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— Tu as l’argent ?

— Oui.

— C’est vrai que tu viens avec nous ?

— C’est vrai.

Il secoua la tête.

— Ça ne suffit pas. Après, si je fais cela, je ne pourrai pas rester ici. Les gens d’Amal me tueraient. Il faut que je puisse partir.

— Où veux-tu aller ?

Il haussa les épaules.

— Je m’en fous. Très loin …

— En Amérique ?

— Je pourrai emporter les armes ?

Les yeux du gamin brillaient.

— Non, dit Malko.

— Alors, je veux aller en Tunisie. Il paraît que c’est chouette.

Malko lui tendit la main.

— Juré. C’est d’accord ?

— Combien ils ont d’hommes à ton garage ?

— Une demi-douzaine, répondit « Johnny » à sa place.

Farouk hocha la tête, signifiant que c’était dans ses possibilités.

— Rendez-vous ici dans un quart d’heure, dit Malko. Avec vos armes.

Il fallait quand même prévenir Robert Carver qui devait se ronger les sangs près de son téléphone. Malko avait repéré une boutique qui en possédait un. À Beyrouth, il n’y avait pas de taxiphones près de la position des Italiens.

Robert Carver laissa échapper un soupir excédé, déformé par les grésillements de la ligne.

— Écoutez, fit l’Américain, il y a plusieurs autres solutions. D’abord, je viens déjà de faire renforcer la défense anti-aérienne de la résidence. L’amiral m’a promis de m’envoyer six hélicoptères de combat qui seront stationnés tout autour, en partie sur le toit du building voisin. Si vos Iraniens viennent, nous n’en faisons qu’une bouchée. Et s’ils ne viennent pas, on monte une opération avec les Marines pour les détruire. Je ne vois pas pourquoi vous iriez prendre de tels risques personnels. Sans compter les bavures avec vos petits sauvages. Et si vous vous faites prendre …

— Vous vous souvenez de l’expédition en Iran pour récupérer les otages ? fit remarquer Malko. Tout était préparé, hein ? Il ne manquait pas un boulon. Et pourtant …

Un ange passa, dans une tornade de sable.

— Et puis merde, allez-y ! capitula le chef de station. Mais je prends toutes les autres précautions.

— Bien sûr, dit Malko, rien ne dit que nous réussirons. Si vous entendez une grosse explosion du côté de Hadeth, vous saurez à quoi vous en tenir.

— Dieu soit avec vous, fit l’Américain. Vous êtes un type gonflé, mais cinglé. Je me demande comment la « Company » emploie encore des gens comme vous.

Avant de raccrocher, Malko cria dans l’appareil :

— Contre les Fous de Dieu, il faut les Fous du Président …

Installé sur la carcasse rouillée du T52, Farouk paraissait plus que ses quatorze ans, vêtu d’un treillis, armé d’un RPG 7 et de six roquettes dans un étui de toile autour de la taille. Il comptait les liasses de billets de cent dollars avec la dextérité d’un croupier de Las Vegas. Par prudence, il avait éloigné ses « hommes ».

Les billets comptés, il leva un regard sérieux vers Malko.

— Inch Allah ! Si cela marche, je m’achète un bar avec plein de putes que je niquerai tous les jours …

Rêve d’enfant.

Il enfourna les liasses sous son treillis. Puis Malko commença à lui expliquer l’opération, relayé par « Johnny » pour les termes techniques. Farouk avait sept gosses avec lui, dont la fille toute frisée au 45.

Tous étaient armés jusqu’aux dents. Sans le moindre vague à l’âme.

— Ça ne te gêne pas d’attaquer des chiites ? demanda Malko.

Le petit Palestinien cracha à terre.

— J’en ai rien à foutre. Les chiites, les sunnites, les Schlomos, c’est tous des enculés. On y va comment, à ton truc ?

— À pied, expliqua « Johnny ». À cause des barrages. Rendez-vous dans une demi-heure.

Il continua en arabe, précisant ce qu’ils auraient à faire. Malko regarda Farouk rameuter ses « hommes » et leur faire franchir à la queue leu leu les gradins comme pour sortir d’un volcan éteint. Silhouettes minuscules et pathétiques. Maintenant, c’était à eux de jouer. Les jeunes Palestiniens étaient de bons mercenaires.

« Johnny » mit le pied dans un trou plein d’eau et jura, secouant son bottillon vert. Ils regagnèrent la Mercedes. Ils firent un détour pour retrouver la rue Omar Beyhum, point d’entrée obligé pour le quartier de Chiyah. Ensuite, il faudrait gagner discrètement les parages de la mosquée Hussein. Le soleil était déjà haut dans le ciel et Malko imagina les pilotes suicides iraniens en train de prier, prosternés face à La Mecque, avant de monter dans leurs bombes humaines …

« Johnny » freina : le barrage d’Amal, à l’entrée de Chiyah. Trois jeunes gens, pas rasés, avec les photos de Moussa Sadr sur la poitrine. L’air pas commode. Ils interpellèrent « Johnny » et la conversation en arabe se prolongea désagréablement.

— Ils veulent fouiller la voiture, annonça Johnny.

Ils la fouillèrent, ouvrant le coffre, soulevant le capot. Malko gardait les mains dans les poches de son trench-coat. Le 357 Magnum pesait à sa ceinture un poids de plomb, le sac vert contenant les radios était à ses pieds. En cas d’incident, ils n’auraient pas le temps de s’en sortir. Un des trois militaires, posté à l’arrière, tenait la voiture sous le feu de son Kalach. Enfin, le « chef » leva le menton : ils étaient autorisés à passer. Avec une sage lenteur, pour ne pas exciter leur méfiance, ils redémarrèrent.

Un peu plus loin, ils abandonnèrent la voiture sans la fermer, afin que personne ne la prenne pour un véhicule piégé. Encore quelques ruelles et ils se retrouvèrent dans l’immeuble démoli qui leur avait déjà servi d’observatoire. Farouk et ses « hommes » les y avaient devancés, regroupés dans les pièces vides, encombrés de cartouchières et de roquettes.

— Il faut faire vite, avertit Farouk. Je crois qu’on a été repérés. Ils ne savent pas encore ce qu’on fait mais ils risquent de lancer des patrouilles pour nous retrouver …

— Venez, fit Malko.

Ils montèrent jusqu’à la terrasse, prenant soin, cette fois, d’observer les toits alentour. Miracle : le garage était ouvert et on distinguait nettement la tache jaune de la benne à ordures, à côté d’une Range-Rover. Tandis qu’ils la surveillaient, quelqu’un monta au volant et la fit démarrer, la laissant devant le garage, prête à partir. Le cœur de Malko se mit à battre plus vite. Il leur restait peu de temps pour intervenir.

Une demi-douzaine d’hommes armés traînaient autour de la benne et il devait y en avoir plus à l’intérieur. Farouk ajusta les étuis de toile de ses roquettes et lança à Malko :

— On y va !

— Surtout, ne touchez pas à cette benne à ordures, recommanda Malko.

Le gosse comptait à voix basse les miliciens armés. L’un d’eux inspecta la benne. Il monta dans la cabine et se pencha vers le tableau de bord. Malko essayait de calculer la quantité d’explosifs qu’ils avaient pu y cacher.

— Inch Allah ! lança Farouk.

Son dos chargé de roquettes disparut dans l’escalier. Malko demeura sur le toit, observant la situation, « Johnny » à ses côtés. Ils virent surgir en contrebas, dans la rue, les sept gosses menés par Farouk, à la queue leu leu, progressant sans se cacher, le RPG 7 et le Kalach à l’épaule. Malko vit que le jeune Palestinien avait collé un poster de l’imam Moussa Sadr sur son treillis !

— Ces petits ont vraiment le sens de la survie, remarqua « Johnny », à mi-voix.

Malko suivait anxieusement la progression. Il s’arrêta presque de respirer quand la tête de la colonne pénétra sur le terre-plein devant le garage. Il entendit les interjections en arabe, vit les gardes se ruer sur les Kalachnikov. Farouk s’arrêta, rejoint par ses « hommes », cria quelque chose.