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– Mais comment n’a-t-on pas déjà saisi chez lui?

– Lui, pas bête! La maison n’est pas à lui, son mobilier est au nom de son valet de chambre, qui est censé lui louer en garni, de même que ses chevaux et ses voitures sont au nom de son cocher, qui dit, lui, qu’il donne à loyer au vicomte des équipages magnifiques à tant par mois. Oh! c’est un malin, allez, M. de Saint-Remy. Mais qu’est-ce que vous disiez? qu’il est arrivé encore du nouveau ici?

– Figure-toi qu’il y a deux heures le patron entre ici comme un furieux: «Germain n’est pas là? nous crie-t-il. – Non, monsieur. – Eh bien! le misérable m’a volé hier soir dix-sept mille francs», reprit le patron.

– Germain… voler… allons donc!

– Tu vas voir.

«Comment donc, monsieur, vous êtes sûr? Mais ce n’est pas possible, que nous nous écrions. – Je vous dis, messieurs, que j’avais mis hier dans le tiroir du bureau où il travaille quinze billets de mille, plus deux mille francs en or dans une petite boîte: tout a disparu.» À ce moment, voilà le père Marriton, le portier, qui arrive en disant: «Monsieur, la garde va venir.»

– Et Germain?

– Attends donc… Le patron dit au portier: «Dès que M. Germain viendra, envoyez-le ici, à l’étude, sans lui rien dire… Je veux le confondre devant vous, messieurs», reprend le patron. Au bout d’un quart d’heure, le pauvre Germain arrive comme si de rien n’était; la mère Séraphin venait d’apporter notre ratatouille: il salue le patron, nous dit bonjour très-tranquillement. «Germain, vous ne déjeunez pas? dit M. Ferrand. – Non, monsieur; merci, je n’ai pas faim. – Vous venez bien tard? – Oui, monsieur… j’ai été obligé d’aller à Belleville ce matin. Sans doute pour cacher l’argent que vous m’avez volé?» s’écria M. Ferrand d’une voix terrible.

– Et Germain…?

– Voilà le pauvre garçon qui devient pâle comme un mort, et qui répond tout de suite en balbutiant: «Monsieur, je vous en supplie, ne me perdez pas…»

– Il avait volé?

– Mais attendez donc, Chalamel. «- Ne me perdez pas! dit-il au patron. – Vous avouez donc, misérable? – Oui, monsieur… mais voici l’argent qui manque. Je croyais pouvoir le remettre ce matin avant que vous fussiez levé: malheureusement, une personne qui avait à moi une petite somme, et que je croyais trouver hier soir chez elle, était à Belleville depuis deux jours; il m’a fallu y aller ce matin. C’est ce qui a causé mon retard. Grâce, monsieur, ne me perdez pas! En prenant cet argent, je savais bien que je pourrais le remettre ce matin. Voici les treize cents francs en or. – Comment, les treize cents francs! s’écria M. Ferrand. Il s’agit bien de treize cents francs! Vous m’avez volé, dans le bureau de la chambre du premier, quinze billets de mille francs dans un porte-feuille vert et deux mille francs en or. – Moi! jamais! s’écria ce pauvre Germain d’un air renversé. Je vous avais pris treize cents francs en or… mais pas un sou de plus. Je n’ai pas vu de portefeuille dans le tiroir; il n’y avait que deux mille francs en or dans une boîte. – Oh! l’infâme menteur!… s’écria le patron. Vous avez volé treize cents francs, vous pouvez bien en avoir volé davantage; la justice prononcera… Oh! je serai impitoyable pour un si affreux abus de confiance. Ce sera un exemple…» – Enfin, mon pauvre Chalamel, la garde arrive sur ce coup de temps-là, avec le secrétaire du commissaire, pour dresser procès-verbal; on empoigne Germain, et voilà!

– C’est-il bien possible? Germain, la crème des honnêtes gens!

– Ça nous a paru aussi bien singulier.

– Après ça, il faut avouer une chose: Germain était maniaque, il ne voulait jamais dire où il demeurait.

– Ça, c’est vrai.

– Il avait toujours l’air mystérieux.

– Ce n’est pas une raison pour qu’il ait volé dix-sept mille francs.

– Sans doute.

– C’est une remarque que je fais.

– Ah bien!… voilà une nouvelle!… c’est comme si on me donnait un coup de poing sur la tête… Germain… Germain… qui avait l’air si honnête… à qui on aurait donné le bon Dieu sans confession!

– On dirait qu’il avait comme un pressentiment de son malheur…

– Pourquoi?

– Depuis quelque temps il avait comme quelque chose qui le rongeait.

– C’était peut-être à propos de Louise.

– De Louise?

– Après ça, je ne fais que répéter ce que disait ce matin la mère Séraphin.

– Quoi donc? Quoi donc?

– Qu’il était l’amant de Louise… et le père de l’enfant…

– Voyez-vous le sournois!

– Tiens, tiens, tiens!

– Ah! bah!

– Ça n’est pas vrai!

– Comment sais-tu ça, Chalamel?

– Il n’y a pas quinze jours que Germain m’a dit, en confidence, qu’il était amoureux fou, mais fou, fou, d’une petite ouvrière, bien honnête, qu’il avait connue dans une maison où il avait logé; il avait les larmes aux yeux en me parlant d’elle.

– Ohé, Chalamel! ohé, Chalamel! Est-il rococo!

– Il dit que Faublas est son héros, et il est assez bon enfant, assez cruche, assez actionnaire pour ne pas comprendre qu’on peut être amoureux de l’une et être l’amant de l’autre.

– Je vous dis, moi, que Germain parlait sérieusement.

À ce moment, le maître clerc entra dans l’étude.

– Eh bien! dit-il, Chalamel, avez-vous fait toutes les courses?

– Oui, monsieur Dubois, j’ai été chez M. de Saint-Remy, il va venir tout à l’heure pour payer.

– Et chez Mme la comtesse Mac-Gregor?

– Aussi… voilà la réponse.

– Et chez la comtesse d’Orbigny?

– Elle remercie bien le patron; elle est arrivée hier matin de Normandie, elle ne s’attendait pas à avoir sitôt sa réponse: voilà la lettre. J’ai aussi passé chez l’intendant de M. le marquis d’Harville, comme il l’avait demandé, pour les frais du contrat que j’ai été faire signer l’autre jour à l’hôtel.

– Vous lui aviez bien dit que ce n’était pas si pressé?

– Oui, mais l’intendant a voulu payer tout de même. Voilà l’argent. Ah! j’oubliais cette carte qui était ici en bas chez le portier, avec un mot au crayon écrit dessus (pas sur le portier); ce monsieur a demandé le patron, il a laissé cela.

– WALTER MURPH, lut le maître clerc, et plus bas, au crayon: «reviendra à trois heures pour affaires importantes». Je ne connais pas ce nom.

– Ah! j’oubliais encore, reprit Chalamel, M. Badinot a dit que c’était bon, que M. Ferrand fasse comme il l’entendrait, que ça serait toujours bien.

– Il n’a pas donné de réponse par écrit?

– Non, monsieur, il a dit qu’il n’avait pas le temps.

– Très-bien.

– M. Charles Robert viendra aussi dans la journée parler au patron; il paraît qu’il s’est battu hier en duel avec le duc de Lucenay.