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C’est à voir…

Assis dans un fauteuil moelleux je sirote un glass de bourbon en attendant l’heure de la bouffe qui ne saurait tarder…

Ma souris se ravale la façade devant sa coiffeuse.

Moi je rêvasse, quand voilà Félix qui entre, portant le courrier et les journaux sur un plateau.

Il a la bouille de tous les valetons de comédie… Chauve, favoris, air un peu faux-derche… Vous voyez le topo ?

Il ne me regarde même pas… Pour lui je suis un petit tendeur à l’affût d’un bon gueuleton et d’une partouzette.

Je cramponne le journal, histoire de voir où j’en suis avec l’opinion publique…

Mes aïeux ! Quelle apothéose ! Si Adolf Hitler revenait, ça ferait pas plus de raffut !

On m’appelle le gangster numéro 1 de l’histoire du crime… Le mitrailleur et autres superlatifs !

Au sujet de cette nuit, Masset s’en tire comme un prince. Voilà sa version officielle de la chose : il était en conversation avec un important éleveur de bétail de Normandie, un certain Charles Gentil, lorsque j’avais fait irruption dans son bureau…

Sous la menace de mon feu, je l’avais contraint de me mener jusqu’à ses frigos où j’avais catapulté le Gentil après l’avoir assommé. J’allais agir de même avec lui lorsqu’il m’avait filé un coup d’épaule pour me faire basculer à l’intérieur du frigo… Il avait eu le temps de repousser la porte sur moi et il avait aussitôt alerté Police Secours !

C’était pas mal échafaudé…

On peut lui faire confiance… Pour les romans à épisodes il s’y entend, le frère…

De tout ça, je retiens qu’il a réussi à m’empaqueter son mort et à le mettre à mon crédit, comme il cherche à le faire depuis le début…

Et ce mort, comme un roi, se nomme Charles Gentil… C’est-à-dire qu’il portait le prénom et l’initiale dont est signée la mystérieuse bafouille… De là à conclure que c’était lui qui l’avait écrite, il n’y a qu’un pas à franchir, et ce pas je le franchis.

L’article raconte qu’il est installé dans le Vexin…

— Merveille des merveilles, je dis à la souris… Pour me mettre en forme, sur le chapitre de la réflexion, j’ai envie d’aller faire un tour en bagnole après le repas… Que dirais-tu d’une balade côté Normandie ? On m’a toujours dit que c’est un patelin ravissant, style bergerie et fêtes champêtres…

Chapitre XXVII

Cartes sur table !

Vous l’avez deviné, mon objectif de promenade n’est autre que le patelin de Gentil. Ce bled est situé à une vingtaine de bornes de Mézy… Je revois avec un fin sourire aux lèvres le petit patelin où s’est déroulée la corrida de la veille…

Parvenu aux alentours des élevages Gentil, il ne me faut pas longtemps pour piger pas mal de choses… Le temps de laisser ma conquête au troquet du coin et d’interroger discrètement quelques naturels, et toutes mes suppositions s’avèrent exactes… Ce qui me prouve par A + B que, sous quelque ciel que je me trouve, ma matière grise est toujours de first quality !

Je reviens au bistrot.

— Poulette, je fais à ma morue, je ne t’ai pas encore demandé ton nom.

Elle rosit d’émotion.

— Je m’appelle Marguerite, minaude-t-elle.

— C’est printanier en diable ! je m’exclame. Ce sera doux à prononcer dans les alpages suisses… Parce que, vois-tu, ma douceur, j’ai bon espoir de trouver le pognon nécessaire à un petit voyage d’agrément…

— C’est merveilleux, assure-t-elle.

Ce qu’il y a de sensationnel avec une raidie pareille c’est qu’elle est limitée comme vocabulaire. En général, les mômes abusent du leur.

— Allez, on repart…

En route, je mijote mon petit coup.

— Dis donc, déesse, il doit bien y avoir chez toi des papiers d’identité au nom de ton crabe, non ?

— Il y a un ancien passeport périmé, dit-elle après un instant de réflexion…

— Baveau ! Il me servira pour passer la frontière suisse, puisqu’il n’y a pas besoin de visas…

— Mais tu ne ressembles pas à mon mari ! s’écrie-t-elle… Et il y a sa photographie sur le passeport…

— T’occupe pas ! on mettra la mienne à la place.

— Mais… les tampons, dessus ?

J’hausse les épaules. Je peux pourtant pas lui expliquer que le tampon postiche c’est comme qui dirait mon violon d’Ingres.

Tant qu’il y aura des pommes de terre crues, je fabriquerai tous les tampons de la création…

Je la laisse chez elle en lui conseillant de préparer le passeport et la valoche, et je lui demande de me laisser sa tire pour une paire d’heures. Elle accepte…

Moi je roule en direction du bois de Boulogne, assez proche. Lorsque j’arrive à la porte Dauphine, j’arrête le bahut devant un grand établissement à tralala où sont parquées les plus baths bagnoles de Paris et limitrophe… Les bourdilles doivent pas surveiller des coins aussi rupins. Eux, leur blot c’est l’hôtel de passe, les squares miteux, les gares… Mais ils ne marnent pas dans le sélect, Dieu merci.

Je commande un gin fizz au garçon cérémonieux, puis je réclame le téléphone.

Trois minutes plus tard, j’ai Masset à l’autre bout.

— Allô ! grogne-t-il.

— Comment va ce bon M. Masset ? je demande.

Il reconnaît ma voix et il tique méchamment.

— Ah ! fait-il.

— Écoutez, j’attaque, il est absolument inutile d’alerter les poulets. Ne tentez rien, Masset, car vous vous en repentiriez… Les bourres sont cruches dans votre patelin, mais pas au point de pas entraver certaines choses…

Je reprends ma respiration…

— J’ai sur moi la bafouille de Charles Gentil, piquée dans votre coffre cette nuit… De plus je connais l’histoire maintenant de A jusqu’à Z. Si les flics m’arrêtent, j’en ai tellement long à leur raconter sur vous que les journaux devront tirer des éditions spéciales… Et même si je me faisais flinguer avant, j’ai un petit copain dûment affranchi qui chanterait ma romance à ma place. Alors, arrivez avec votre chéquier au Chalet du bois… Je vous donne cinq minutes pour radiner. Et si vous jouez au con tant pis pour vous…

Je raccroche aussi sec et je retourne à ma table. J’ai choisi une place d’angle qui me permet de surveiller l’extérieur sur ses deux faces. Au premier signe suspect je malle par les gogs et je rejoins la tire de Marguerite que j’ai planquée à quelques mètres, dans une allée discrète…

* * *

Un gros tréteau stoppe devant l’entrée principale. Masset en descend. Il est nippé en marron et il a l’air drôlement préoccupé.

Il pénètre dans l’établissement, bigle à gauche et à droite et m’aperçoit.

Il arrive droit sur moi, s’assied, puis me regarde.

— Alors ? fait-il.

— Vous avez votre chéquier ?

— Oui…

— Montrez !

Il le sort de sa poche.

— O.K., je fais, alors nous allons aller à votre banque…

— Vraiment !

— Bien sûr… Là, vous demanderez la position de votre compte…

— Je la connais, merci.

— Vous, mais pas moi… Or, je préfère l’apprendre des lèvres d’un employé…

— Parce que vous comptez encaisser beaucoup d’argent ?

— La totalité du compte, tout bêtement…

Il a un rire amer.

— Et vous pensez que je marcherai ?