Trouverais-je les noms, trouverais-je les mots
Pour noter d'infamie cet enfant de chameau
Qu'a choisi son époux pour tromper son amant
Qu'a conduit l'adultère à son point culminant
Ma maîtresse, la traîtresse!
Où donc avais-j'les yeux? Quoi donc avais-j' dedans?
Pour pas m'être aperçu depuis un certain temps
Que, quand ell' m'embrassait, ell' semblait moins goulue
Et faisait des enfants qui n'me ressemblaient plus
Ma maîtresse, la traîtresse!
Et pour bien m'enfoncer la corne dans le cœur
Par un raffinement satanique, moqueur
La perfide, à voix haute, a dit à mon endroit
" Le plus cornard des deux n'est point celui qu'on croit "
Ma maîtresse, la traîtresse!
J'ai surpris les Dupont, ce couple de marauds
En train d'recommencer leur hymen à zéro
J'ai surpris ma maîtresse équivoque, ambiguë
En train d'intervertir l'ordre de ses cocus
Ma maîtresse, la traîtresse!
Le 22 septembre
Paroles et Musique: Georges Brassens 1964
Un vingt-deux de septembre au diable vous partites,
Et, depuis, chaque année, à la date susdite,
Je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous…
Or, nous y revoilà, mais je reste de pierre,
Plus une seule larme à me mettre aux paupières:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
On ne reverra plus au temps des feuilles mortes,
Cette âme en peine qui me ressemble et qui porte
Le deuil de chaque feuille en souvenir de vous…
Que le brave Prévert et ses escargots veuillent
Bien se passer de moi pour enterrer les feuilles:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
Jadis, ouvrant mes bras comme une paire d'ailes,
Je montais jusqu'au ciel pour suivre l'hirondelle
Et me rompais les os en souvenir de vous…
Le complexe d'Icare à présent m'abandonne,
L'hirondelle en partant ne fera plus l'automne:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
Pieusement noué d'un bout de vos dentelles,
J'avais, sur ma fenêtre, un bouquet d'immortelles
Que j'arrosais de pleurs en souvenir de vous…
Je m'en vais les offrir au premier mort qui passe,
Les regrets éternels à présent me dépassent:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
Désormais, le petit bout de coeur qui me reste
Ne traversera plus l'équinoxe funeste
En battant la breloque en souvenir de vous…
Il a craché sa flamme et ses cendres s'éteignent,
A peine y pourrait-on rôtir quatre châtaignes:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
Et c'est triste de n'être plus triste sans vous
Le bateau de pêche
Paroles: A.Hornez. Musique: P.Misraki 1937
note: BO du film "Le chanteur de minuit"
C'était un petit tout petit voilier
Un petit bateau de pêche
On l'avait bâti d'un bout de papier
Et d'un vieux noyau de pêche
Dans un petit port entre deux roseaux
On l'avait mis à l'amarre
Il appareillait dès qu'il faisait beau
Pour naviguer sur la mare
Mais un jour le petit bateau fit un rêve
A son tour il voulut entreprendre un voyage au long cours
Alors il s'en fut magnifiquement
Tout là bas vers les tropiques
La vie qu'il menait lui donnait vraiment
Des idées misanthropiques
En l'apercevant chaque nénuphar
Craignait qu'un malheur n'arrive
Et le ver luisant qui servait de phare
Lui criait rejoins la rive
Mais il répondit d'un air malséant
Je ne crains pas les déboires
Aussi bien le fleuve et les océans
Ce n'est pas la mer à boire
Quel plaisir de voguer ainsi sur les ondes
Quel plaisir de pouvoir naviguer au gré de son désir
Le ciel est tout bleu et le vent léger
Tous ces braves gens divaguent
Je me moque bien d'ailleurs du danger
Car je n'ai pas peur des vagues
Il ne savait pas qu'à côté de lui
Un canard faisait trempette
Pour notre bateau qui était si petit
Cela fit une tempête
Et rapidement je vous en réponds
Les événements se gâtent
L'eau s'est engouffrée dans les entreponts
Adieu la jolie frégate
Sauve qui peut criait le navire en détresse
Sauve qui peut je ne vais plus jamais revoir le beau ciel bleu
Et tout en pleurant sa vie d'autrefois
Le petit bateau chavire
Ça prouve qu'il faut demeurer chez soi
Quand on n'est qu'un petit navire
Le bistrot
Paroles: Georges Brassens. Musique: Georges Brassens 1960
Dans un coin pourri
Du pauvre Paris
Sur une place
L'est un vieux bistrot
Tenu pas un gros
Dégueulasse.
Si t'as le bec fin
S'il te faut du vin
De première classe
Va boire à Passy
Le nectar d'ici
Te dépasse.
Mais si t'as l'gosier
Qu'une armure d'acier
Matelasse
Goûte à ce velours
Ce petit bleu lourd
De menaces.
Tu trouveras là
La fine fleur de la
Populace
Tous les marmiteux
Les calamiteux
De la place
Qui viennent en rang
Comme les harengs
Voir en face
La belle du bistrot
La femme à ce gros
Dégueulasse.
Que je boive à fond
L'eau de toutes les fon-
– taines Wallace,
Si, dès aujourd'hui
Tu n'es pas séduit
Par la grâce.
De cette jolie fée
Qui, d'un bouge, a fait
Un palace.
Avec ses appas
Du haut jusqu'en bas
Bien en place.
Ces trésors exquis
Qui les embrasse, qui
Les enlace?
Vraiment, c'en est trop!
Tout ça pour ce gros
Dégueulasse!
C'est injuste et fou
Mais que voulez-vous
Qu'on y fasse?
L'amour se fait vieux
Il a plus les yeux
Bien en face.
Si tu fais ta cour
Tâche que tes discours
Ne l'agacent.
Sois poli, mon gars
Pas de geste ou ga-
– re à la casse.
Car sa main qui claqu'e
Punit d'un flic-flac
Les audaces.
Certes, il n'est pas né
Qui mettra le nez
Dans sa tasse.