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Le sourire aux lèvres, elle remplit d’eau la cafetière électrique, inséra le filtre où elle versa des cuillerées de café et brancha l’appareil. Alors qu’elle pressait sur le couvercle de plastique, elle se retourna : Coba, les bras croisés, adossé au chambranle de la porte, l’observait.

Plein d’assurance dans son col roulé vert jade (assorti bien sûr à la couleur de ses yeux) et dans son complet de velours gris ardoise, il lui souriait.

— J’adore le spectacle des femmes quand elles se livrent à leurs petits travaux domestiques, expliqua-t-il.

— Vous êtes alors bien tombé en venant vivre ici, rétorqua-t-elle en lançant sa cuiller dans l’évier avant d’aller ranger la boîte de café dans le réfrigérateur.

Coba, immobile, continuait de l’observer.

Si seulement Walter pouvait arriver !

— Au fait, pourquoi vous surnomme-t-on Diz ? demanda-t-elle en sortant une bouilloire pour le thé de Claude.

— Parce que j’ai travaillé à Disneyland.

Elle éclata de rire, tout en se dirigeant vers l’évier.

— Vous plaisantez !

— Absolument pas.

Elle se retourna pour le dévisager.

— Vous ne me croyez pas ? reprit-il.

— Non.

— Et pourquoi ça ?

Quelques secondes de réflexion éclairèrent Joanna.

— Pourquoi ? répéta-t-il. Dites-le-moi.

Et puis merde, elle lui lâcherait le paquet.

— Vous ne semblez pas homme enclin à rendre les gens heureux.

Torpillée à jamais, elle en était sûre, l’admission des femmes au trois fois sacro-saint Club des Hommes.

Coba la fusilla d’un regard méprisant.

— Que vous me connaissez mal !

En souriant, il abandonna son appui et tourna les talons.

* * *

— El Présidente ne m’emballe guère, dit-elle en se déshabillant.

— Moi non plus, convint Walter. Il est froid comme la glace. Mais il n’occupera pas le poste éternellement.

— Encore heureux, sinon les femmes n’y entreront jamais. À quand les nouvelles élections ?

— Sitôt après le Jour de l’An.

— Qu’est-ce qu’il fait dans la vie ?

— Il travaille chez Burnham-Massey, sur la route 9. Claude aussi d’ailleurs.

— Au fait, comment s’appelle-t-il exactement ?

— Claude ? Axhelm.

Kim se mit à pleurer ; elle était brûlante et ils ne se couchèrent pas avant 3 heures, occupés qu’ils étaient à lui prendre sa température, à compulser le Dr Spock, à téléphoner au Dr Verry, et à lui administrer des bains froids et des frictions à l’alcool.

* * *

Bobbie réussit enfin à dénicher une fille « réveillée ».

— Par comparaison du moins avec toutes ces buses, claironna-t-elle au téléphone. Elle s’appelle Charmaine Wimpers, et, en louchant un peu, on pourrait la prendre pour Raquel Welch. Ils habitent une maison moderne juchée tout en haut de Burgess Ridge. Elle a une bonne, un jardinier et – écoute-moi bien – un court de tennis.

— Sans blague !

— J’ai bien pensé que ça t’extrairait de ta cave. Tu es invitée à venir y jouer, et aussi à déjeuner. Je passe te prendre aux environs de 11 heures et demie.

— Aujourd’hui ? Impossible ! Kim garde la chambre.

— Encore ?

— Ne peux-tu pas reporter ça à mercredi ou à jeudi ? Ce serait plus sûr.

— Disons mercredi, répondit Bobbie. Je lui pose la question et je te rappelle.

* * *

Clac ! Vlan ! Pan ! Charmaine était forte, vachement forte. La balle zigzaguait d’un côté à l’autre du court, obligeant Joanna à bondir de droite et de gauche. Expédiée au fond du terrain, la pauvre, d’un smash magistral, réussit de justesse à sauver la situation. Elle se rua au filet. Mais d’un imparable revers, Charmaine avait plaqué son projectile dans un angle inaccessible et gagné le jeu, en même temps que le second set par six-trois, après une première victoire six-deux.

— Bon Dieu ! quelle pile vous m’avez flanquée ! Vous pouvez être fière, s’écria Joanna.

— Encore un set, proposa Charmaine en se dirigeant vers sa ligne de service. Du courage. Rien qu’un !

— Impossible ! Sinon, demain, je serai incapable de mettre un pied devant l’autre !

Joanna ramassa la balle.

— Allons, Bobbie, à ton tour !

Bobbie, elle, était assise en tailleur sur l’herbe à l’abri du grillage. Son visage reposait sur une sorte de collerette en matière brillante destinée à réfléchir le soleil.

— Miséricorde ! Je n’ai pas touché une raquette depuis ma dernière colonie de vacances, protesta-t-elle.

— Rien qu’un jeu, alors, supplia Charmaine. Joana, un dernier jeu !

— Battue à plate couture, mais c’était formidable, conclut Joanna alors qu’elles quittaient ensemble le tennis. Merci !

Charmaine, d’un coin de sa serviette, tapotait soigneusement ses joues aux pommettes saillantes.

— Vous avez besoin d’un peu d’entraînement, c’est tout. Votre service est impeccable.

— Pour le bénéfice que j’en ai tiré !

— Projetez-vous de venir jouer souvent ? Pour partenaires, j’en suis réduite, en ce moment, à deux petits jouvenceaux en état permanent d’érection.

— Envoyez-les-moi, dit Bobbie en se remettant debout.

Elles remontèrent le sentier dallé en direction de la maison.

— Vous avez un court sensationnel, dit Joanna tout en s’essuyant les bras.

— Il est à votre disposition, dit Charmaine. Je jouais tous les jours avec Ginnie Fischer – vous ne la connaissez pas ? – mais elle m’a plaquée. Vous ne suivrez pas son exemple, j’espère. Que diriez-vous de demain ?

— Demain, ça ne m’est pas possible.

Elles s’installèrent sur une terrasse à l’abri d’un parasol Cinzano, et la bonne, petite femme grisonnante prénommée Nettie, leur apporta un pichet de bloody-mary, une coupe de fromage blanc à la grecque et des crackers.

— Cette fille est formidable, dit Charmaine. C’est une Allemande, née sous le signe de la Vierge. Si je lui ordonnais de me lécher les bottes, elle le ferait. Et vous, vous êtes quoi ?

— Taureau… américain.

— Ordonnez-lui seulement de vous lécher les bottes et elle vous crachera à la figure, dit Bobbie. Vous ne croyez tout de même pas à ces histoires d’astres ?

— Bien sûr que si, répondit Charmaine, tout en servant les bloody-mary. Et vous y croiriez aussi si vous les abordiez sans préjugés.

Joanna observa leur hôtesse. Ce n’était pas Raquel Welch, mais il s’en fallait de peu.

— C’est pourquoi, poursuivait Charmaine, Ginnie Fischer m’a laissé choir ; elle est Gémeaux, donc versatile. Les Taureaux, eux, sont stables et sûrs. Je bois à nos innombrables parties de tennis.

— Ce Taureau d’Amérique a une maison, deux gosses et pas de Vierge germanique, coupa Joanna.

Charmaine, elle, avait un enfant, un fils de neuf ans du nom de Merrill. Ed, son mari, était producteur de télévision. Ils avaient emménagé à Stepford en juillet. Oui, Ed faisait partie du Club. Non, l’injustice sexiste la laissait parfaitement indifférente.

— Qu’il sorte tous les soirs si ça lui chante, je n’y vois aucun inconvénient, déclara-t-elle. Il est Bélier et moi Scorpion.

— Ah ! je comprends, dit Bobbie en se fourrant dans la bouche un cracker trempé dans le fromage blanc.

— C’est une très mauvaise combinaison, expliqua Charmaine. Si j’avais su jadis ce que je sais maintenant !