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homme tranquille par vocation ! trente-cinq batailles rangées! Cinquante menus combats! dix-huit sièges! douze prises d'assaut avec pillage et tout ce qui s'ensuit!... le major trouva le moyen de lui raconter tout cela en

quatre petites lieues, avec des quantités de détails aussi terrifiants que cir-

^'^L'OTHECA

constanciés sur la part que Dumollet y avait prise en qualité de Mameluck.

En avait-il vu, ce MahoiU'it, des Pyramides àliBérésina, et surtout en avait-il fait 1 ! !

Dumollet frissonnant, baissait la tète; il ne se souvenait pas, il l'avouait humblement. Les sapeurs pensaient que c'était modestie pure et le contemplaient avec admiration du fond de leurs bonnets à poils, les tambours se taisaient ébahis, quant à Zéphyrin Montauciel, il mettait cet étonnant défaut de mémoire sur le compte de la cervelle si malencontreusement gelée sur les bords de la terrible Bérésina.

Peu à peu les derniers rubans de chemin s'achevèrent, le régiment avec

MADAME MAHOMET, CAMIMEllE

Dumollet toujours à sa tête, ondula parmi les arbres sur les hauteurs de Saint-Servan, et les tours de Saint-Malo apparurent à peu de distance, rattachées à la terre ferme par une étroite bande de sable jaune hérissée de moulins à vent et semée de rochers sur lesquels les lames de la mer bleue déferlaient doucement et mollement sous le beau soleil, avec une grâce toute méditerranéenne.

Dumollet monta sur un bloc et salua dans un transport de joie le pays d'Estelle.

Ouf! Enfin! Merci, mon Dieu!!! Il était arrivé, plus de périls, plus d'aventures !

Sur un signe du colonel, Zéphyrin Montauciel brandit sa canne, les sapeurs reprirent leur gravité, les tapins firent entendre un rrra-fla énergique et le régiment reforma les rangs pour faire une entrée solennelle dans sa nouvelle garnison.

Aux premières maisons, Dumollet très astucieux, chercha à s'éclipser pour courir se débarasser de la peinture noire des Turpinski, mais son ami le tambour major ne l'entendait pas ainsi.

— A la caserne, lui dit-il en le faisant marcher en avant, je suis libre tout de suite et je t'emmène.

Dumollet campé sur Coqueluchon devant la porte du château d'Anne de

SAINT-MAI.O '.

Bretagne, laissa passer le régiment; sapeurs, tapins, grenadiers, voltigeurs et fusiliers s'engouffrèrent dans les vieux bâtiments, puis à la queue de la colonne parurent les voitures des vivandiers.

Dumollet, avec une émotion dont il ne put se défendre, lut sur la bâche d'une des voitures le nom de sa fausse veuve « madame Mahomet vivandière au 43° de ligne, l'' bataillon ».

Madame Mahomet, à ce qu'il lui sembla, le regarda longuement. Peut-être allait elle le reconnaître aussi! Dumollet qui n'avait pu s'en aller à cause de la foule rassemblée pour le régiment, fit tourner la tèle à Coqueluchon pour fuir au plus vite cette nouvelle complication. Mais un bras l'arrêta par derrière, c'était Zcphvrin Montauciel qui ayant remis sa canne au caporal tambour, laissait le régiment s'installer.

— Je ne te quitte pas, mon vieux Mahomet, dit le major, et je vais te présenter dès maintenant à ma future.... pas accéléré en avant marche, c'est à deux pas!

— Mais... je voudrais me débarbouiller, dit Dumollel.

— Pourquoi faire ?... C'est superflu pnur un n"'irre!

EMUEE AU CASERNEMEXT

Dumollel entraîné i.e put résister. Tout ce que permit le major, ce fut un petit arrêt dans une auberge pour mettre Coqueluchon à l'écurie. D'ailleurs la fiancée du major demeurait réellement à deux pas du château, dans une de ces rues étroites aux vieilles maisons de granit noir, bâties par les corsaires malouins avec leurs parts de prise. Le major poussa DumoUct dans une allée cl lui fit frravir un escalier. \\i premier étage Zéphyrin Montauciel sonna sans laisser à Dumollel le temps de respirer.

La porte s'ouvrit aussilûl. Sans doule on avail aperçu le plumet du major

LA DERNIÈRE ÉTAPE DE DUMOLLET

qui dans la rue se balançait au niveau des fenêtres du premier étage.

— Eh bonjour, major! fit la personne qui avait ouvert la porte.

— Bonjour! Monsieur Zéphyriii ! dit une charmante demoiselle en robj giroflée, coifîée à la Chi.ioise, la figure encadrée dans une collerette à trois rangs de tuyaux.

— Je viens sans perdre une minute, dit le major, déposer aux pieds de ma charmante future, mes plus respectueux hommages ! Je me suis permis d'amener un ancien frère d'armes, un vieil ami gelé en Russie, pour vous pré-

0.\' AVAIT APERÇU SON PLUMET

senler tout de suite celui qui sera mon garçon d'honneur pour la douce cérémonie !... Monsieur Valsuzon, mademoiselle Estelle, je vous présente mo:i ami Mahomet Coglou, ex-timbalier aux ex-mamelucks de l'ex-garde, gelé à la Bérésina et dégelé depuis, bien entendu!

— Touchez-là, monsieur, dit Monsieur Valsuzon en tendant la main à Dumollet, j'aime les guerriers, j'aime les

Mais Dumollet venait subitement de fléchir sur ses jambes et cherchait un siège quelconque pour le recevoir.

— .\h !... oh'... ah!... faisait-il, oh! ah ! oh!

— Faites pas attention, dit le major, il a des absences, la cervelle n'a pas dégelé tout à fait.

Le Voyage de M. BvinoUet

— Monsieur Valsuzon ! répéta Dumollet, mon cousin ! mademoiselle Estelle ! ma cousine ! ! !

— Hein? plaîl-il? nous n'avons pas l'honneur.... firent la future du tambour-major et son respectable père.

— Voyons, reprit Dumollet, vous êtes bien Monsieur Valsuzon?

— Oui.

— Monsieur Valsuzon, ancien bonnetier ?

J AI AMENE UN AMI GELE EN nUSSIE ....

— Oui, répondit l'habitant de Saint-Malo.

— C'est bien ça, je suis voire cousin Dumollet ! Je suis votre fiancé. Mademoiselle Estelle!

— Que voulez-vous dire ? s'écria Valsuzon.

— Faites pas attention, répéta le major, c'est la cervelle, ça reviendra!... Voyons, Mahomet, tu confonds, mon vieil ami, le (iancé c'est moi, Zéphyrin Montauciel, d'ailleurs tu as ta veuve !

— Je ne suis pas Mahomet ! cria l'infortuné Dumollet, je ne suis pas Coylou! Je suis Dumollet, le cousin de M. Valsuzon et le véritable fiancé de mademoiselle Eslelle!

— Quelle horreur ! s'écria Estelle retrouvant la parole, moi, fiancée à un nègre!... Jamais ! vous êtes fou, monsieur!... Mon père a eu certains projets, je ne dis pas, avant de connaître M. Zéphyr!n, mais jamais il n'a songé à me marier à un nègre !

— Saperlipopette ! cria M. Valsuzon, je ne vous connais pas, je n'ai pas de cousin nègre !

La pauvre Estelle parut frappée par une idée subite, elle poussa un cri et^courut ouvrir un tiroir de commode. Rapidement elle chiffonna des flots de rubans, bouleversa quelques papiers et tira d'un petit portefeuille un papier sur lequel se dessinait bizarrement un bonhomme tout noir.

JE N AI PAS DE COUSIN .NEGRE

— C'est lui, papa, gémit Estelle, tenez, voici le portrait de notre cousin en silhouette , c'est très ressemblant mais il n'avait pas dit qu'il était nègre.

Dans tous les cas, je n'en veux pas !

— Je suis votre cousin et je ne suis pas nègre. Tenez, voici la miniature de ma cousine Estelle, vous voyez bien que je suis Dumollet, et, attendez, donnez moi un peu d'eau et du savon !

Mademoiselle Estelle devenue rouge comme une pivoine, cherchait à son tour un siège pour s'y laisser choir, Dumollet ayant aperçu la porte de la cuisine, se précipita vers la fontaine, saisit un morceau de savon, et se trempa la tête dans un seau d'eau.