N’ensute, Soliman Draggor se loque en tennisman et, flanqué de son giton, va disputer un set ou deux au petit enculé de frais.
Je me réinstalle dans mon patio. Ma félicité est partie, ne me reste plus qu’un arrière-goût de gueule de bois. Les périls qui me cernent se font plus présents, plus redoutables. L’ami Sana va devoir ouvrir l’œil dans les heures à viendre. Je sens arriver une épidémie de cercueils.
Au bout d’une plombe je commence à me plumer sec. Me biche la psychose du matou castré. C’est bien beau d’angorer sur un coussin de soie, but after ?
Quand t’es épuisé par trop de repos, faut te dénouer les muscles ; quand ta cervelle poisse à force de faire de la chaise longue, s’agit de l’emmener au trampoline. Dis, comment ils s’y prennent pour hiberner, les animaux tels que l’ours, le serpent ou la marmotte ? Tout ce temps qui s’écoule sans toi, je pourrais pas. J’accepte de cesser, pas de m’interrompre.
Je distingue quelqu’un dans ma chambre : une silhouette gommée par l’ombre. Et puis la Shéhérazade se montre. Elle a troqué sa tenue « déjeuner en ville » contre une tunique de lin bis et des sandales.
— Tiens, fais-je gentiment, je me languissais de vous.
Un sourire désenchanté entrouvre ses lèvres pulpeuses, me découvrant ses dents nacrées (j’ai lu ça dans Nous Deux auquel je collabore parfois).
Elle chasse ses semelles de ses pattounes, trousse son espèce de chasuble et s’assoit au bord de la piscaille, les jambes trempant dans l’eau d’azur.
La lumière allume de somptueux reflets sur sa peau ambrée. Tu sais qu’elle est bandante, Ninette, dans son genre ? Les poils de sa chaglatte sont un peu trop crêpés pour mon goût et me chatouillent les trous de noze mais ça reste perfo. Quand tu lui as bien réussi la raie au milieu et que tu la grumes à la menteuse sauvage, y a du répondant !
Elle est peut-être révoltée par ces pratiques bassement occidentales (et tout particulièrement françaises) mais, fatalement, elle en conserve un souvenir radieux. M’est avis que sa haine qui l’animosait contre moi se meurt doucettement, balayée par le désir qui la rebiche en force. C’est ça, le fion, darlinge ; une obsession qui point, s’épanouit et investit complètement l’heureux bénéficiaire. N’à la fin, y pense plus qu’à « ÇA » : l’idée fixe.
Je m’agenouille derrière elle, place ma main sur son épaule largement dénudée.
— Je suis navré d’avoir heurté votre sensibilité profonde par des manœuvres inusitées chez vous, darling chérie. Comprenez que les mœurs diffèrent d’un continent l’autre. Chacun a ses méthodes qui choquent ceux chez qui elles sont bannies, il n’empêche qu’elles lui sont bonnes, que dis-je : exquises. Je conserve en mémoire la saveur fabuleuse de votre intimité, chère Razade. Surmontez votre indignation pour ne vous rappeler que la jouissance qui en résulta.
Là, je ponctue d’une main glissée sur les loloches. C’est permis, au moins ? Parce que s’il faut en revenir à la chemise trouée des nuits de noces du siècle dernier, je préfère prendre un abonnement au Racing et larguer le pénis pour le tennis.
Sa respiration devient haletante. Elle renverse son chef sur mon épaule et je la galoche en douceur, des fois qu’une langue fourrée princesse serait également tricarde chez les Arbicoles. Seulement une caresse labiale, tu vois ? L’effleurance légère. Qu’à peine je lui déguste l’intérieur.
N’après quoi, la petite chérie est propice. C’est la renversette sur un matelas pneumatique opportun. Pourvu qu’il se dégonfle pas. Je l’ai regonflé à la bouche ce morninge. Tu te rends compte : baiser sur son propre mélange oxygène-azote, faut le faire, non ?
Là, je l’entreprends façon papa-mother. Tête de nœud chercheuse sur la fente de la boîte aux lettres. Manœuvrée main pour plus de subtile précision. Prélassement sur l’escarguinche de roche. Elle likes it. Raffole. J’apostole à fond l’âme, la queue, l’énergie. Me sens édifiant de partout. Suprême ! La commence à la maçon portugais, dans une extrême sobriété. Reviens à la charge. Pas encore à la décharge. Tout en nuances raffinées. J’obture, je mastique. Parachève !
Elle aime être ainsi mollusquée ; ignorait que ce pussasse exister un lent déferlement aussi terriblement pâmoiseur. Grand art ! Je m’aperçois, et j’en méduse pis que le radeau, qu’au bout d’une carrière libertine, je cultive de nouvelles méthodes, figures, entreprises. Donc, jamais fini d’innover ? Thank you, little Jésus. Queue indéformable ! Agréée par le gouvernement, la commission des fraudes. Fourreau de satin. Tête fureteuse.
La v’là qu’appelle sa mère ! En arbi : faut le faire ! M’interprète Les 7 mercenaires et Les 101 dalmachiens. Elle y va à bloc, mam’zelle. Se répand de fond en comble, de con en fomble. Je vais devoir rentrer à la nage si elle ne tarit pas des loges ! Tu sais que j’éperduse itou ? Et puis elle gagne le tiercé dans l’ordre. Sa chaglatte qui semble avoir la parole. Qui crie « Ouagadougou » (capitale du Burkina, 250 000 hab.) avec l’accent étrusque. N’à bout de résistance, s’évanouit de trop tout. Va voir chez Razade si j’y suis !
Je me bascule à son côté pour reprendre haleine à tronche entreposée. Me dis qu’une troussée de cette magnitude, je me rappelle pas ! J’avais souvent cru l’approcher, mais maintenant qu’elle s’est produite, je me rends compte de tous les malentendus qui l’ont précédée.
Rien de plus suave que de s’endormir, terrassée par l’intensité d’une étreinte, se plaît à répéter la reine Babiola. Et comme elle a raison, la chère personne !
Voilà que nous nous abîmons, Shéhérazade et moi, dans une dormitude si totale, si profonde, si tout ce que tu voudras qu’on en perd la notion du temps.
Tu vas te marrer : quand j’ouvre un store, il fait nuit. Le mahomed s’est éteint depuis longtemps, remplacé par une lunasse grosse comme le dargif d’une caissière de brasserie bavaroise. Je looke ma tocante à la lumière de ma lampe de lecture. Elle bonnit dix plombes en chiffres romains !
Alors, j’éveille ma partenaire par des baisers gluants. La pauvrette tombe des nues, qu’heureusement le matelas amortit sa chute. Cela dit, elle ne semble pas paniquée. M’explique que Sa Seigneurance ne rentrera pas avant demain car elle s’est rendue à Séville pour visiter une exposition internationale de tiroirs. Ouf ! Ça l’aurait fichu mal que Monseigneur apprenne le comportement de sa dame de confiance !
— Vous n’avez pas faim ? s’enquiert la comblée.
Tu parles, Charles ! Après un tel essorage de burnes, je boufferais une tête d’âne aux haricots rouges ! Le lui dis.
Alors tu sais quoi ? La môme va dégoupiller le tubophone et nous commande une dînette en chambre qui ferait saliver Hubert Montheilet, grand bouffeman de renommée internationale.
— Mais, protesté-je, les domestiques vont…
— Rien du tout, coupe-t-elle : ils ont bien trop peur de moi !
Sa voix reste unie, avec un je-ne-sais-quoi d’enjoué qui me fait froid ici. Tu vois mes claouis ? Eh bien pile entre elles et l’œil de bronze. M’est avis que cette personne doit être terrible quand elle le veut. Et p’t-être même aussi quand elle ne le veut pas.
Sa commande enregistrée, elle va s’asperger le module lunaire, puis, lascive, revient se blottir contre moi.
— Vous êtes sûre de la discrétion des domestiques ? insisté-je.
— Ah ! ça, auriez-vous peur ? persifle ma redoutable conquête.
— Je pense à votre réputation ! objecté-je.