Выбрать главу

Sans doute les avait-il apportés préalablement dans ce lieu ?

L’homme, désormais, s’engageait dans l’égout de gauche dont le diamètre était juste suffisant pour livrer passage à son corps et à ses robustes épaules.

Il s’enfonçait alors dans le trou sombre, se glissant péniblement, manquant d’air à chaque instant, pris à la gorge par les odeurs méphitiques qui s’exhalaient en maints endroits.

À deux ou trois reprises, il était obligé de livrer de véritables batailles à d’énormes rats d’égout qui, loin de fuir à son approche, semblaient vouloir s’opposer à sa marche en avant.

La pioche et le marteau faisaient leur œuvre et, sur son chemin, l’homme laissait quelques cadavres de ces bêtes répugnantes.

À un moment donné, l’homme s’arrêta, se coucha sur le dos, et, après avoir pris quelques minutes de repos car il était exténué, avec son marteau d’abord et sa pioche ensuite, il attaqua la voûte de l’égout !

Les coups qu’il portait à la muraille se répercutaient sourdement au lointain.

Pour ménager sa lumière sans doute, l’homme travaillait dans l’obscurité. À deux ou trois reprises cependant, il allumait sa lampe électrique, consultait un plan qu’il sortait de sa poche.

— Je suis bien au-dessous de la cave, reconnaissait-il, je dois continuer à creuser !

Il creusait toujours.

L’excavation s’agrandissait. À un moment donné, l’extraordinaire travailleur poussa un cri d’épouvante.

Un jet d’eau puissant venait de jaillir et menaçait de remplir l’égout, d’étouffer l’homme qui s’y trouvait.

Celui-ci, dans un malencontreux coup de pioche, avait en effet perforé une conduite d’eau…

Il se rendit compte que l’eau montait toujours – il en avait désormais jusqu’à la ceinture – et qu’elle ne tarderait pas à arriver jusqu’à ses épaules, car l’égout dans lequel elle tombait était si étroit qu’elle menaçait de le remplir complètement. Le premier instant de terreur passé cependant, l’homme reprit courage.

— Il faut que je creuse, se disait-il, que je creuse suffisamment pour arriver à réserver un orifice au-dessus du niveau de l’endroit où j’ai crevé le tuyau d’eau.

Et c’était désormais une lutte de rapidité entre la redoutable cascade et le travail de perforation auquel se livrait cet audacieux individu.

Enfin il atteignit son but !

Dès lors, constatant qu’il était sauf, il continua malgré la fatigue. Les moellons s’effritaient, les blocs de pierre tombaient autour de lui, puis ce fut, au-dessus de sa tête, une chute de terre meuble et de sable fin qui faillit l’aveugler et l’étouffer à la fois.

Mais, en dépit de ces difficultés, l’homme ne perdait pas courage, bien au contraire. Assurément, il devait se rendre compte que plus il creusait, plus il approchait du but qu’il poursuivait si ardemment.

Enfin, il parvint à rencontrer au contact de sa pioche une sorte de croûte de béton qui rendit un son creux lorsqu’il l’eut attaquée.

Cette fois, l’homme s’arrêta, et, accroupi sur les détritus qu’il venait d’extraire du sol, il souffla longuement.

— Je n’ai plus, songeait-il, qu’à briser cette croûte d’asphalte, et je suis dans la place.

Une heure après, l’homme faisait comme il l’avait dit, et c’était à ce moment que sa tête surgissait du sol de la cave, que ses yeux, étant accoutumés à l’obscurité, apercevaient Fantômas en train de dérober des milliers de louis d’or…

L’homme avait fini par s’extraire complètement du sol et désormais il se leva, s’avança lentement, longeait les murs et, de ses vêtements déchirés, souillés de boue, absolument informes, il extrayait un revolver, l’arme était chargée.

— Point de quartier ! pensa-t-il. Six balles d’abord dans la peau de Fantômas, puis ensuite on verra !…

Mais il n’avait pas le temps de réaliser son projet, il venait de faire un pas en avant, lorsqu’un cri terrible s’échappa de sa poitrine, cependant qu’une effroyable douleur manquait de le faire défaillir.

Fantômas avait entendu le cri poussé dans le silence de la cave…

En l’espace d’une seconde, le bandit avait deviné qu’on le traquait, qu’on était à ses trousses. Plus vif que l’éclair, il bondit en avant, gagna la porte par laquelle il était entré et s’en alla, la fermant à double tour.

L’homme cependant se mordait les lèvres, serrait les poings pour s’empêcher de crier, encore que la douleur qu’il éprouvât fût presque insurmontable. Il avait l’impression qu’il était immobilisé sur le sol, qu’au moindre mouvement qu’il faisait quelque chose serrait sa cheville, lui déchirait la jambe…

L’homme enfin, parvenant à surmonter sa souffrance, s’éclaira de sa lampe et regarda à ses pieds.

Un nouveau cri d’horreur s’échappa de sa poitrine ; il était pris dans un piège dont le ressort s’était refermé sur lui.

— Eh bien, reconnut-il après son examen, j’aime encore mieux cela ! On se tire d’un piège lorsqu’on a eu la maladresse d’y tomber, mais si, au lieu de percer le sous-sol de cette cave à l’endroit où je l’ai percé, je m’étais avisé de creuser sous ce piège, c’est ma gorge qui désormais serait écrasée entre ses deux mâchoires de fer, et alors…

L’homme, qui était devenu blafard, tant la douleur qu’il éprouvait était violente, parvenait à s’accroupir au prix de mille difficultés, et dès lors, de ses deux mains, nerveusement, il s’efforçât d’écarter les terribles ferrures du piège qui l’immobilisaient là où il venait d’être pris.

— Fantômas, disait-il, s’est aperçu de quelque chose, ce qui ne présage rien de bon ! Tant mieux ! Je ne redoute personne d’autre ! Et, s’il revient, ce qui est certain, eh bien alors ce sera grave !

L’homme, cependant, s’assurait qu’il avait toujours son revolver dans sa poche.

— J’ai six bonnes balles dans un browning… même lorsqu’on est pris au piège, on se défend !

— Avez-vous entendu ?

— Parbleu ! c’est la sonnerie !

Le chef de la surveillance, qui somnolait dans un petit bureau, au deuxième étage de la Monnaie, sursautait. Le tintement grêle d’un grelot d’alarme se faisait entendre en effet.

Le chef de surveillance s’adressait à un gardien de l’hôtel des Monnaies, qui était assis à côté de lui :

— Brigadier ! s’écria-t-il, cela signifie qu’il y a quelqu’un de pincé dans le piège que nous avons disposé dans la cave. Il faut aller voir sans plus tarder !…

Le brigadier devint tout pâle.

— Dites-donc, chef ! Il est sept heures du soir et nous ne sommes plus que tous les deux…

— Eh bien, brigadier ?

— Eh bien, chef, n’avez-vous pas peur ?

— Peur de quoi ?

Le chef de surveillance posait la question, mais son accent troublé démontrait nettement qu’il partageait les appréhensions de son subordonné.

Néanmoins, il ne voulait rien en laisser paraître.

— Qu’est-ce que cela peut faire ! dit-il. Nous n’avons rien à risquer. Cette sonnerie nous prévient que le piège que l’on a posé dans la cave vient de se refermer et que, par conséquent, le coupable que l’on recherche depuis si longtemps a enfin fini par se laisser prendre…

— Chef, articula le brigadier, je ne peux pas croire cela ! Le piège que l’on a disposé est un moyen grossier, et comme, dans la maison, tout le monde est au courant de son existence, le voleur a dû certainement savoir ce que nous avons préparé et a pris ses dispositions pour éviter de tomber dans le traquenard que nous lui avons tendu… Car, ajoutait le brigadier, je ne puis admettre que le mystérieux bandit qui circule si librement dans l’hôtel des Monnaies ne soit pas quelqu’un de la maison très au courant de la disposition des lieux, quelqu’un qui peut-être nous coudoie tous les jours, que nous connaissons aussi bien qu’il nous connaît et que nous voyons comme je vous vois !…