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Le Gros amène le trio dans la salle des coffres.

Il a les mains aux poches et se racle la gorge. Puis, tout de go, propulse dans le sanctuaire à blé une belon triple zéro, mastarde comme celles que balançait cette pauvre Dame aux Camélias sur la fin de sa galante existence.

— Mââme, messieurs, dit-il. Maint’nant qu’on est su’ les lieux, entre nous, on va pouvoir tout s’bonnir sans chichis. L’système d’alerte, vach’ment ingénieur, c’est pas un clille d’passage qui peut l’détectionner. C’qui m’excite à croire qu’un d’vous trois ont eu la langue trop longue. Vous voudriez bien m’dire l’quel est-ce t-il, d’manière qu’on passe pas huit jours là-dessus. C’soir ma bonne femme fait des moules poulette et j’voudrais pas rater ça pour un empire. D’aut’ part, j’vous signale, que moi et mes collègues ici présents, on appartient à un service espécial qui peut tout s’permett’, y compris les envois de fêtes[1]. Pour nous aut’, les « bavures » ça n’existe pas, je me fais-t-il bien comprend’ ? Merci. Main’nant, c’t’à vot’ bon cœur.

Ainsi apostrophés, les trois personnages en quête de hauteur se défriment.

— Je vous en prie, emphase le chef, vous nous prenez pour qui ?

Le Gros lui allonge une mornifle.

— C’est pas la bonne réponse, mec, t’as perdu ; essaie de faire mieux la prochaine fois !

L’autre veut rameuter la garde. Mal lui en prend : un coup de genou dans sa panoplie trois-pièces lui cloue le bec à cause du principe des vases communicants. Les deux autres, terrorisés, se mettent à glaglater mochement. Inquiet, je prends du champ, me demandant si ma fameuse brigade spéciale ne le serait pas un peu trop sur les bords.

Je monte tubophoner au rez. Je sonne la rédaction de France-Soir. Dans les cas difficiles, ils répondent toujours présent, mes potes de la rue Réaumur (nés à Sébastopol). J’obtiens le rédacteur en chef des faits divers. Et alors, bon, très bien, mon histoire lui plaît et il promet de faire vite et bien, à la une et sur au moins deux colonnes.

Ensuite de quoi, j’appelle notre local des Champs-Zé. Mathias vient d’y apporter ses pénates. Il écoute mon boniment et promet de confectionner dardarement un panneau au nom des Laboratoires Pill or Face et de le placarder sur notre lourde. Qu’ensuite, il ne bronchera plus de notre pécé afin d’y attendre l’appel que j’escompte.

Conscient d’avoir fait progresser le chmilblick, je retourne à la salle des coffres. Un spectacle navrant s’offre à mon regard enjôleur. La jeune femme moustachue est en pleine crise de nerfs. Elle se roule par terre, nous découvrant copieusement ses bas fumés, son porte-jarretelles noir, sa culotte rose à fleurettes parme. Une friponne. Ses collègues en sont ébaubis et regrettent chacun de son côté de n’avoir pas subodoré la chose plus tôt.

— Elle est pas laubé, mais elle possède un bioutifoule dargif, souligne le Gros, auteur de ce « craquage ».

— Que lui arrive-t-il ? m’enquiers-je.

— Les fuites vient d’c’te pécore, Grand. Mam’zelle s’est affalée au bout d’trois quat’ beignes, comme quoi elle a été vergée d’première par un julot qui, ensute, y a d’mandé des esplicances su’ les systèmes d’alarme d’la banque. J’m’en gaffais. C’est l’pourquoi j’ai commencé par s’couer un peu ces messieurs, prélavablement, ce dont à propos d’quoi ils voudront bien m’escuser. Fallait qu’j’branlasse les nerfes à la môme ; bien l’inconditionner. Qu’à peine je m’eusse t’adressé à elle, elle a flanché, n’est-ce pas, messieurs ?

Les deux autres qui ont, soit un œil poché, soit une lèvre éclatée, hochent leurs tronches tuméfiées.

Oui, oui, ils admettent. Ils comprennent.

— C’est là qu’est l’pernicieux, déclare doctement le Mammouth. Les nanas pas belles, dès qu’un rigolo les passe à l’égoïne, elles n’se sentent plus et lu racontent la bataille d’Mazagran en long et en large. J’attends qu’sa crise soye passée pour lu d’mander des détails su’ son Casanova.

* * *

Il est tard, la cabane est bien close.

On vide une boutanche de scotch terrier en se résumant la situasse. Chacun dépose dans la corbeille de mariage sa provende de l’après-midi. Lurette est sur un bout de piste. Au Bar des Morues, dans le dix-huitième, il a accroché un brin de quelque chose. Cela concerne Bout-de-Zan, un ancien jockey qui glande dans le Mitan depuis plusieurs années. Il décolle pas du Bar des Morues, où le patron lui consent des ardoises. Récemment, des gens, deux messieurs, cherchaient après lui. L’un d’eux a demandé à M. Auguste, le taulier, si Bout-de-Zan n’avait pas « grossi depuis le temps ». Lurette, brillant fouille-poubelles, a tout de suite sursauté. C’était la minceur de l’ex-jockey qui paraissait donc intéresser les deux hommes. Ma nouvelle recrue ramène un signalement précis des types en question, ainsi que la photo de Bout-de-Zan prise à l’époque où il massacrait ses bourrins à coups de cravache sur la pelouse de Longchamp ou d’Auteuil.

— Bravo, Lulure, c’est du beau travail, le complimenté-je.

Il s’arrête pendant trois secondes de mâcher son chouing, rougit un peu sous sa tignasse hirsute et réprime un sourire.

Lefangeux, moins heureux, n’apporte rien de neuf, sinon les promesses de plusieurs gredins, receleurs plus ou moins notoires, de le prévenir au cas où on leur proposerait de la marchandise foireuse. Mathias déclare n’avoir reçu aucun appel téléphonique. Le Vieux part en palabres pour dire combien le fondé de pouvoir de la G.D.B. est contrit de ce qui s’est passé, ce qui nous fait une belle jambe.

Je ramasse le jeu afin de redistribuer les brèmes.

— Nous disposons de quatre signalements, mes chers amis : celui de Bout-de-Zan, ceux des deux hommes qui le cherchaient, celui du garçon qui a culbuté la préposée aux coffres. En outre, la dernière édition de France-Soir mentionnait qu’une valise appartenant aux Laboratoires Pill or Face et contenant des matières terriblement nocives figure sur la liste des objets volés. Dans l’article, il est dit que les laboratoires sont disposés à traiter avec les perceurs de coffres pour leur racheter la valtoche. C’est une ligne de fond qui peut nous valoir du poisson, vous vous en doutez. Je pense qu’on devrait se lancer aux trousses des quatre hommes dont nous possédons le signalement. Chacun fonce à sa guise dans la direction qui lui plaît. Mathias reste à la maison pour attendre un éventuel appel. En attendant, Rouillé, tire-nous six exemplaires des descriptions. Je propose que Lurette soit affecté spécialement à Bout-de-Zan, puisqu’il est introduit au Bar des Morues. Le jockey va probablement renouer avec ses habitudes. Toutes les deux plombes environ nous téléphonerons ici de manière à pouvoir concentrer nos forces en cas de besoin si quelque chose se produisait. O.K. ?

Le Vieux prend sa mine de supérieur avisé.

— Vous me permettez une objection, mon cher ? demande-t-il d’un ton un poil sardonique.

— Non, Achille, lui répond son cher. Tout ce que je vous permets, c’est d’aller vous coucher si vous avez sommeil. Ici, l’autorité, c’est moi !

CHAPITRE X

LES VERTIGES DE LA NUIT

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1

Béru veut probablement parler de « voies de fait ».