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par Angalo de Konfection

L’écho des voix de Masklinn et Gurder rebondit tout au long du goulet, tandis qu’ils escaladaient les fils électriques.

— Je me disais bien, aussi, que ça lui prenait beaucoup trop longtemps !

— Tu n’aurais jamais dû le laisser partir tout seul ! Tu le connais, il veut conduire tout ce qui passe à sa portée !

— Parce que c’est moi qui n’aurais pas dû ?

— Il n’a pas la moindre idée de… bon, par où va-t-on, maintenant ?

Angalo avait confié qu’il s’attendait que les entrailles d’un avion ressemblent à une masse de fils électriques et de tuyaux. Il ne s’était pas trompé de beaucoup. Les gnomes se faufilèrent avec difficulté sous le plancher, dans un monde étroit, enguirlandé de câbles.

— Tout ça, ce n’est plus de mon âge ! Il arrive un temps dans la vie d’un gnome où on ne devrait plus lui demander de se déplacer à quatre pattes dans les entrailles de terribles engins volants !

— Ça t’est arrivé souvent ?

— C’est une fois de trop !

— Nous approchons, annonça le Truc.

— Voilà ce qu’on récolte, à se montrer ! C’est un Châtiment, déclara Gurder.

— Infligé par qui ? rétorqua Masklinn sur un ton sévère, tout en aidant l’Abbé à monter.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Pour qu’il y ait Châtiment, il faut bien que quelqu’un l’inflige !

— Je parlais de Châtiment en général !

Masklinn fit halte.

— Et maintenant, Truc, dans quelle direction ?

— Le message annonçait aux distributrices de nourriture qu’une petite créature bizarre se trouvait dans la cabine. C’est là que nous sommes. Il y a de nombreux ordinateurs, ici.

— Et ils te parlent, c’est ça ?

— Un peu. On peut les comparer à des enfants. La plupart m’écoutent, expliqua le Truc sur un ton supérieur. Ils ne sont pas très intelligents.

— Mais que va-t-on faire ? s’inquiéta Gurder.

— Nous allons…

Masklinn hésita. Le mot « sauver » jetait une ombre menaçante sur la phrase qu’il allait prononcer.

C’est un mot admirable, riche de possibilités dramatiques. Masklinn brûlait du désir de le prononcer. Le problème, c’est qu’il y avait un mot presque de la même taille et beaucoup plus désagréable qui se profilait un peu plus loin.

Le mot « Comment ? »

— Je ne pense pas qu’ils essaieraient de lui faire du mal, poursuivit-il en espérant qu’il ne se trompait pas. Peut-être qu’ils le mettront quelque part. On devrait trouver un endroit d’où voir tout ce qui se passe.

Il considéra d’un air désemparé les fils et les enchevêtrements de métal qui se dressaient devant eux.

— Bon, alors il vaut mieux que tu me laisses passer devant, fit Gurder sur un ton parfaitement raisonnable.

— Pourquoi ?

— Tu es sans doute un expert quand il s’agit d’espaces dégagés, répliqua l’Abbé en l’écartant de son chemin. Mais dans le Grand Magasin, on savait tout ce qu’il fallait savoir sur les déplacements à l’intérieur des machins.

Il se frotta les mains.

— Bon, allons-y, fit-il.

Et il empoigna un câble et se glissa par une fente dont Masklinn n’avait même pas remarqué la présence.

— Je faisais souvent ça, quand j’étais gamin, continua Gurder. On n’en ratait pas une, à l’époque.

— Ah oui ?

— Faut descendre par là, me semble-t-il. Attention aux fils électriques. Oh, oui ! On montait, on descendait dans les puits d’ascenseurs, on s’introduisait dans le standard téléphonique…

— Il me semblait t’avoir entendu dire que les enfants passaient beaucoup trop de temps à courir partout et à faire des bêtises, de nos jours ?

— Ah ! ça oui. Mais ça, c’est de la délinquance juvénile, s’indigna Gurder d’un air sévère. Rien à voir avec notre exubérance d’enfance. Bon, essayons par là.

Ils grimpèrent entre deux parois de métal chaud. Devant eux brillait le jour.

Masklinn et Gurder se couchèrent et se tirèrent vers l’avant.

Ils aboutirent à une pièce de forme inhabituelle, à peine plus grande que l’habitacle du Camion. Comme l’habitacle, ce n’était en fait qu’un espace où les conducteurs humains se glissaient entre les mécanismes.

Et des mécanismes, ça ne manquait pas.

Plein les murs, plein les plafonds. Des voyants, des interrupteurs, des cadrans, des leviers. Masklinn songea : Si Dorcas était avec nous, on ne pourrait plus le faire partir d’ici. Angalo est par là, quelque part, et il faut absolument qu’il en sorte.

Deux humains étaient à genoux sur le plancher.

À côté d’eux se tenait une distributrice de nourriture. Tous trois échangeaient force mugissements et grondements.

— Le langage humain, murmura Masklinn. Si seulement on pouvait le comprendre…

— Très bien, fit le Truc. Un instant de patience.

— Tu sais comprendre les bruits des humains ?

— Bien sûr. Ce sont simplement des bruits de gnomes au ralenti.

— Hein ? Comment ? Mais tu ne nous avais jamais dit ça ! Tu ne nous l’avais jamais dit auparavant !

— Il y a des milliards et des milliards de choses que je ne vous ai pas dites. Par où voulez-vous que je commence ?

— Tu pourrais commencer par nous apprendre ce qu’ils sont en train de dire, fit Masklinn. Si tu veux bien ?

— Un des humains vient juste de dire : « Ça devait être une souris, quelque chose comme ça. » Et l’autre a répondu : « Si tu me montres une souris qui porte des vêtements, je veux bien reconnaître que c’en était une. » Et la distributrice de nourriture a dit : « C’est pas une souris que j’ai vue. Il était là, en train de me narguer et de ramener sa fraise (exclamation). »

— Sa fraise ? C’est quoi ?

— Le fruit, petit et rouge, de la plante nommée Fragaria vexa.

Masklinn se retourna vers Gurder.

— T’as fait ça, toi ?

— Moi ? Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire de fruit ? Enfin ! S’il y avait eu le moindre fruit, je l’aurais mangé, pas ramené ! J’ai juste fait Flllbllblbbll.

— Un des humains vient de dire : « J’ai tourné la tête, et je l’ai aperçu, en train de regarder par le hublot. »

— Pas de doute, ils parlent bien d’Angalo, constata Gurder.

— Et maintenant, l’autre humain agenouillé vient de répondre : « Bon, je ne sais pas ce que c’est, mais en tout cas il est derrière ce panneau et il est coincé. »

— Il démonte un bout de mur ! s’exclama Masklinn. Oh, non, il plonge la main à l’intérieur !

L’humain mugit.

— L’humain déclare : « Il m’a mordu ! La sale petite peste, il m’a mordu ! » révéla le Truc sur le ton de la conversation.

— Là, je reconnais bien Angalo, jugea Gurder. Son père était comme ça, lui aussi. Déchaîné, quand il était dos au mur.

— Mais ils ne savent pas sur quoi ils ont mis la main ! intervint Masklinn sur un ton pressant. Ils l’ont vu, mais il s’est échappé ! Ils en discutent ! Ils ne croient pas vraiment aux gnomes ! Si on arrive à le faire sortir avant qu’ils l’attrapent, ils finiront forcément par se dire que c’était une souris ou quelque chose comme ça !

— Je suppose qu’on pourrait faire le tour de la pièce en passant par les murs, fit Gurder. Mais ça prendrait trop de temps.