc ! Aucune…

— Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi ?

— Pourquoi non ? Finalement, c’est toi qui as raison, c’est reposant avec un petit côté allègre !

— Ça suffit ! Dieu que tu peux être agaçant à tes heures !

Des ouvriers arrivant nantis du matériel nécessaire pour couvrir la terrasse d’un immense vélum en cas de pluie les rabattirent vers la maison qu’une seconde équipe était déjà en train de fleurir tous azimuts. Adalbert alors proposa :

— Si on allait jusqu’à Pontarlier demander à Mme Verdeaux de nous offrir l’apéritif ? On saurait au moins ce qui se passe à la Gendarmerie ?

Depuis leur arrivée, en effet, ils étaient allés deux fois boire un verre chez Huguette Verdeaux qui les recevait avec enthousiasme, ainsi d’ailleurs que son capitaine de mari. Cette fois ils se munirent, à l’épicerie fine de la ville, d’une bouteille de champagne. Mais, en dehors du fait que Pontarlier se préparait aux festivités de demain où Huguette accompagnerait son époux toute pimpante, ils n’apprirent rien de nouveau… sinon que l’inspecteur Durtal commençait à s’ennuyer ferme et se posait des question sur le pourquoi de sa présence. Lecoq, lui, avait fait un saut à Paris pour en référer à Langlois.

— Au fond, soupira Adalbert en revenant vers le manoir Vaudrey-Chaumard, que le Téméraire ait réussi ou non à cacher quelques bribes de son trésor dans la région ne vaut pas qu’on perde notre temps à le chercher, puisque, selon toi, le diamant n’a aucune chance de s’y trouver ?

— N’exagérons rien ! Tu oublies que je suis aussi antiquaire, outre que n’importe quelle pierre illustre m’intéresse, mais pas au point de mettre Tante Amélie, Plan-Crépin et même le cousin Hubert en danger. On restera en rapport avec Lothaire et Clothilde et on verra après…

Tout en parlant, il avait remis son portefeuille dans sa poche de poitrine après s’être assuré que le rubis y était toujours.

Au matin de la fête, le ciel, qui, la veille, laissait traîner quelques nuages inquiétants, décida soudain d’y participer en allumant, au sortir d’une fabuleuse aurore, le plus rayonnant des soleils.

— Nous allons avoir un temps magnifique ! exulta Mlle Clothilde. Sans compter que la petite pluie d’hier a fait des merveilles dans le jardin !

— Ce qui ne signifie pas qu’il tiendra ses promesses toute la journée, grogna Hubert de Combeau-Roquelaure. Le temps change vite dans ces montagnes !

Prédiction défaitiste qui arracha un énorme éclat de rire à son collègue du Collège de France :

— Ne jouez pas les oiseaux de mauvais augure, Hubert ! Ou, plutôt, non ! Continuez, si ça vous amuse ! Vous allez agacer prodigieusement notre marquise que ce sympathique soleil clair enchante. Elle se prépare, je crois, à nous éblouir !

— Elle ne s’active qu’à ça et ne sera contente que quand elle nous aura rendus gâteux tous les deux !

— Gardez pour vous vos idées noires ! Moi, je me sens au mieux de ma forme.

— C’est compréhensible ! fit Aldo, indulgent. Fêter le tricentenaire de sa maison n’est pas donné à n’importe qui ! Alors, tâchons que la fête soit réussie. Ensuite…

— Ensuite, je m’en vais ! Je ne sers à rien, j’aurais même tendance à agacer, les cachotteries de Lothaire me mettent hors de moi parce qu’il essaie de vous exploiter ! Amélie ne fait plus attention à moi, alors que… Bon, n’en parlons pas plus ! Demain, je rentre à Chinon où d’ailleurs Wishbone ne va pas tarder à se pointer !

— Il fallait lui dire de venir ici ! Toutes les fêtes l’amusent et il aurait rencontré un vif succès ! Vous pensez ! Un Texan !

— Justement ! On lui aurait fait jouer les curiosités et il s’en serait peut-être trouvé pour lui soutirer de l’argent ! Je préfère le savoir où il est !