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– Ajoutons, dit John Mangles, les mots monit et ssistance dont l’interprétation est évidente.

– Eh mais! C’est déjà quelque chose, cela, répondit lady Helena.

– Malheureusement, répondit le major, il nous manque des lignes entières. Comment retrouver le nom du navire perdu, le lieu du naufrage?

– Nous les retrouverons, dit lord Edward.

– Cela n’est pas douteux, répliqua le major, qui était invariablement de l’avis de tout le monde, mais de quelle façon?

– En complétant un document par l’autre.

– Cherchons donc!» s’écria lady Helena.

Le second morceau de papier, plus endommagé que le précédent, n’offrait que des mots isolés et disposés de cette manière: 7 juni glas… Etc.

«Ceci est écrit en allemand, dit John Mangles, dès qu’il eut jeté les yeux sur ce papier.

– Et vous connaissez cette langue, John? demanda Glenarvan.

– Parfaitement, votre honneur.

– Eh bien, dites-nous ce que signifient ces quelques mots.»

Le capitaine examina le document avec attention, et s’exprima en ces termes:

«D’abord, nous voilà fixés sur la date de l’événement; 7 juni veut dire 7 juin, et en rapprochant ce chiffre des chiffres 62 fournis par le document anglais, nous avons cette date complète: 7 juin 1862.

– Très bien! s’écria lady Helena; continuez, John.

– Sur la même ligne, reprit le jeune capitaine, je trouve le mot glas, qui, rapproché du mot gow fourni par le premier document, donne Glasgow. Il s’agit évidemment d’un navire du port de Glasgow.

– C’est mon opinion, répondit le major.

– La seconde ligne du document manque tout entière, reprit John Mangles. Mais, sur la troisième, je rencontre deux mots importants: zwei qui veut dire deux, et atrosen, ou mieux matrosen, qui signifie matelots en langue allemande.

– Ainsi donc, dit lady Helena, il s’agirait d’un capitaine et de deux matelots?

– C’est probable, répondit lord Glenarvan.

– J’avouerai à votre honneur, reprit le capitaine, que le mot suivant, graus, m’embarrasse. Je ne sais comment le traduire. Peut-être le troisième document nous le fera-t-il comprendre. Quant aux deux derniers mots, ils s’expliquent sans difficultés. Bringt ihnen signifie portez-leur, et si on les rapproche du mot anglais situé comme eux sur la septième ligne du premier document, je veux dire du mot assistance, la phrase portez-leur secours se dégage toute seule.

– Oui! Portez-leur secours! dit Glenarvan, mais où se trouvent ces malheureux? Jusqu’ici nous n’avons pas une seule indication du lieu, et le théâtre de la catastrophe est absolument inconnu.

– Espérons que le document français sera plus explicite, dit lady Helena.

– Voyons le document français, répondit Glenarvan, et comme nous connaissons tous cette langue, nos recherches seront plus faciles.»

Voici le fac-simile exact du troisième document:

Troi ats tannia gonie… Etc.

«Il y a des chiffres, s’écria lady Helena. Voyez, messieurs, voyez!…

– Procédons avec ordre, dit lord Glenarvan, et commençons par le commencement. Permettez-moi de relever un à un ces mots épars et incomplets. Je vois d’abord, dès les premières lettres, qu’il s’agit d’un trois-mâts, dont le nom, grâce aux documents anglais et français, nous est entièrement conservé: le Britannia. Des deux mots suivants gonie et austral, le dernier seul a une signification que vous comprenez tous.

– Voilà déjà un détail précieux, répondit John Mangles; le naufrage a eu lieu dans l’hémisphère austral.

– C’est vague, dit le major.

– Je continue, reprit Glenarvan. Ah! Le mot abor, le radical du verbe aborder. Ces malheureux ont abordé quelque part. Mais où? contin! est-ce donc sur un continent? cruel!…

– Cruel! s’écria John Mangles, mais voilà l’explication du mot allemand graus… Grausam… Cruel!

– Continuons! Continuons! dit Glenarvan, dont l’intérêt était violemment surexcité à mesure que le sens de ces mots incomplets se dégageait à ses yeux. Indi… S’agit-il donc de l’Inde où ces matelots auraient été jetés? Que signifie ce mot ongit? Ah! longitude! et voici la latitude: trente-sept degrés onze minutes.

– Enfin! Nous avons donc une indication précise.

– Mais la longitude manque, dit Mac Nabbs.

– On ne peut pas tout avoir, mon cher major, répondit Glenarvan, et c’est quelque chose qu’un degré exact de latitude. Décidément, ce document français est le plus complet des trois. Il est évident que chacun d’eux était la traduction littérale des autres, car ils contiennent tous le même nombre de lignes. Il faut donc maintenant les réunir, les traduire en une seule langue, et chercher leur sens le plus probable, le plus logique et le plus explicite.

– Est-ce en français, demanda le major, en anglais ou en allemand que vous allez faire cette traduction?

– En français, répondit Glenarvan, puisque la plupart des mots intéressants nous ont été conservés dans cette langue.

– Votre honneur a raison, dit John Mangles, et d’ailleurs ce langage nous est familier.

– C’est entendu. Je vais écrire ce document en réunissant ces restes de mots et ces lambeaux de phrase, en respectant les intervalles qui les séparent, en complétant ceux dont le sens ne peut être douteux; puis, nous comparerons et nous jugerons.»

Glenarvan prit aussitôt la plume, et, quelques instants après, il présentait à ses amis un papier sur lequel étaient tracées les lignes suivantes: 7 juin 1862 trois-mâts Britannia Glasgow sombré… Etc.

En ce moment, un matelot vint prévenir le capitaine que le Duncan embouquait le golfe de la Clyde, et il demanda ses ordres.

«Quelles sont les intentions de votre honneur? dit John Mangles en s’adressant à lord Glenarvan.

– Gagner Dumbarton au plus vite, John; puis, tandis que lady Helena retournera à Malcolm-Castle, j’irai jusqu’à Londres soumettre ce document à l’amirauté.»

John Mangles donna ses ordres en conséquence, et le matelot alla les transmettre au second.

«Maintenant, mes amis, dit Glenarvan, continuons nos recherches. Nous sommes sur les traces d’une grande catastrophe. La vie de quelques hommes dépend de notre sagacité. Employons donc toute notre intelligence à deviner le mot de cette énigme.