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— Je le pense…

— Sans blague !

— Sans blague !

— Vous proposez quoi, en retour ?

— La lettre de Gentil…

Il est flottant.

— Et si je refuse ?

Je joue brutal.

— Si vous refusez, vous me suivrez au téléphone, je sonne les flics et je leur raconte tout devant vous !

— Tout quoi ?

Je prends un temps. C’est là que mon imagination et mon esprit de déduction se mettent au turf, j’espère ne pas me gourer !

— Je leur raconte que feu M. Gentil, gros éleveur, a eu un sacré pépin avec la dernière épidémie de fièvre aphteuse… Deux mille bêtes à cornes le ventre en l’air… D’accord, il était assuré, seulement c’était un gars qui avait les dents longues… Il a proposé ses tonnes de charogne à son copain Masset, marchand de bidoche en conserve… Celui-ci a accepté… L’opération s’est faite en loucedé… Dans le pays de ses élevages, Gentil a raconté qu’il livrait les cadavres de ses bestiaux à une usine d’engrais chimiques… En réalité la bidoche vous a été livrée à vous, Masset. Seulement il y a eu du pet au sujet du règlement, vous vouliez lui douiller les bêtes crevées au prix de leurs peaux, et ça n’a pas gazé du tout. Gentil est devenu menaçant.

« Il est venu faire de l’esclandre chez vous, devant vos larbins qui ont pigé pas mal de trucs. Alors vous avez perdu la tête. La moindre indiscrétion et les conserves Masset allaient se faire voir en taule, hein, mon petit père ? Pas bon, ça… Vous étiez en cheville avec Molard pour ces sales besognes. Vous avez donc enfermé Gentil dans le frigo où il est canné d’une mort que j’ai bien failli connaître. Vous aviez le temps de voir venir tandis que le cadavre était au froid… Vous avez compris que vos domestiques étaient dangereux.

« Alors, grâce à votre maîtresse qui s’envoyait en l’air avec des petits truands, vous avez monté le faux cambriolage, celui-ci ne visait que la mort de votre domestique… Rilley, le nave, a été possédé comme une crêpe… Mais Sophie avait un faible pour lui…

« Lorsque Rilley a vu que j’étais en France, il a eu une idée similaire à la vôtre. À moins que Sophie n’ait fait qu’utiliser le petit système de… appelons ça “transmission de culpabilité”… Vous la faisiez surveiller par votre gros lard… Quand vous avez vu qu’elle s’égarait, vous avez décidé de la supprimer et, puisque Rilley était coffré — par mes soins soit dit au passage —, de me prendre comme bouc émissaire…

« Voilà, mon cher Masset, un petit résumé de ce que je pourrais dire aux flicards si vous faisiez la mauvaise tête… Et je pourrais ajouter encore que Gentil n’a pu être enfermé dans le frigo en même temps que moi, car j’ai détérioré la conduite de réfrigération et le froid était pas suffisant pour congeler un mec de cette façon !

Je le regarde. Il n’en mène pas large.

— On y va ? je lui demande.

Nous y allons !

Épilogue

J’ai toujours eu un faible pour la belle eau pure des lacs de montagne. Je trouve qu’elle incite à la méditation et, donc, aux beaux sentiments.

De la terrasse de mon palace où je me dorlote avec les quatorze briques épongées à Masset, je contemple le Léman.

C’est un beau coup d’œil…

Marguerite sort de la salle de bains toute loquée. Ce qu’elle peut être tarlouze, en pleine lumière, cette vieille peau !

— Puisque tu vas chez le coiffeur, je lui dis, sois un amour, poste cette lettre sur ton passage…

Elle me dit que oui et prend ma missive.

C’est une bafouille adressée au préfet de police de la Seine, dans laquelle je lui révèle l’histoire Masset. À la réflexion, ça serait pas juste que ce voyou continue à vendre de la pourriture en boîte aux honnêtes populations laborieuses.

Voyez-vous, c’est pas que je sois à fond pour la justice et la santé publique, mais il y a de sales combines qu’un brave gangster ne peut tolérer. Les quatorze millions de Masset représentent sa peau et rien d’autre.

Je l’ai laissé sur ses deux flûtes mais ça me ferait plaisir qu’on l’enchriste cet affreux bonhomme.

Et puis il m’en a tellement fait baver !

Marguerite m’embrasse et se trotte.

Ce sera son dernier bécot sur ma personne. Tandis qu’on lui posera des bigoudis à changement de vitesse moi je ferai ma valise et je sauterai dans le rapide de Rome…

L’Italie m’a toujours tenté…

Je laisserai à la grognasse de l’armateur, en même temps que mes salutations respectueuses, un beau souvenir.

Et des souvenirs comacs, y en a pas molto dans la mémoire des femmes !