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– Que voulez-vous donc? dit le duc en se relevant.

– Votre nom! répondit Fausta.

– Mon nom!…

– La moitié de votre puissance. La moitié de votre gloire. M’asseoir près de vous sur le trône où vous allez prendre place!… Être enfin la reine comme vous allez être le roi!… Écoutez-moi: vous avez, il me semble, des motifs de répudier Catherine de Clèves… puisqu’elle vit encore!… Il vous faut un mois pour obtenir cette répudiation… Dans les huit jours qui suivent, notre mariage sera célébré. Et c’est moi, duc, qui établirai le contrat que vous aurez à signer…

– Notre mariage! balbutia le duc.

– Le lendemain de notre mariage, continua Fausta, nous partons pour Blois… le reste me regarde… tout le reste me regarde… tout le reste, duc, jusqu’au jour où, placé à la tête de la triple armée de Farnèse, d’Henri III et d’Henri de Béarn, vous prendrez le chemin de l’Italie en laissant la régence à la reine de France couronnée comme vous… sacrée comme vous… à jamais liée à vos intérêts, à votre ambition et à votre gloire!

Fausta s’arrêta un instant, puis acheva sur un ton qui donna le frisson à Guise:

– Duc, je vous donne trois jours pour vous décider…

Le Balafré répondit:

– La réflexion est toute faite, madame!…

Fausta ne put s’empêcher de tressaillir. Car ce mot, elle l’espérait ardemment, Le duc de Guise s’était incliné. Il saisit une main de Fausta, la porta à ses lèvres avec cette grâce altière qui faisait dire qu’il était roi par l’élégance parmi les rois par naissance:

– Duchesse de Guise, dit-il, reine de France, recevez l’hommage de votre époux, de votre roi qui ne veut être que le premier de vos sujets…

– Duc, répondit simplement Fausta, j’accepte l’engagement que vous prenez par ces paroles. Allez donc, et dès le jour venu, prenez vos dispositions pour que vous soyez libre d’unir votre destinée à la mienne.

Étourdi, fasciné… réellement dompté par cette simplicité autant qu’il l’avait été par les menaces et par les promesses, Guise s’inclina de nouveau très bas. Puis, il s’enveloppa de son manteau, et des yeux parut chercher un valet pour le reconduire jusqu’à la porte. Fausta s’était levée; elle saisit un flambeau et se mit à marcher devant le Balafré.

– Que faites-vous, madame? s’écria Guise.

– C’est un privilège royal que d’être éclairé par le maître de la maison, répondit Fausta. Vous êtes le roi: je vous montre le chemin, sire!

Guise enivré se mit à suivre en silence, admirant la dignité, la grâce et la majesté de cette sirène, et il convint en lui-même que jamais le trône de France n’aurait été occupé par une créature plus vraiment reine par la beauté, l’attitude et la pensée.

Mais en accompagnant le duc de Guise, Fausta avait une autre idée que celle de lui rendre un royal hommage. En arrivant dans le vestibule, elle posa son flambeau sur un meuble, fit signe à un laquais d’ouvrir la porte, et se tourna alors vers Guise comme pour prendre congé. Guise tressaillit… il comprit qu’il allait apprendre quelque nouvelle…

– Adieu, monsieur le duc, dit Fausta. Mais avant votre départ, je serais heureuse de savoir ce qu’est devenu l’homme qui a été poursuivi aujourd’hui…

– Pardaillan!…

– Oui!… Pardaillan!…

– Il est mort, dit Guise.

Fausta ne pâlit pas. Aucun signe extérieur ne témoigna chez elle d’une émotion quelconque.

– Cet homme a mérité son châtiment, dit-elle.

Guise franchissait la porte, et déjà faisait signe à ses gens de lui approcher son cheval. Alors Fausta, avec la même simplicité, ajouta:

– Il a d’autant plus mérité la mort qu’aujourd’hui même, sous mes yeux, il a tué d’un coup de dague au cœur une pauvre jeune fille innocente… une chanteuse… une bohémienne nommée Violetta…

Et la porte, à cet instant, se referma!… La porte de fer séparait maintenant ces deux êtres: Fausta et Guise. Mais s’ils avaient pu se voir, peut-être eussent-ils eu pitié l’un de l’autre.

– Pardaillan est mort!

– Morte!… Violetta morte!…

Ces deux pensées de douleur palpitèrent ensemble. Et tandis que Fausta, accablée par cette mort qu’elle avait pourtant voulue, regagnait en chancelant sa chambre à coucher, le duc demeurait devant la maison comme frappé d’un coup de foudre.

– Monseigneur, fit quelqu’un en le touchant au bras.

Un sanglot déchira la gorge du Balafré. Il releva la tête et vit que son escorte s’était approchée. Sans prononcer un mot, il se mit en selle, et prenant la tête de la petite troupe, se dirigea vers l’hôtel de Guise.

À t-on retrouvé le corps de Pardaillan? demanda-t-il à Maineville lorsqu’il eut regagné son appartement.

– Non, monseigneur…

– Tant pis! dit le duc d’une voix étrange.

Et il s’enferma dans son cabinet, pour y travailler, dit-il. Mais lorsque son valet de chambre pénétra chez lui le lendemain, il constata que Monseigneur ne s’était pas couché, qu’il était fort pâle et qu’il avait les yeux rouges.

XXI LA LETTRE

Le duc avait passé la nuit, les coudes sur la table devant laquelle il s’était assis, la tête dans les deux mains. Au bruit que fit le serviteur, il se réveilla de cette longue torpeur et vit qu’il faisait grand jour. Alors il se leva, et les yeux fixés sur une image qui flottait sans doute devant lui:

– Adieu, murmura-t-il, adieu, Violetta, jeunesse, amour!… Tout cela est mort!… Pensées d’amour et de jeunesse, éteignez-vous comme ces flambeaux, évanouissez-vous, et laissez la place aux rêves d’ambition!… Le duc de Guise amoureux de la petite bohémienne n’est plus… Guise le conquérant, Guise roi de France et empereur, à l’œuvre! Et puisqu’il faut commencer par marcher sur un cadavre pour marcher à la gloire et à la puissance, allons préparer la mort de Valois!…

Il fit ouvrir les portes de son cabinet, et la foule de ses gentilshommes y entra.

– Messieurs, dit le Balafré d’une voix forte, Sa Majesté le roi a convoqué les états généraux. Le clergé, la noblesse et la bourgeoisie ont envoyé à Blois leurs députés qui déjà ont commencé les conférences Il me semble donc que notre place est non pas à Paris, mais à Blois où de grands événements nous attendent peut-être. À cheval, donc, messieurs, nous partons dans une heure!…

Les courtisans se retirèrent, empressés, pour faire leurs préparatifs de départ. Le duc s’assit alors et écrivit la lettre suivante:

«Madame,

Vous m’avez si bien convaincu que je ne veux pas attendre une minute pour commencer l’exécution de l’admirable plan que vous m’avez développé. Ce n’est donc ni dans un mois ni dans huit jours que je me rendrai à Blois. J’y vais tout de ce pas. C’est donc à Blois même que j’aurai l’honneur de vous attendre, afin de hâter ces deux événements que je souhaite avec une égale ardeur: la mort de qui vous savez, et l’union des deux puissances que vous connaissez. – Henri, duc de Guise… pour le moment.»