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À regarder l’incessant défilé des voitures Tes cris nous tirent tous les deux de ce rêve Et nous voilà revenus au mouvement des étoiles
Pas plus régulier que notre routine L’indicible ennui et pas que des couches Des cris de te faire manger à la cuillère
Mais aussi du passage hebdomadaire des balayeurs Des heures passées à jouer aux cubes Je les empile tu les fais tomber normal
Et tout ce temps tu apprends à parler Glossolalie pimentée de noms Affirmations ordres implacables Aller promener
Me dire de faire les choses Un jeu Qui te fait rire et de savoir aussi Que des choses différentes peuvent être pareilles
Camion bleu ciel bleu et tu t’illumines Ton sourire alors que ton langage s’enrichit Que la description devient un mode de narration
Pouvoir je crache le soleil je ciel le bleu Assis ensemble dans ce salon Chacun dans son monde surpris par la nouveauté
Des objets éloignés perdus l’un pour l’autre Habitués l’un à l’autre comme des frères siamois Enfermés à la maison par le temps pluvieux
Je regarde le volley sur ESPN J’écoute Beethoven je lis le Post Tu fais rouler tes camions en babillant quand
Tu as l’impression d’une perte absorbée concentrée Dans ton propre espace si bien qu’en te regardant J’oublie mes si nombreux moi réduits à un seul
Essentiellement heureux que le passé ne soit plus Je te demande David aimé de Dieu te souviens-tu De Bethesda comme ma mère me l’aurait demandé
Te souviens-tu de Sion Et David me regarde avec curiosité et dit Non Papa pas vraiment je sais comment était la maison
Mais c’est grâce aux photos des albums de Maman Tu sais Oui mes premiers souvenirs ne sont pas de Sion Mais de Californie le Noël de mes trois ans
Le tricycle marron monté par mon père près de l’arbre Mais mon père me dit qu’il était tout monté Comment pouvons-nous dire ce qui est arrivé ou non
David en te regardant je tremble Tu sais que le monde est compliqué Tu sais que tu ne te rappelles pas
Ce moment et maintenant tu en sais si long Sur la haine la peur la mort Retrouveras-tu jamais l’exaltation
De voir les cygnes nager sous la jetée Rires et cris de joie quand ils plongent sur le pain J’espère que nous sommes plus fort ces moments
Que nous-mêmes plus fort que les souvenirs Toujours reliés en nous Espérons Qu’ils nous aideront à repousser l’angoisse
Mon frère mon enfant qui t’éloignes J’essaierai de me souvenir pour nous deux Du moment où tu savais être si purement heureux

JE DIS AU REVOIR À MARS

En randonnée seul dans la Sierra Nevada Je m’arrêtai un soir au bassin du Dragon Au-dessus des derniers arbres près d’un ruisseau
Coulant d’une fissure dans le granit Au fond de cette faille De petites pelouses de mousse verdoyante
Sur les berges des krummholz bonzaïs Groupés sur de petites cascades noires Gouttes d’eau transparente brillante
Debout là je regardais Au-dessus du bassin une main de pierre En coupe attraper les pierres
Incrustée d’une tapisserie de plantes De lichen de carex et de saxifrage Humectant de vert les gravillons dénudés
Sous les crêtes déchiquetées déchirant le ciel À côté du ruisselet je dressai le bivouac Tapis de sol mousse sac de couchage
Sac à dos oreiller réchaud à mes pieds Dans la lumière déclinante mon dîner fumant Au gargouillis de l’eau sous le ciel
Les étoiles alors surgirent Sur la crête des montagnes La lueur rose du couchant ponctuant l’indigo
La ligne frémissante entre les couleurs Réduites à deux nuances de noir Myriade d’étoiles la Voie lactée
Articulant parfaitement ma chute dans le sommeil Jamais ne me suis senti fatigué De rêver les mêmes rêves
J’entendais les pierres chuter rouler tonner Dans la gorge de ces montagnes vivantes Quelque chose me réveilla je mis mes lunettes
Je regardai allongé les étoiles Perséides Météores striant en tous sens la nuit étoilée Entre deux battements de cœur
Vite lent long court loin près Blancs parfois rougeâtres Parfois semblant siffler freiner exploser
Projeter des ailes d’étincelles Dans leur sillage Je regardai appuyé au granit Fasciné par une pluie de météores
Comme je n’en ai jamais vu Les étoiles Encore à leur place éclairant Les murailles de granit fracturé
Du bassin tout de pâle blancheur En même temps que les feux d’artifice Un trait dans l’air juste au-dessus des pics
Gerbe d’étincelles au-dessus du Fin Dome Une étoile plongea juste au-dessus de moi Je poussai un cri m’assis et regardai
Alors qu’un grand BOUM me projetait dans Un noir territoire crépitant de flammes Des flammes brûlantes ô mon Dieu
Je criai ô mon Dieu ô mon Dieu Quittai frénétiquement mon duvet remis mes bottes Sortis en titubant dans une odeur
De feuilles d’automne brûlant le passé Je pris ma vache à eau et me précipitai Pour éteindre les feux qui se rallumaient
Sitôt que je courais vers le suivant ô mon Dieu Je me ruai vers le ruisseau et cessai de penser Que c’était l’exploit de ma vie
Éteindre des feux quand il n’y avait pas de bois Visions entrecoupées d’images récurrentes À quoi bon cette agitation
J’arrivai à une masse orange vif Une pierre dressée seule sur une dalle Une météorite lançant encore de rutilantes flammes
Je m’assis devant Repris mon souffle La regardai briller assis en tailleur