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— Je n’ai besoin de rien aujourd’hui, lui dis-je en commençant à refermer la porte.

Il ouvrit la visière de son casque et une dizaine de litres d’eau de mer en jaillirent.

— C’est moi, Guig ! Je suis venu t’aider ! me dit le mec en XXe.

C’était le capitaine Nemo, cinglé de biologie marine depuis si longtemps que maintenant il préfère résider dans le milieu aquatique.

— Vous pouvez l’amener, les gars, cria-t-il en spanglais tandis que son casque perdait encore un peu d’eau.

Trois malabars apparurent, traînant une énorme cuve qu’ils firent entrer dans la maison.

— Posez-la avec précaution, leur recommanda Nemo. Là. Doucement. Virez légèrement. Crochez ferme.

Les malabars exitèrent. Nemo enleva son casque ruisselant et se tourna vers moi radieux.

— J’ai résolu tous les problèmes, Guig. Laisse-moi te présenter Laura.

— Laura ?

— Regarde dans la cuve.

Je retirai le couvercle et je me penchai pour regarder. Je me trouvai nez à tentacule avec la plus grosse pieuvre que j’aie jamais vue dans ma foutue existence.

— C’est ça, Laura ?

— Ma joie et ma fierté. Dis-lui bonjour.

— Hello, Laura.

— Non, non, pas comme ça. Elle ne t’entend pas. Il faut mettre la tête sous l’eau.

— Bleblo Blaura, bulbullai-je.

Que le diable me patafiole si elle n’ouvrit pas son bec pour me répondre.

— Herrro, tandis que ses yeux se braquaient sur moi.

— Sais-tu dire ton nom, ma chérie ?

— Raura.

Je ressortis la tête et me tournai vers le capitaine Nemo, qui était béat de contentement.

— Alors ? me demanda-t-il.

— Extraordinaire.

— Elle est douée. Elle possède un vocabulaire de plus de cent mots.

— On dirait qu’elle a un accent japonais.

— Oui. J’ai eu un petit problème avec la greffe du palais.

— La greffe ?

— Tu ne crois pas que j’ai trouvé comme ça une pieuvre qui pense et qui parle ? Je l’ai créée avec des greffes.

— Nemo, tu es un génie.

— Je l’avoue, avoua-t-il modestement.

— Et Laura va m’aider à squeezer Séquoia Devine ?

— Ça ne peut pas rater, avec elle. On lui expliquera ce qu’il faut faire, et ton bonhomme mourra de si horrible façon qu’il t’en voudra toute sa vie.

— Qu’est-ce que tu penses faire ?

— Tu n’aurais pas une piscine ? Je commence à me dessécher.

— Non, mais je peux en faire une.

J’aspergeai le petit salon de perspex transparent, jusqu’à deux mètres du sol. Les meubles aussi, bien sûr. Je fis une couche de cinq centimètres d’épaisseur. Nous avions maintenant une piscine en forme de salon, décor compris. Je la remplis d’eau en utilisant la pompe à gros débit. Nemo ôta son scaphandre, passa dans l’autre pièce et revint avec Laura dans ses bras. Ils entrèrent dans la piscine. Nemo s’assit sur le canapé et lâcha une bulle de soulagement tandis que Laura explorait les lieux. Puis il me fit signe de les rejoindre. Je plongeai. Laura m’enveloppa de ses tentacules avec affection.

— Elle t’aime, me dit Nemo.

— Ça me fait plaisir. Alors, quel est ton plan ?

— Nous emmenons le type faire un tour en aqualung. Nous le faisons plonger très bas. Il aura un système atmosphérique clos, avec un mélange sous pression d’oxygène et d’hélium. L’hélium, c’est pour la décompression.

— Oui ?

— Laura attaque. Le monstre des abîmes.

— Elle le noie ?

— Non, non. Attends, c’est plus démoniaque que ça, Laura a été entraînée. Pendant qu’il se débat, elle coupe l’arrivée d’hélium.

— Et alors ? Il reçoit de l’oxygène pur.

— C’est là que ça devient démoniaque. L’oxygène à haute pression provoque des symptômes de tétanos, d’empoisonnement à la strychnine, et des spasmes épileptiques. Il amplifie la production d’énergie excito-motrice par la moelle épinière et provoque des convulsions violentes. Ton bonhomme mourra d’une mort lente et horrible.

— Ça me paraît suffisamment sadique, Nemo. Mais comment le sauve-t-on ?

— Avec du chloroforme.

— Avec quoi ?

— Le chloroforme est l’antidote de l’empoisonnement par oxygène.

Je méditai quelques instants.

— C’est un peu compliqué, ton histoire, Nemo.

Il me regarda furieusement.

— Qu’est-ce que tu voudrais ? Un volcan ?

— C’est bon, c’est bon… Je voudrais seulement être sûr que ça va marcher. On peut essayer, d’accord. On va… Attends une minute.

On entendait un horrible vacarme qui venait de la porte d’entrée.

Je sortis de l’eau et allai ouvrir en oubliant que j’étais tout nu. Lorsque l’iris s’ouvrit, je vis devant moi Parfum en Chanson, ressemblant plus que jamais à une princesse de la dynastie des Ming. Il y avait un éléphant derrière elle, en train de marteler la porte à grands coups de trompe.

— La sublime vision de ta divine présence auréole mes yeux concaves et indignes d’une lumière céleste, dit-elle. Arrête, Sabu, tu vas casser la porte.

L’éléphant arrêta son boucan.

— Salut, Guig, reprit-elle. Longtemps qu’on ne s’est vus. Ne regarde pas maintenant, mais tu as la braguette ouverte.

Je l’embrassai.

— Entre donc, princesse. Ça fait une paye, en effet. Tu me présentes ton copain ?

— C’est ce que j’ai pu trouver de plus proche d’un mastodonte.

— Tu ne veux pas dire…

— Qu’est-ce que tu crois ? Si ça a marché pour Hic-Hæc-Hoc, ça doit marcher aussi pour ton candidat.

— Qu’est-ce que tu comptes faire ?

— Je séduis ton joyau phénoménal. Juste au moment crucial, nous sommes surpris en flagrant délit par Jumbo qui, dans un fol élan de jalousie passionnée, nous écrase len-te-ment jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je pousse des cris, mais en vain. Il est fou furieux. Tu comprends ? Fou furieux. Ton bonhomme résiste héroïquement, mais ça n’empêche pas le front massif de presser, presser, presser…

— Pas mal, fis-je d’un ton admiratif.

— À propos de front massif. Il faudrait le faire entrer. Il n’est pas très futé, il pourrait s’attirer des ennuis. Un peu plus grand, l’iris, s’il te plaît.

J’élargis l’ouverture, et la princesse fit entrer le mastodonte. Il n’était pas futé, en vérité. Pendant les quelques minutes où il était resté seul, il s’était laissé couvrir de graffiti en spray, tous horriblement obscènes. Il gazouilla un peu, effleura Parfum en Chanson de sa trompe pour se rassurer puis disparut soudain à travers le plancher du living-room qui s’était effondré sous son poids. On entendit un barrissement éploré qui venait de la cave. D’autres glapissements lui répondirent, en provenance du petit salon.

— On ne construit plus les maisons comme autrefois, dit la princesse. Qu’est-ce que c’est que tout ce boucan ?

Je n’eus pas à lui expliquer. Le capitaine Nemo arriva en chargeant, la braguette ouverte.

— Bon Dieu de bon Dieu, qu’est-ce qui se passe ici ? Holà ! princesse. Tu as fichu une frousse bleue à Laura, Guig. Elle est dans un état de panique. C’est une petite très sensible.

— Ce n’est pas moi, Nemo. C’est Sabu. Il est un peu tombé.

Nemo passa la tête par l’ouverture.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Un mastodonte poilu.

— Je ne vois pas de poils.

— Je le rase tous les matins, dit Parfum en Chanson.

Elle paraissait un peu froide. Je soupçonnais une rivalité possible entre Laura et Sabu. On gratta à la porte d’entrée. J’allai ouvrir pour me trouver devant un python lové sur ses anneaux qui devaient faire au moins deux mètres vingt de haut.