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En même temps, il tira son poignard.

– À mort! dit Chalabre. À mort, sire! Il n’y a que les morts qui ne frappent pas!

– Eh! pardieu, s’écria Montsery, faut-il tant discuter pour découdre un sanglier qui montre ses défenses!

– Je vous assure, sire, fit Sainte-Maline à son tour, que nous nous chargeons et du jugement et de l’exécution!…

Pendant quelques minutes, il y eut dans la chambre du roi une rumeur assourdie, chacun voulant dire son mot, chacun proposant son plan d’attaque. Enfin Catherine de Médicis, qui avait écouté toute cette explosion en souriant, les calma d’un geste et dit:

– Mes braves amis, vous êtes de hardis compagnons, tous, et le roi vous devra la vie… il ne l’oubliera pas…

– Sa Majesté est libre d’oublier! s’écria Déseffrenat, l’un des Quarante-Cinq.

– Oui, oui! Nous marchons pour notre compte autant que pour celui du roi!…

– Nous haïssons le Guise jusqu’à la male mort!…

– Il m’a donné, dit Loignes, un coup de dague dont je souffre encore, et cela sous le dérisoire prétexte que j’embrassais sa femme. À ce compte, il lui faudrait daguer toute la seigneurie qui l’entoure!

– Il nous a jetés dans la Bastille dont nous ne sommes sortis que par vrai miracle, ajouta Sainte-Maline.

La reine savait parfaitement de quelle haine étaient animés ces gentilshommes. Mais il ne lui déplaisait pas d’en avoir provoqué l’explosion. Elle reprit:

– Nous sommes donc tous d’accord? Il faut que Guise meure?…

– Qu’il meure!…

Le roi s’était tourné vers le feu et chauffait ses mains pâles.

Il semblait se désintéresser de l’effrayante question qui s’agitait autour de lui.

– Il reste donc à savoir où, quand, comment le scélérat félon sera frappé, continua Catherine.

– Tout de suite! s’écria Montsery.

– Chez lui! ajouta Loignes.

– À coups de dague!

– Mes bons et braves amis, dit Catherine, ce n’est pas le tout que de tailler, il faut encore savoir recoudre. C’est à quoi le roi et moi nous devons songer. Il faut donc que toutes nos précautions soient prises pour l’heure même qui suivra la mort du duc. Or, nous avons encore deux ou trois jours devant nous. Ne précipitons rien et faisons les choses raisonnablement. Nous avons trois points à élucider: Où? Quand? Comment?…

Il s’était fait un grand silence. Tous s’étaient rapprochés de la cheminée, car Catherine parlait à voix basse, malgré la précaution prise de faire garder les pièces voisines par des gens sûrs. Et c’était autour de la vieille reine, debout dans ses vêtements noirs, un demi-cercle de têtes penchées, de visages pâles et de regards flamboyants. Le roi seul, assis près du feu, semblait ne vouloir ni entendre, ni voir… La reine alors acheva:

– Où?… Ni chez lui, ni dans la rue: c’est ici même, dans l’appartement du roi, que doit se faire la chose. Quand? Nous le saurons peut-être demain matin. Comment? C’est le plan que je vais vous exposer…

XXXI AUX APPROCHES DE NOËL (suite)

Le soir de ce jour où des décisions suprêmes furent prises chez le roi, nous pénétrons dans une auberge d’assez pauvre apparence, qui avoisine le château, et qui s’appelait à cause de cela l’Hôtellerie du Château.

Dans une chambre du premier étage, le chevalier de Pardaillan allait et venait, à la lueur d’une chandelle fumeuse qui semblait n’être là que pour mieux montrer les ténèbres. Cependant, la table était dressée et toute servie, comme si Pardaillan eût attendu un convive. C’est-à-dire que sur cette table, il y avait de quoi apaiser la fringale de trois ou quatre bons mangeurs. Pardaillan était ainsi prodigue et outrancier dès qu’il traitait quelqu’un.

Ce quelqu’un arriva enfin, et Pardaillan appelant une servante fit aussitôt renforcer l’éclairage par deux ou trois flambeaux. Alors, à la lumière plus vive qui inonda la chambre, le visiteur de Pardaillan – son convive – apparut, et ayant laissé tomber son manteau, montra les rudes moustaches et le front cicatrisé, couturé de balafres, et le regard loyal du brave Crillon… C’était Crillon qui rendait visite à Pardaillan!

Pourquoi? dans quel but?… Nous allons le savoir.

Le matin, Crillon, comme on l’a vu, avait quitté la chambre royale, pour ne pas assister aux préparatifs d’un guet-apens qu’il réprouvait. Crillon était d’ailleurs parfaitement d’avis qu’il fallait frapper Guise et s’en débarrasser à jamais par quelque bon coup d’épée… mais non par un coup de dague donné par derrière. Crillon admettait le dueclass="underline" il ne voulait pas de l’assassinat. Le vieux capitaine avait donc quitté l’appartement royal d’assez mauvaise humeur.

– Tous ces mignons et ordinaires, grommelait-il, sont en train de faire faire une grosse sottise au pauvre Henri. Guise tué en duel était bien mort. Mais je crains que Guise tué en embuscade par les Quarante-Cinq ne meure pas tout à fait, ou que mort, il soit plus redoutable encore qu’il n’était vivant.

Crillon, là-dessus, avait soigneusement visité les postes. Il renforça les points faibles. Il doubla le nombre de patrouilles. En sorte qu’à partir de ce moment, le château ne retentit plus que du pas des soldats et du bruit des armes.

– Jolie idée qu’il a eue de confier les clefs à Guise!… reprit bientôt le brave Crillon. Cette façon de se livrer, de se mettre soi-même la tête dans la gueule du loup, et puis de crier: «Au loup!» Oui, tout cela est trop habile pour moi. Cela sent d’une lieue son Ruggieri… Morbleu, c’était pourtant bien simple et facile, ce que je proposais!…

On voit que le brave Crillon était à la fois mécontent et inquiet. Lorsqu’il eut donné les mots d’ordre et changé les consignes, Crillon sortit du château, dans l’intention d’en faire le tour et de s’assurer qu’aucun coup de main n’était possible. Comme il quittait l’esplanade qui s’étendait devant le porche, il s’aperçut qu’on le suivait à distance. Il s’arrêta en fronçant les sourcils.

– Si c’est un guisard et qu’il me cherche querelle, maugréa-t-il, le guisard tombe bien. Ah! tête et ventre! je donnerais bien dix écus pour pouvoir dégainer sur-le-champ et calmer la démangeaison que j’ai d’en découdre…

Cependant, l’homme qui semblait le suivre s’était rapproché de Crillon et marchait droit sur lui, enveloppé dans sa cape jusqu’aux yeux, car le froid était violent, et un petit vent du nord balayait le plateau.

– Parbleu, monsieur, dit Crillon quand l’inconnu ne fut plus qu’à deux pas, est-ce à moi que vous en voulez?

– Oui, sire Louis de Crillon, fit tranquillement l’homme.

Mais en même temps, cet homme laissa son visage à découvert et se mit à regarder Crillon en souriant. Crillon le reconnut aussitôt et tendit sa main d’un mouvement cordial.

– Le chevalier de Pardaillan! s’écria-t-il…

– Lui-même, capitaine, et qui court après vous…

– Après moi?…

– Oui. Pour vous rappeler une promesse que vous me fîtes…

– Laquelle?…

– Celle de me présenter au roi.

– Ah! par le mortbœuf, ce n’est pas trop tôt! fit Crillon avec un large sourire de bienveillance. Vous y venez donc enfin!…

– Que voulez-vous?… J’éprouve le besoin de voir de près une figure de roi; cela ne m’est jamais arrivé, et je suppose que ce doit être curieux…