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– Désirez-vous que je vous entende sous le sceau de la confession?

– Ce serait préférable, en effet, dit Colline Colle avec empressement. Parfait Goulard se redressa dans son fauteuil. Il prit l’air grave et digne qui convenait, croisa les mains sur sa bedaine et, avec toute l’onction désirable:

– Qu’il soit fait ainsi que vous le désirez. Parlez, mon enfant, je vous écoute.

On se doute bien que Colline Colle connaissait à fond tous les rites particuliers à chaque acte religieux. Elle n’avait aucun motif de se défier du religieux. Mais elle tenait à bien établir qu’il s’agissait d’une bonne confession, bien en règle, capable, par conséquent, de fermer à tout jamais les lèvres du prêtre sur ce sujet. Et la confession ne lui eût pas paru valable si elle n’avait été accomplie dans les formes prescrites.

En conséquence, si grande que fût son impatience d’aborder le sujet qui lui tenait à cœur, elle sut se résigner à patienter encore quelques minutes. Humblement, ainsi qu’il convient à une pénitente, elle se mit à genoux sur un carreau, à côté du moine, prit une mine de circonstance, se signa, joignit les mains avec ferveur et entama le Confiteor.

Elle n’oublia aucun détail et le prêtre lui donna la réplique avec la gravité voulue. Quand tout fut terminé et bien en règle, elle commença:

– Il faut d’abord que je vous dise qu’il est arrivé un grand malheur à ma jeune locataire. Vous savez, cette jeune fille à laquelle le roi s’intéressait?… Oui!… Eh bien, on l’a enlevée la nuit dernière.

Elle fit le récit de l’enlèvement de Bertille. À part certains petits détails qu’elle passa sous silence et d’autres qu’elle modifia légèrement de façon à se poser en victime elle-même; à part qu’elle négligea de dire qu’elle avait écouté l’entretien du ravisseur avec sa victime, ce récit était exact.

Fidèle à son système, Parfait Goulard la laissa parler sans l’interrompre, approuvant par-ci par-là d’un mot bref, le plus souvent par des hochements de tête. Quand il vit qu’elle avait fini, il essaya à son tour, par quelques questions insidieuses, de percer la personnalité du ravisseur masqué.

Mais ceci rentrait dans la catégorie des choses que la matrone avait intérêt à garder pour elle. Parfait Goulard n’en put rien tirer. Il se persuada qu’elle n’en savait pas plus qu’elle ne disait et n’insista pas.

Alors elle entama la partie la plus importante de sa confession:

– Quand les malandrins furent partis, je restai longtemps à me remettre de mon émotion. Le coup était rude pour une faible femme comme moi. Quand je fus tout à fait remise, je songeai que tout était resté sens dessus dessous chez ma locataire. Vous savez que je suis bonne ménagère. Je montai, dans l’intention de mettre un peu d’ordre. Et tout à coup je pensai que je pourrais peut-être trouver des papiers susceptibles de mettre sur la trace de l’homme masqué. C’était une indiscrétion assurément, mais le salut de la pauvre jeune fille en dépendait peut-être. Puis, qui sait, je pouvais peut-être trouver des indications très utiles pour le roi, qui s’intéressait si vivement à elle qu’il était venu la voir vers les neuf heures du soir… (Et de son air le plus ingénu.) C’était peut-être mal, cela, mon père?

– Non, mon enfant, dit gravement Parfait Goulard, puisque ce que vous en faisiez était dans une bonne intention. Mais vous dites que le roi est venu le soir?

– Oui, mon père. À telles enseignes qu’il est bien resté une heure enfermé seul avec elle.

Parfait Goulard ne dit rien, mais il eut un sourire égrillard. Colline Colle vit le sourire et:

– Non, dit-elle avec un cynisme inconscient, ce n’est pas ce que vous pensez!… Cette jeune fille à qui on ne connaissait pas d’autre nom que celui de Bertille, savez-vous qui elle est, mon père?… La propre fille du roi!… Qui l’eût dit!…

– Que m’apprenez-vous là! s’écria le moine d’un air incrédule. Colline Colle vit qu’il doutait. Pour le convaincre, elle n’hésita pas à révéler dans tous ses détails le contenu du mémoire de Blanche de Saugis. Elle n’avait aucun intérêt direct à garder le secret qu’elle avait surpris. En revanche, elle trouvait une magnifique occasion de faire marcher sa langue. Elle n’eut garde de la laisser passer.

Parfait Goulard, lui, tout en conservant la contenance digne et réservée du confesseur, écoutait de ses vastes oreilles grandes ouvertes. Il commençait à se dire qu’il n’aurait pas perdu son temps en confessant la mégère.

Quand elle eut épuisé ce sujet passionnant, elle aborda la partie la plus épineuse, celle qui l’intéressait le plus, celle pour laquelle avait été préparée cette parodie de confession. Elle aborda enfin la question du trésor.

– Ce n’est pas tout, dit-elle. Parmi ces papiers, j’ai trouvé une lettre signée de ce comte de Vaubrun, vous savez, le fiancé de la dame de Saugis. Dans cette lettre, le comte de Vaubrun annonce l’envoi de documents précieux… Ces documents, paraît-il, font connaître l’endroit exact où est enfoui un fabuleux trésor appartenant à une souveraine qu’il appelle… Fausta.

Si maître de lui qu’il fût, le moine bondit. Il était si loin de s’attendre à une révélation de cette importance! Il se reprit immédiatement du reste et, se rasseyant:

– Vous dites?… fit-il d’une voix qui tremblait un peu. Répétez.

Colline Colle, si futée, si matoise, se méprit sur le sens de cette émotion. Elle crut à de la surprise provoquée par ce nom de Fausta et complaisamment, elle expliqua:

– Oui, c’est un nom bizarre, que je n’avais jamais entendu prononcer. Cependant je suis bien sûre que c’est ce nom-là: Fausta… Je l’ai bien retenu, allez.

Parfait Goulard s’était complètement ressaisi. Il réfléchissait maintenant. Est-ce que le hasard allait le mettre enfin sur la trace du trésor tant cherché?… Il se morigénait aussi parce qu’il avait failli se trahir. Mais à présent, il entrevoyait quelle attitude il convenait de prendre. Son visage se fit soudain sévère, sa voix devint froide, le ton impérieux, et il dit:

– Continuez. Vous dites qu’il était question de documents faisant connaître l’emplacement d’un soi-disant trésor, n’est-ce pas?

– Oui, mon père, fit la matrone vaguement inquiète de ce changement de manières.

– Et n’y avait-il pas d’autres noms? fit le moine de plus en plus sévère, rappelez-vous bien.

– Si fait?… Un autre nom aussi bizarre: Myr… this… Oui, c’est bien cela, Myrthis. Et puis un nom plus chrétien, celui-là: Pardaillan… Ah! et puis aussi encore un nom bizarre, diabolique… attendez… Sa… Saêtta?… Mais qu’avez-vous donc mon père?… Vous m’effrayez.

De fait, l’attitude énigmatique du moine commençait à l’inquiéter sérieusement. Ce fut bien pis lorsqu’elle l’entendit lui dire, et de quel ton, grand Dieu:

– Prenez garde, mon enfant, c’est très grave ce que vous me révélez là!…

Parfait Goulard se redressa. Son visage, jusque-là doux et indulgent, exprimait une sourde terreur qui fit passer le frisson de la petite mort sur l’échine de la mégère. Et d’une voix imposante qui parut terrible à son oreille déjà terrifiée:

– Prenez garde, répéta-t-il. C’est à Dieu que vous parlez… Dieu qui sonde les cœurs et sait lire les plus secrètes pensées. Répondez-moi donc comme vous répondriez à Dieu… Ces documents, vous les avez pris… n’est-ce pas?

– Hélas! gémit la matrone dont les dents s’entrechoquaient, j’en ai pris un pauvre petit… que je voulais vous demander de me traduire, vu qu’il est écrit en latin, je crois.