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3. En lisant le journal d’Emerson

« Le chagrin glisse sur nous « Comme l’eau sur les plumes du canard. »
Emerson Emerson Si seulement tu avais raison Mais c’est une illusion Le chagrin nous l’absorbons Comme un buvard boit l’encre

4. Le baladeur

J’écoutais Satyagraha en courant Quand je vis un faucon s’envoler Et chaque plume chaque aile palpitante S’est mise à chanter dans l’air ensoleillé

5. Les rêves sont la réalité

La journée passe dans un livre Pendant un moment nous sommes dehors Un moment en mer dans une barque Vagues violentes venues de nulle part Projetées dans la prochaine réalité Shackleton vit une si grosse vague
Qu’il la prit d’abord pour un nuage Le bateau plongea dessous ressortit Plus tard dans un nouveau monde
Sur l’île de Géorgie du Sud Dormant dans une grotte il se releva D’un bond en criant et se cogna
La tête sur la paroi de la grotte Si fort qu’il manqua se tuer Pour avoir de cette vague rêvé

6. Vu en courant

Quatre oiseaux en vol se chamaillent émouchet pie corbeau faucon tous quatre tournent et virent en un bref combat aérien

LA TRAVERSÉE DE MATHER PASS

À une bifurcation de ma vie Je marchais dans Mather Pass. Les nuages s’amoncelaient à chaque pas Coiffant le monde de grisaille.
Le tonnerre grondait d’ouest en est Bruit de barriques dévalant un escalier Je franchissais Upper Basin Lorsqu’il se mit à neiger.
Bientôt je marchais dans une bulle blanche De neige humide collant aux pierres. Sec et au chaud dans mes vêtements Je me sentais dépouillé de ma vie.
J’y renonçai. S’envoler Dans le vent, planer dans les embruns. Partir ! Ne jamais revenir ! Chaque pas plus haut un pas plus loin.
Une pente de pierre bombée, fracassée, Montait dans la brume. Muraille éboulée. La passe en haut, invisible. La piste Montait toujours sans retour en arrière,
De droite à gauche d’une seule traite, La Muir Trail, œuvre d’art collective, Avait coûté une vie. Une plaque apposée Portait un nom gravé : le mien.
J’étais donc dans la passe. Les flocons volant d’un côté Redescendaient de l’autre. J’essayai De manger me mis à trembler. Continuer.
Je redescendais allégé Les S blancs de la paroi nord Lorsque enfin je vis les lacs Palisade Loin loin en bas. Le soleil reparut.
Dentelle blanche sur l’or du granit, Un nouveau monde, une nouvelle vie, Un nouveau monde à rebâtir ! Deux randonneurs dressaient leur tente.
Vous venez de là où il y a eu cet orage ? Oui, dis-je. J’ai laissé ma vie de l’autre côté Et maintenant je ne crains plus rien.

LA NUIT DANS LES MONTAGNES

Que ne puis-je dire comme si j’étais Un promeneur à qui on demande d’où il vient Entre les collines : « Il y avait des montagnes Jadis que j’aimais à en avoir le souffle coupé. » Thomas Hornsby Ferril

1. Campement

Torrent roulant sur les pierres : Musique forte. Bougie dans la nuit.
À mi-chemin de cette vie : Ça ne paraît pas si long.
Crêtes, falaises, pics et cols : Jamais ne cesserai de vous désirer.
Étangs, prairies, torrents et mousses : Mes genoux vous dénombrent.
Étoiles devant le rabat de ma tente : Tous mes soucis s’envolent.

2. Territoire

Flamme de bougie, minutes. Aiguilles de pins, mois. Branches, années. Sable, siècles. Roches et pierres, millénaires. Lit des rivières, ères entières. Moi et mes vieux os rompus.

3. Écrit à la lueur des étoiles

Mots invisibles dans le noir. Chute d’eau, corde de son, Précipitation, emportée par le vent. Arbres noirs sur les étoiles.
Page blanche, vaguement. J’écris et je vois Une page blanche, vaguement. L’histoire de ma vie !
Genièvre, tente, roche, noir. Vent mourant. Mon cœur En paix. Vendredi soir.
La Grande Ourse assise sur la montagne. Amis endormis sous la tente. Le dos appuyé à la roche blanche. Pivot de la voûte étoilée tout là-haut : Prendre le mouvement mon essor.
Qui connaît le nombre des étoiles, Tous ces points peuplant le noir Gomment l’obscurité Et coule la Voie lactée. Tant d’étoiles ! Le ciel devrait être blanc, Il faut qu’il soit encré de poussière noire, Du carbone, comme nous ! Jeté dans l’espace, Tout pareil.
Au clair des étoiles tout est illuminé. Les arbres vivants, les pierres endormies. Cascades, si bruyantes ! Tout le reste… Comme mon cœur, paisible.

CHOUETTES INVISIBLES

Je me rappelle cette nuit-là sur la crête J’avais vu une niche, il y a bien des années Sable plat et broussailles dans le granit fracturé Juste sur la crête où je pensais la trouver Et toi, partante pour tout