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— Dites donc, Lucas, fait le chef. Il a l'air costaud, ce gars-là.

— Attendez... « Arrêté voilà un an, à Deauville, lors de la disparition des émeraudes de lady Rochester, mais relâché faute de... »

— Vous ne trouvez pas qu'on dirait des litanies? Toujours cette mention: « relâché faute de preuve »,... Si nous retournions à mon bureau?...

La petite troupe parcourt à nouveau couloirs et escaliers Au moment où le directeur pousse sa porte matelassée le garçon de bureau se précipite.

— On vient à l'instant de vous demander au téléphone..., J'ai voulu passer la communication à votre secrétaire... L'homme qui téléphonait et qui a refusé de donner son nom a dit qu'il rappellerait dans quelques minutes... C'est au sujet du meurtre de l'oncle John...

— Entrez, messieurs... Il ne nous reste qu'à attendre cette communication mystérieuse... Sans doute vient-elle. Dut même anonyme qui nous a envoyé ces accusations contre le musicien... Au fait, où en est-il, notre musicien?

Il décroche un téléphone intérieur.

— C'est vous, Janvier?... Des aveux?... Rien?... Il nie toujours?...

Personne ne remarque que Torrence devient blême. Ce sont ces mots qui l'effraient soudain:

— Il nie toujours...

Car José, qui n'est pas prévenu, doit nier tout en bloc, y compris qu'il a trouvé l'arme dans son saxo et qu'il l'a lancée par la fenêtre. Dans ce cas, comment expliquer que l'Agence O soit en possession de cette arme?...

Et surtout... Idiot d'Emile! Pour la première fois de sa vie, Torrence doute sérieusement du génie de son collaborateur. Car c'est Emile qui a monté toute cette histoire, et maintenant, dans quelques instants sans doute, la position de Torrence sera plus mauvaise que jamais, plus mauvaise même que s'il n'avait pas rapporté le poignard.

Comment Emile n'a-t-il pas pensé à cela! Il manque des empreintes sur le manche du poignard!

Les autres, le directeur et Lucas, ne s'en sont pas encore avisés, mais ils vont certainement y penser. C'est enfantin!

Qu'a-t-on découvert? Les empreintes du Banquier, celles d'Emile et celles de Torrence.

Mais celles de José? Car enfin, pour lancer le poignard pardessus la rue et...

La sonnerie du téléphone retentit. Torrence se fait aussi petit que possible. Il ne doute pas que ce soit le Banquier...

— Allô!... Vous dites?... Oui, c'est moi-même... Je vous avouerai que je n'aime pas beaucoup les communications anonymes... Vous dites?... De demander à?... Mais enfin, comment pouvez-vous savoir que... Les... Les empreintes?... Oui, évidemment... Oui... Mais qui êtes-vous, et pourquoi...

Trop tard. On a déjà raccroché. Il est rêveur.

— Messieurs, je me demande qui peut être cet homme qui sait tant de choses... Un instant...

Il décroche le téléphone.

— Qui est à l'appareil?... Martin?... Dites, Martin, essayez vite de savoir d'où vient le coup de téléphone que je viens de recevoir à l'instant... Oui... J'attends...

Torrence donnerait tout pour être ailleurs.

— Messieurs, déclame le chef, il y a quelqu'un qui se moque de la police, et je finis par me demander si nous ne sommes pas tous des imbéciles...

En disant cela, il a regardé Torrence avec une certaine hésitation. Se demande-t-il si Torrence, lui aussi, est un imbécile, ou si...

— L'homme qui vient de me téléphoner sait déjà que nous avons le couteau, que nous y avons relevé les empreintes digitales de trois personnes... Mais savez-vous ce qu'il a ajouté?

» — Comment se fait-il que les empreintes de José n'y soient pas, puisqu'il a jeté le couteau par la fenêtre... Torrence croit devoir balbutier:

— Il portait peut-être des gants?... Ou bien il se sera servi d'un linge?...

— Drôle de précaution de la part d'un innocent, vous ne trouvez pas Torrence?

Celui-ci s'enferre.

— N'oubliez pas que José vit à Montmartre, dans un milieu où on est très au courant de ces sortes de choses...

Téléphone, une fois encore. Cette fois, le chef paraît furieux.

— Non, monsieur, mon bureau n'est pas... Enfin, je vous le passe, mais je trouve assez cavalier de me déranger pour...

Il se tourne vers Torrence, lui tend l'écouteur.

— C'est pour vous...

Torrence prend le récepteur d'une main qui n'est pas très ferme.

— Allô!... Oui... Comment?... Ah! Bon... C'est vous... Eh bien?

Catastrophe. Il faut croire qu'il a de plus en plus mauvaise réputation dans la maison, car le tatillon Lucas vient de faire une chose qui ne lui ressemble guère. Il s'est levé, en effet, et après un coup d'œil au patron, comme pour lui demander la permission, il a saisi le second écouteur.

- Je voudrais, patron...

C'est Emile qui parle, d'une voix assez émue.

... Je voudrais que vous veniez le plus vite possible rue des Dames... Au 17... Je serai par là, oui... Mais c'est urgent...

Torrence raccroche et s'efforce de sourire.

— Je m'excuse, messieurs... C'est mon employé qui... Lucas continue à sa place:

-- Qui vous demande d'aller de toute urgence au 17, rue des Dames... Verriez-vous un inconvénient à ce que nous allions ensemble?... Je suis sûr que le chef sera de mon avis... Il y a dans cette affaire des points assez obscurs, des coïncidences assez troublantes pour...

Un inspecteur entre.

— C'est au sujet de ce coup de téléphone... Celui pour lequel vous m'avez demandé tout à l'heure de vous renseigner... Il vient d'un petit café, au coin de la rue des Dames... J'ai rappelé le numéro... J'ai eu le patron à l'appareil... Le coup de téléphone a été donné par un de ses clients, dont il ne sait pas le nom, mais qu'il aperçoit souvent dans le quartier, un homme grand et fort, aux yeux gris, vêtu d'un pardessus à martingale...

— Allez, Lucas... Quant à vous, Torrence, je crois inutile de vous prévenir que j'aurai peut-être à vous réclamer des comptes et que le fait que vous avez vécu longtemps parmi nous, au lieu de plaider en votre faveur, ne pourra que donner plus de gravité à des actes que... des actes qui...

Il préfère en finir en répétant, avec un regard significatif à Lucas:

Allez!... Je ne quitterai pas mon bureau avant d'avoir des nouvelles...

IV

— C'est pour qui? interroge le concierge dans sa loge étroite.

Non seulement Lucas a accompagné Torrence rue des Dames, mais encore il s'est fait suivre par un inspecteur, si bien que Torrence a presque la sensation d'être déjà prisonnier.

La rue est obscure. De rares boutiques. Personne en face du 17... Ces messieurs sont donc entrés.

— Nous venons de recevoir un coup de téléphone nous donnant rendez-vous dans cette maison...

— Il n'y a que deux appareils dans l'immeuble... Chez le docteur Fels, au premier, et chez M. Chuin, au troisième...

— M. Chuin est Chinois, Japonais?

— Mais non, monsieur... Il est comme vous et moi... Torrence insiste:

— C'est un grand, large d'épaules, avec des yeux gris, qui sort surtout la nuit?

— Comme vous dites... C'est son droit, n'est-ce pas?...

Voilà les trois hommes dans l'escalier assez mal éclairé, Dès qu'ils atteignent le palier du troisième étage, une porte s'ouvre et le Banquier se dresse devant eux, un revolver à la main.

— N'ayez pas peur, messieurs... Je vous attendais... Donnez-vous donc la peine d'entrer.

Et, tourné vers l'appartement:

— Vous, ne bougez pas!...

Les trois hommes entrent. Si la rue n'est pas particulièrement élégante, si la maison est banale et vieille, l'appartement est confortable et on pourrait dire qu'il est de bon goût. La première pièce, à gauche, est un assez vaste studio, où un jeune homme est assis dans une bergère. Ce qui est le plus inattendu, c'est qu'il tient les mains en l'air.