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— Caroline Holmes est donc…

— Ou Emma Weil est Caroline Holmes, oui. »

Je secouai la tête. « Elles ne se ressemblent absolument pas.

— On peut changer son apparence. Apparence, empreintes digitales, vocales, rétiniennes… tout peut être changé. De plus, les dernières photos d’Emma ont été prises avant ses dix-huit ans. Les gens changent. Si tu voyais des photos de moi à dix-huit ans, tu n’y croirais pas.

— Mais cela ne tient pas. Holmes a laissé des traces officielles toute sa vie, ou presque. On ne peut pas fabriquer tout un passé comme ça, pas un personnage vraiment public.

— Je n’en suis pas si sûr. Nous vivons très longtemps. Ce qui s’est passé il y a deux, trois, quatre cents ans… il n’est pas si facile d’en être certain.

— Je ne sais pas. Jones. Des tas de gens survivent. » Je secouai la tête, fatigué de tout cela. « Tu ne fais qu’ajouter une complication inutile. Non, c’est Caroline Holmes qui l’a construit. Il lui est arrivé quelque chose… je ne sais pas quoi. » Pourtant, l’idée de Jones : « Mais je vois pourquoi cette idée te plaît. Qui te l’a donnée ?

— Mais, c’est toi ! » s’écria-t-il en se reculant pour me dévisager avec une surprise feinte. « N’est-ce pas ce que tu me racontais juste avant l’atterrissage, quand nous nous sommes saoulés avec l’équipage ?

— Non ! Pour l’amour de Dieu, Jones. Tu as tout inventé.

— Non, non, c’est toi qui m’as raconté ça. Tu devais être trop saoul pour t’en souvenir.

— Pas du tout. Je sais tout ce que j’ai dit à propos d’Icehenge, pas de problème. Ça, tu l’as inventé.

— Bon, si tu veux. Mais je parierais que c’est vrai.

— Hum ! C’est quoi exactement ? Ta quinzième théorie sur l’origine d’Icehenge ?

— Euh, je ne sais pas. Laisse-moi compter…

— Ça suffit, Jones ! S’il te plaît. Assez. »

Je restai assis là, complètement découragé. La stèle commémorative se moquait de moi ; je me levai, y donnai un coup de pied.

« Hé ! Regarde là ! »

Je balayai mon tas de gravier que j’envoyai voler dans la poussière. Les mains tremblantes, j’enlevai les derniers cailloux, les laissai tomber au hasard. Lorsque la plaque fut dégagée, je passai mes doigts entre les lettres jusqu’à ce que la poussière soit partie. Je regardai mes graviers éparpillés. « Là, dis-je. Viens m’aider. » Il se leva sans un mot et, lentement, soigneusement, nous rassemblâmes tous les graviers pour en faire une petite pyramide, un tumulus auprès de la stèle commémorative. Quand nous eûmes terminé, nous nous tînmes debout devant, deux hommes plongés dans la contemplation d’un tas de cailloux.

« Jones », dis-je sur le ton de la conversation, quoique ma voix fût tremblante, je ne savais pas pourquoi. « Jones, que penses-tu qu’il s’est vraiment passé ici ? »

Il émit un petit rire. « Tu ne renonces jamais, hein ?… Je suis comme le reste d’entre nous, je suppose, je pense à peu près la même chose qu’avant. Je crois… qu’il s’est passé ici plus que nous ne pouvons comprendre.

— Et tu te contentes de ça ? »

Il haussa les épaules. « Oui. »

Je frissonnais, j’arrivais à peine à parler : « Je ne sais même pas pourquoi j’ai fait tout ça ! »

Au bout d’un moment : « C’est fait. » Il passa son bras sur mon épaule. « Viens, Edmond, rentrons. Tu es fatigué. » Il m’entraîna doucement. « Rentrons. » Arrivés sur la colline basse, entre le site et les modules d’atterrissage, nous nous retournâmes pour regarder. De grandes tours blanches dressées dans la nuit…

« Que vas-tu faire ? » demanda Jones.

Je secouai la tête. « Je ne sais pas. Je n’y ai jamais réfléchi. Peut-être… je vais peut-être aller sur Terre. Voir mon père. Je ne sais pas !… Je ne sais rien. »

Son rire contenu résonnait dans le silence du vide. « C’est sans doute ainsi qu’il en devait être. » Il repassa son bras sur mes épaules, me fit faire demi-tour. Nous nous mîmes en marche pour revenir vers les modules d’atterrissage, revenir vers les autres, revenir. Jones secouait la tête et disait en une sorte de mélopée : « Nous rêvons, nous nous éveillons au flanc d’une colline glacée, nous poursuivons de nouveau notre rêve. Au commencement était le rêve, et le travail de la désillusion n’a jamais de fin. »