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Malko reporta son regard sur les flots bleus du Pacifique. Sa mission ne s’arrêterait, hélas, pas avec l’échange des otages, si tout se passait bien. Il avait somnolé plusieurs heures, bercé par le ronronnement des réacteurs. À Hawaii le compartiment des « First » avait été mis en état de siège, le « 747 » entouré d’une haie de policiers. Malko et Furuki occupaient les sièges 1 et 2, face à la cloison avant. Chris Jones et Milton Brabeck, les gorilles de la « Special Operation Division » de la C.I.A., spécialement entraînés au Camp Perry, en Virginie, veillaient dans les sièges 3 et 4. Armés à leur habitude. C’est-à-dire puissamment. Derrière eux, quatre agents du Secret Service occupaient quatre fauteuils séparés, surveillant l’arrière. Personne, en classe touriste, n’était censé connaître l’identité du Japonais.

Le ciel était immaculément bleu, mais il allait faire froid à Tokyo. Abruti par le Jet-lag, Malko avait du mal à garder les yeux ouverts. Seule compensation à sa position de chef de mission, il n’était pas obligé d’être armé. Afin que le prisonnier ne risque pas de s’emparer de son arme. Mais il appréhendait l’échange des otages. C’était toujours une opération délicate et il n’avait aucune expérience dans ce genre de négociation. Tout ce qu’il savait c’était que ses adversaires étaient des gens extrêmement dangereux.

Il maudit la mauvaise idée qu’il avait eue de dire à David Wise qu’il séjournerait au Beverly Hills Hotel… Une semaine plus tôt, il avait été convié à déjeuner par le chef de la C.I.A. dans la salle à manger de l’ « Executive Suite », de Langley, le saint des saints, réservé aux supergrades de la C.I.A. Honneur insigne, dû plus à son titre d’Altesse Sérénissime qu’à son rang de carcer-agent, un des six mille membres de la « Clandestine Division ». Ils avaient dégusté un somptueux chevreuil, arrosé de Château-Margaux 1967, servi par des Noirs en livrées. Espèce rarissime à la Company qui ne comptait pas plus de vingt Noirs sur un effectif de douze mille personnes… Après cela, Malko aurait eu mauvaise grâce à refuser de partir pour Tokyo. D’autant que son séjour en Californie lui avait donné une idée folle. Et onéreuse : remplacer le vieux chauffage central de son chateau de Liezen par un système de climatisation moderne…

En attendant, il baguenaudait au-dessus du Pacifique…

Une des hôtesses des « First » s’approcha de lui, une grande fille brune, aux jambes interminables et pleines, qui couvait Malko des yeux depuis Hawaii, autant à cause de ses yeux d’or que du danger qu’il représentait.

— Vous n’avez besoin de rien, Sir ? demanda-t-elle d’une voix veloutée.

Le regard de ses yeux pers disait qu’elle était prête à faire de gros efforts pour la satisfaction de ce passager-là. Malko soupira :

— Si. Que vous changiez de place avec mon voisin.

Elle eut un rire de gorge et fixa le Japonais comme si c’était une araignée venimeuse… Tout l’équipage était au courant. Le regard de l’hôtesse revint se poser sur Malko, s’adoucissant aussitôt.

— Vous devriez monter au bar du haut, cela vous changerait un peu.

— Excellente idée dit Malko.

Il restait six personnes pour surveiller Furuki. Il suivit l’hôtesse, traversant la cabine pour rejoindre le bar situé au-dessus, derrière le cockpit. Il admira les hanches en amphore, le corps puissant et sensuel de la jeune femme. Son déhanchement pour monter l’escalier en colimaçon le troubla.

Malko resta debout près du bar, tandis que l’hôtesse lui préparait un Bloody Mary. Elle contourna ensuite le bar et s’arrêta si près de lui qu’il pouvait sentir son parfum.

— Bonne chance, murmura-t-elle, j’espère que tout se passera bien à Tokyo.

Malko fit tourner ses glaçons dans le verre, les yeux fixés sur le sage corsage blanc gonflé par une poitrine somptueuse.

— Je le souhaite.

L’hôtesse demanda d’un ton dégagé :

— Où descendez-vous à Tokyo ?

— À l’Imperial, dit Malko.

L’hôtesse sourit.

— J’ai quatre jours de repos et je m’ennuie toujours à Tokyo.

Malko se dit qu’il pourrait difficilement trouver un meilleur guide, si tout se passait bien pour les otages.

— Appelez-moi, dit-il. Mon nom est Malko Linge. Prince Malko Linge.

Le Bloody Mary était fort et glacé.

— Je m’appelle Nancy, dit l’hôtesse. Nancy Younglove.

Un nom qui était tout un programme.

L’hôtesse s’excusa d’un sourire et redescendit. Malko la suivit de près. Un voyant venait de s’allumer, rappelant les passagers à leurs fauteuils. La voix veloutée de Nancy Younglove annonça dans le haut-parleur :

— Nous venons de commencer notre descente sur Tokyo, veuillez attacher vos ceintures et ne plus fumer…

Chris Jones se leva, en dépit de l’interdiction, pour rejoindre Malko. Le gorille avait les yeux rouges de fatigue. Les traits tirés, il paraissait encore plus impressionnant avec ses 1 m 92 de muscles et d’os. L’étui de son .44 Magnum reposait sur la boucle de sa ceinture.

— Ça va ? demanda-t-il.

— Ça va, affirma Malko.

Ils n’auraient pas beaucoup de temps pour s’adapter en arrivant.

À son tour, Milton Brabeck se leva avec une grimace et les rejoignit. Sa blessure reçue en Angola[8] n’était même pas cicatrisée… Lui se contentait de deux Smith et Wesson Magnum au canon de six pouces. Il avait déjà été à Tokyo, du temps où il était Marine.

— On va se faire masser, annonça-t-il d’un ton égrillard.

Incorrigible. Malko se pencha et attacha la ceinture de sécurité du Japonais toujours endormi.

Le « 747 », pris dans le gros cumulus, commença à vibrer. Le ciel bleu avait fait place à la nuit. Brutalement, Malko se sentit étreint par une angoisse diffuse. Il vivait peut-être ses dernières heures. À côté de lui, le Japonais sursauta sur son siège. Il ouvrit les yeux, se redressa, l’air brusquement affolé.

— Where are we ?

Malko le regarda, stupéfait : le F.B.I. lui avait bien dit qu’il ne parlait pas anglais !

— Nous allons arriver à Tokyo, dit-il.

Furuki sembla brusquement se souvenir. Une lueur affolée passa dans ses yeux noirs.

— Vous allez me remettre à Hiroko ? demanda le Japonais.

— C’est elle qui a exigé votre libération, souligna Malko, intrigué par la connaissance parfaite de l’anglais de son interlocuteur.

Celui-ci dit tout à coup :

— Je ne veux pas qu’on me livre à Hiroko.

Malko crut avoir mal entendu. Cet enlèvement était providentiel pour Furuki. Avec ce qu’on avait saisi sur lui, il risquait un minimum de cinq ans de prison… le « 747 » vibrait de plus en plus.

— C’est Hiroko qui vous a envoyé à Los Angeles, dit Malko.

Furuki s’accrocha des deux mains aux accoudoirs de son fauteuil et répéta :

— Je ne veux pas. Elle va me tuer… Vous ne la connaissez pas.

Ses pupilles s’étaient dilatées sous l’effet de la terreur.

Le « 747 » continuait sa descente, secoué par des rafales. Le temps semblait effroyable. Nancy Younglove vint se pencher vers Malko et murmura à son oreille.

— Le commandant essaie d’atterrir. Normalement, nous devrions aller nous poser à Osaka ou à Séoul. Tokyo est très mauvais.

Elle s’éloigna, plus attirante que jamais. Une belle plante.

Malko se mit à penser à Hiroko Okada, la responsable du commando de l’ambassade. La belle Japonaise dont tous les journaux avaient publié la photo, qui ressemblait à une étudiante rieuse.

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8

Voir Guêpier en Angola.