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— Vous êtes pas trop suffoquée d’avoir un gangster sous votre toit ? je lui demande.

Elle me fait cette réponse extraordinaire :

— C’est merveilleux !

Merveilleux ! Quand je vous le disais qu’à notre époque les bourgeois ont besoin de s’encanailler !

Celle-ci est la pire de toutes !

Elle m’entraîne dans son alcôve, car elle a une vraie alcôve. Faut venir des U.S.A. pour voir ça !

Je ne me fais pas trop tirer l’oreille. Après tout, cette souris a été de première avec moi. Sans elle je bichais une rafale de Thomson dans les badigoinces. Soyons équitable !

Je peux bien lui revaloir ça de la manière qui lui est agréable !

Et puis, une part de calcul se mêle à mon acceptation. Je me dis qu’une partie de jambes en l’air, y a rien de tel pour rétablir la circulation…

J’éternue comme un malheureux et je me sens pris du côté des éponges.

Si je ne réagis pas sérieusement, je vais me réveiller dans un poumon d’acier et ça sera pas mirobolant…

— Je voudrais d’abord prendre un bain bien chaud, je dis.

— Parfaitement…

Elle est docile comme un coolie. Elle me fait entrer dans une salle de bains toute en marbre noir… Elle fait couler la flotte pendant que je me déloque…

— Les larbins ne sont pas réveillés ? je lui demande.

Elle me dit :

— La petite bonne est en vacances et Fred, notre vieux cuisinier-chauffeur, couche derrière la maison…

— Parfait !

J’entre dans la baignoire et c’est à ce moment-là seulement que je ressens les bienfaits de l’existence… Ce bain chaud me fait un bien énorme derrière le bol de punch et avant la séance de bête à deux dos…

— Voulez-vous que je vous masse, mon chéri ? demande ma grognasse.

J’accepte…

Elle a une conception particulière du métier de masseur car, pour opérer, elle se dépoile aussi sec.

Quand je vous le disais, qu’avec les souris on est jamais sûr de rien ! Celle-ci est foutue comme une gamine de dix-huit ans ! Elle a un corps tout ce qu’il y a de lisse, de potelé, avec des seins doux et fermes… Si doux et si fermes qu’ils attirent la main de l’homme.

Et pour les massages elle en connaît un bout.

Et quel bout !

Chapitre XXVI

Une belle idée !

Pour la femme de l’armateur, ç’a été la grande java de sa vie !

Une tordue pareille, qui devait se lever des petits jeunots ou alors des pantes incapables de reluire, elle a encore jamais vu ça. Moi-même j’en suis épaté. Ça fait des générations que je n’ai pas fait un pareil jeu à une grognasse, et qui m’aurait dit que j’abattrais toutes mes brèmes pour une vieille endoffée salingue, je l’aurais traité de menteur.

La femme de l’armateur elle a droit à la brouette chinoise, au caméléon en spirale, au grand huit, le tout émaillé de bricoles.

Quand l’aube se lève, elle est aussi pantelante qu’un drapeau un jour de défilé pluvieux… Elle a les châsses révulsés, les lèvres enflées et les doigts de pied en bouquet de violettes…

Pas belle à voir… Si peu belle, même, que je me tourne résolument de l’autre côté en me racontant l’histoire du cousin de la bicyclette à Jules… J’en écrase jusqu’à midi… C’est le zonzon de l’aspirateur qui me réveille. Je secoue mon paillasson.

— Dis voir, amour, je lui fais, ton larbin va me repérer et ça sera le grand circus pour ma pomme !

Elle ouvre ses mirettes engluées par le rimmel et les larmes de plaisir…

— N’aie crainte, mon baby, Félix est la discrétion faite homme.

Je comprends que le larbin doit avoir l’habitude des frasques de sa patronne.

Lui c’est motus… Motus sur toute la ligne…

O.K…

Je gamberge un instant sur ma situation. À la cadence des événements, toutes les demi-heures je suis obligé de faire le point.

M’est avis que le Masset il est plutôt emmaverdavé à ces heures. D’abord il a perdu son frimant, Molard, ensuite il a dû avoir du mal à expliquer aux matuches comment deux hommes bouclés ensemble, soi-disant, dans un frigo ont fait leur compte, l’un pour sortir vivant et l’autre pour s’émietter comme de la mie de pain… Mais ça m’a l’air d’être le type démerde qui doit avoir un condé de première en haut lieu pour voir venir…

Ceci dit, la situation est d’une vraie mochetée pour ma gueule. On a beau remplacer la margarine, à force de provoquer les bourdilles on finit par gagner le canard !

Tant qu’à faire de continuer d’alerter la poulaillerie dès que je mets le nez à la portière, autant valait rester aux U.S.A. où j’ai mes habitudes et de la ressource…

Jouer les touristes dans de telles conditions, c’est plutôt débecquetant… Il faut que je mette mes pieds au sec, et rapidos, parce que le gros pébroque va me tomber sur la cerise. Il paraît qu’ils ont en Francecaille une machine à découper les cous en rondelles qui est tout ce qu’il y a de loquedue !

Si je pouvais passer en Suisse, ça serait poildé ! La Suisse c’est le bled des montagnes, des vaches, de la paix… Trois choses qui me tentent bigrement !

Je caresse les roberts de mon hôtesse.

— Dis voir, mignonne, je lui fais. Ça te dirait, qu’on fasse un petit viron sur les bords du Léman, nous deux ?

Elle a un cri d’enthousiasme.

— Ce serait merveilleux, mon baby…

Presque aussitôt elle se renfrogne…

— Seulement, dit-elle, je n’ai pas beaucoup d’argent…

J’ouvre de grands yeux. À en juger par l’ampleur de sa care, je la jouais pourrie d’auber… Est-ce qu’elle essayerait de me chambrer, par hasard ? Est-ce qu’elle serait près de son fric, la vioque ?

Mais non, au contraire, elle m’explique qu’elle les balanstique à pleines poignées. Alors son vieux lui serre la vis. Il paie les frais de taule, et, tous les lundis, son notaire allonge l’osier de la semaine…

Je me gratte le nez.

— Tant pis, je dis, on se débrouillera…

Elle croit au grand amour, elle est folle à la pensée que le cinéma de cette nuit va recommencer indéfiniment. Qu’est-ce qu’elle s’imagine !

Moi j’ai besoin d’elle parce qu’elle a une bagnole et un pedigree intouchable. C’est exactement la couverture qu’il me faut… Une fois en Suisse, bonsoir, Madame ! Mais pour y aller, il faut du blé…

Je prends mon bain et je me loque. Je fouille mes poches à la recherche d’une cigarette lorsque mes doigts rencontrent un papier…

Cet objet insolite m’intrigue. J’examine le papelard, et je découvre qu’il s’agit de la lettre retirée du coffre de Masset, de ce mot laconique et vaguement menaçant.

Je le relis :

Masset,

Je me permets de vous rappeler ma petite note de lundi dernier. L’argent doit être expédié par mandat à mon nom, poste restante, bureau 118.

Vous êtes prié de ne pas l’oublier, car je serais obligé de vous rafraîchir la mémoire…

Charles G.

Je replie soigneusement le papier, rêveur… Pourquoi lâcherais-je le filon Masset ! Cet affreux m’en a assez fait baver comaco pour que j’aie droit à un petit lot de consolation…