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Courbé, je me prends à circuler à travers les allées bien rectilignes, admirant au passage les chandeliers végétaux des arbres en espalier, les avocatiers, les orangers, les citronniers et autres cognassiers centripèdes.

Mes pas me conduisent là que le cher Seigneur soucieux de ma destinée a voulu : à la fosse à compost où s’élabore le terreau fertiliseur. Le rêve ! D’autant qu’une forte bêche est à pied d’œuvre, n’attendant que ma venue pour provoquer des ampoules dans mes mains aristocratiques. Tu parles d’une aubaine, Germaine.

Tu verrais le cher Sana joli, la manière qu’il opère un bath retour à la terre ! Creuser est d’autant plus fantoche que j’ai affaire à un terreau léger. Je dois valoir le déplacement, en animal fouisseur : un vrai fox à poil dur !

Me faut pas vingt broquilles pour obtenir une fosse dans la fosse. Ne me reste qu’à exécuter quelques nouveaux rétablissements afin d’aller chercher le locataire de ce petit trou pas cher.

N’empêche qu’il est passablement fourbu, l’apollon, après cette séance d’inhumation express. Je totalise un début de sciatique dans la guibolle gauche, une légère entorse (que je me suis faite en sautant le mur), plus un bleu à la cuisse qui ressemble à la carte de l’Italie sans la Sicile.

De retour à ma chambrette d’amour, je brûle la fiche qui me concernait, évacue les cendres résiduelles par les chiches et m’offre un bain nocturne dans l’eau irréelle de la piscaille.

Te dire qu’en me torchonnant dans le plumard à colonnes j’ai la satisfaction du travail accompli serait inexact, néanmoins je ne puis m’empêcher de penser que je viens de faire quelque chose pour moi d’irremplaçable.

On m’a toujours bassiné les couilles avec le « sommeil du juste ». Franchement, il doit ressembler à ce que j’éprouve présentement.

Mon bain au clair de lune a gommé ma fatigue et quelque peu réparé mes avaries de machine. Je retrouve ma posture d’insomnie, mais la nature humaine est ainsi faite que, maintenant, elle me drive droit dans les vapes. Demain sera un autre jour. Enfin, j’espère !

6

QU’EST-CE QUE TU EN PENSES, HORTENSE ?

Que j’ai laissé les rideaux ouverts et que donc, un beau soleil andalou vient me lécher depuis l’étui à prostate jusqu’aux sourcils.

Éveil du maître. Le surdoué que je ne me cache pas d’être respire un grand coup, puis se gratte le sous-burnes, endroit riche en replis démangeurs.

J’avance ma main préhensile jusqu’au téléphone, décroche.

— Hello ? que ne tarde pas à gazouiller une voix de rosière en train de se faire lécher la chaglatte.

— Pourrais-je avoir un petit déjeuner ? demandé-je-t-il dans mon anglais le plus aménageable.

— Certes, répond la pubère ; que souhaiteriez-vous ?

— Eggs and bacon, réponds-je en français courant, plus un pot de café noir ; c’est possible ?

— Oui, monsieur.

Je raccroche et saute du plumard pour aller ouvrir les fenêtres en grand.

Féerique.

Depuis ma couche palanquine, j’aperçois le palmier, la fontaine et surtout le ciel bleu drapeau qu’un pet d’avion barre d’un trait blanc.

Une seconde, je repense au toubib chinetoque qui commence à joindre ses composants chimiques au compost du jardin. Je ne m’en suis pas trop mal sorti. Ç’aurait pu être d’une pireté absolue. Cela dit, je ne saurai jamais quel traité d’alliance le doc voulait me proposer. Mon astuce a été d’agir avant de discutailler.

Toc toc !

Entrez !

Magine-toi qu’apparaît une exquise femme de chambre ibérique. Ravissante ! La mère Adjani avant sa ménopause !

Pas de moustache, non plus que d’astrakan aux jambes. Raie médiane pour madone de semaine sainte sévillane. Yeux myosotis. Sourires juteux. Le frifri adorable selon mes estimances d’amateur éclairé.

Elle coltine un plateau à pieds. Dessus : mes œufs frits avec suffisamment de bacon pour nourrir la garde privée de la gouine d’Angleterre et du Pas-de-Calais. Plus des petits pains, de la marmelade, des croissants. Tout ça chaud, odorant, croustillant, crépitant.

La môme s’apprête à déposer son plateau par-dessus mes cannes, mais je lui demande un temps mort pour cause d’érection instantanée. Mon chibre qui vient d’un seul coup d’un seul de se transformer en dangereux agitateur déséquilibrerait la petite table. Pour le faire tenir tranquille, je le courbe d’un violent effort et le bloque entre mes jambes.

— Allez-y, petite chérie ; maintenant ça devrait pouvoir jouer.

Pas bégueule pour une Espanche catholique jusqu’au bout de la ficelle de son Tampax, elle installe mon bouffement sur mes guitares en s’arrangeant pour caresser du tranchant de sa droite les cytoplasmes de mes génitoires en flaque.

— Comment vous appelez-vous, ma jolie ?

— Pilar.

Alors moi, mutin comme tout, de lui demander en français :

— Tu aimerais que je te présente mon pilon, Pilar ?

Tu sais quoi ?

— Pourquoi pas ? qu’elle charcotise.

Un instant, devant l’affluence impétueuse de ma sève à laquelle se joignent mes meilleurs sentiments d’altruisme, j’hésite à évacuer le plateau pour qu’elle prenne sa place. Et puis ma prudence rentre au bercail.

— Vous parlez français ? lui demandé-je-t-il.

— Ma mère est lyonnaise. J’ai habité la Croix-Rousse jusqu’à ma première communion.

Soudain, je me traite d’enfoiré décadent en constatant que je cause un franchouille parfait (juste Jean Dutourd qui y trouverait à redire, puriste jusqu’au bout de la bite comme tu le sais !). Or, je suis censé être roumain, mec. Je veux bien que les gars de ce pays latin emploient volontiers (et aisément) notre dialecte, mais de là à faire des effets de style, y a de la houle ! Alors, vite fait, je reviens à mon anglais de conseil d’administration :

— Il y a longtemps que vous travaillez au palais ?

— Deux mois.

— Ça vous plaît ?

— Beaucoup.

— Il est gentil, le prince ?

— Ça va.

Pas se mouiller. Les tantes doivent pas la fasciner, Pilar.

— Vous avez affaire à sa collaboratrice, miss Shéhérazade ?

— Elle dirige la maison.

— Vos relations sont bonnes ?

— Excellentes.

— Blint et Howard ?

— Je les vois de temps en temps.

Moi, je sais lire dans les yeux, les âmes et le marc de caoua.

— Vous faites l’amour avec eux, n’est-ce pas ?

— Comment le savez-vous ?

— Mon petit doigt…

Elle a un sourire gêné. Une rougeur naît sur son cou, qui rapidement se dissipe.

J’insiste :

— Ils ne sont pas très gentils ?

— Ils me font mal.

— Seulement c’est prévu dans vos prestations, hein ? Assurer le repos des guerriers. On vous paie cher, au moins ?

— Ça va.

En somme, son rôle ici consiste à aider au service et à éponger les mâles en rut.

Au palais, tout fonctionne en circuit fermé. Voilà pourquoi, en m’amenant le breakfast, elle était toute prête à m’échancrer le matin triomphal si j’en avais eu envie.

Adorable petite pute ! Pute presque ado. Fille soumise à la naissance en ces temps difficiles de chômedu et de vaches étiques.

— Vous n’avez plus votre mère ?

— Comment le savez-vous ?

Qu’est-ce que tu veux que je lui réponde ? Que la vie ça se renifle quand on n’a pas le nez bouché ?