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Il tend son assiette au Gravos qui minaude.

— J’ vas connaît’ vos pensées, m’sieur Mal-à-l’estom’ ! Juste un p’tit chouille, manière de m’informer le palais et les pupilles Gustave-six.

Il prend une forte portion du machin que vous savez, l’enfourne, mange…

Nous attendons, les yeux braqués sur sa mâchoire malaxeuse. Le Gros, tu le verrais : Bocuse goûtant les ris-de-veau de Verger, à la Barrière de Clichy.

Un gourmet. Taste-chose. Le cerveau en roue libre pour mieux se consacrer à son sens gustatif, lui laisser son complet libre arbitre.

Ayant absorbé, il se restitue au monde en rouvrant ses grands yeux de bovidé domestique.

— Ecoutez, m’sieur Mal-à-l’estom’, déclare l’oracle, de vouze à moi, ça ne vaudra jamais une perdrix aux choux ou des quenelles Nantua, mais je reconnais qu’a un certain quéqu’chose. La subtilité, c’est dans l’arrière-goût qu’é s’ loge. Je serai sûrement jamais fana, pourtant, je préférerais me convertir à c’te popote-là que de sombrer végétarien.

Et il retourne à son saumon.

Fumé.

— Parlons de l’affaire elle-même, reviens-je à mon Maeleström. Lorsque Borïgm a assassiné ces deux filles, il dirigeait l’institut depuis longtemps ?

— Quelques années.

— Il eut pendant cette période une attitude trouble avec ses pensionnaires ?

— Il paraît que non.

— Comment a-t-il expliqué son geste ?

— Etat second. D’après lui, cela venait de la Lune, car il est cancer. D’ailleurs, toujours selon ses dires, ce double meurtre figurait dans son thème astral.

— Vous croyez vous-même à l’astrologie, monsieur Maeleström ?

— Grand Dieu non !

Un instant, j’ai cru que là se trouvait le lien occulte (c’eût été le cas d’y dire) l’unissant au fugitif. Mais sa riposte spontanée m’en dissuade.

— Donc, on pourrait conclure de ses déclarations qu’il ne tournait pas très rond, n’est-ce pas ? Et cependant, le fait qu’il ait su déjouer les recherches de la police pendant des années indiquerait qu’il s’agit d’un garçon habile et rusé…

Le Gros qui a terminé ses toasts revient picorer sournoisement dans l’assiette de notre hôte.

— Au fait, il s’est fait la paire comment t’est-ce que ? questionne-t-il, la bouche pleine.

Je traduis à Maeleström qui, s’il parle couramment le français, ignore tout du bérurien moderne.

— Au cours du procès, explique-t-il, il y a eu une interruption d’audience pour permettre à la cour de se restaurer. Ses gardes l’ont conduit dans le local réservé aux accusés. Borg Borïgm a brusquement sorti un pistolet de sa poche. L’on a toujours ignoré la manière dont il se l’était procuré. Il a désarmé ses gardiens et il a quitté le palais de justice par une porte dérobée. A compter de cet instant, on perd sa trace.

— Sûr qu’un gus l’attendait avec une tire, assure Alexandre-Benoît.

— Il a fatalement joui de complicités extérieures, sous-titré-je.

— Naturellement, renchérit le Suédois, mais rien n’a été découvert dans ce sens. Borïgm ne fréquentait pratiquement personne.

On bavoche un peu de moment encore, sans créer de positif. Maeleström m’a dit ce qu’il savait.

Et il sait peu.

Donc, bye bye.

Ma période scatologique s’achève sur une poignée de mains.

On arrive à être de partouze à la fois, ce qui nous permet d’apprendre des petites choses intéressantes sur les mœurs suédoises

Vous parlez qu’elle est chouette, cette môme Eggkarte. Outre le fait, non dépourvu d’intérêt, que, de retour à l’hôtel, je la trouve dans mon lit avec un vibro-masseur de marque danoise et une camarade de pension, la volatile pas qui accepte après quelques espiègleries sur lesquelles je gazerai, de nous servir d’interprète ?

Etre interprété par une gonzesse pareille, croyez-moi, c’est du beurre des Charentes !

Mais que je te vous prenne par le bon bout. Ça le mérite !

Au retour de chez Maeleström, je décide de rebignouter au Vieux pour lui demander de me foutre un collaborateur qui jacte le suédich, estimant que pour enquêter il est indispensable que je puisse communiquer avec l’habitant.

Le Gravos m’annonce qu’il va m’attendre au bar.

Moi, je grimpe dans ma bed-roorn d’un pas d’autant plus léger que j’emprunte l’ascenseur.

A peine ai-je pénétré dans le salon de ma suite, que j’entends des gloussements et autres pouffements en provenance de la chambrette.

Je me précipite.

Là, sur le plumard, j’avise une jolie bête en forme de « T » à la renverse. Une vision plus appuyée des choses me permet de définir une fille à l’horizontale et une autre qui la chevauche vers le mitan de sa périféerie. La cavalière (elle ne monte pas en amazone), utilise un vibro-masseur à pile pour faire des guili-goulus à l’horizontée. Et cette chevaucheuse d’élite n’est autre qu’Eggkarte Téquïst.

— Je ne dérange personne ? m’informé-je en m’avançant.

— Au contraire, vous tombez…

— Pile ? proposé-je en désignant l’appareil qui continue de zozoter entre ses doigts.

Elle fait taire son mutin ronfleur.

— Venez que je vous présente.

— Volontiers.

Je la contourne et découvre dans son dos la seconde partie de la fille allongée, laquelle seconde partie appartient à une émouvante personne brune au regard d’aigue-marine.

— Erika Taströf, fait Eggkarte.

La présentée me tend une main cordiale entre les fesses de notre commune camarade. Je la baise, fasciné par la poitrine d’Erika. T’as jamais maté des doudounes pareilles. Moi non plus. Même la femme de trois cents kilogrammes de la Foire du Trône peut pas rivaliser. C’est époustouflant, faramineux, montagneux. Le Ballon d’Alsace vu par un ivrogne ! Vingt livres de glandes. Chacun ! Et pas en oreilles d’épagneuls, ces deux messieurs, espère ! Altiers tout plein. Orgueilleux, même. Vikings, quoi !

— On peut visiter ? je demande à la dame aux flotteurs.

— Elle ne comprend pas le français, me dit Eggkarte, mais je vais vous servir d’interprète.

Me servir d’interprète !

Pour moi c’est un trait de lumière.

Et de génie.

— Eggkarte chérie, dis-je, dès que je serai redescendu de cette royale poitrine, j’aurai besoin de vous pour autre chose.

Elle me répond que tout ce que je voudrai.

Un quartier modeste de Stockholm. Mais pas blet pour autant. En Suède, pays ultraprospère, ce qui correspond à nos bidonvilles est ici pourvu du chauffage central, d’ascenseurs, de vide-ordures. Simplement y a qu’une salle de bains par chambre et les robinets ne sont pas en platine.

L’immeuble de la personne dont on vient rendre visite est tout carrelé comme une pissotière de gare. Y a même des chouettes motifs au-dessus des portes et des fenêtres qui représentent des oiseaux de Paradis.

On appuie sur un bouton d’interphone et un organe féminin-très-grave ou masculin-pédale nous demande ce que nous voulons (du moins je le suppose à l’intonation, car ça fait, textuellement : « Vad önskar ni ? »). Eggkarte répond qu’on a quèque chose à dire à Eleska Cétesky. Alors la porte se décliquette et on entre dans un grand hall qui sent la soupe aux önomatöpés rouges (les meilleures). L’ascenseur est joli tout plein, avec des portes à petites vitres biseautées et des strapontins de velours verdâtre. Il ne roule pas vite à cause du verglas (ses poulies sont à clous et carcasses radiales pour l’hiver.)

Troisième étage.

Une belle fille rousse, d’une soixantaine damnée, nous guigne sur le pas de sa porte. Elle est dévêtue d’un peignoir ouvert et d’une culotte fermée. Ses tifs tombent comme de la filasse teintée sur ses épaules, lesquelles tombent elles-mêmes, sur ses seins qui chutent sur un ventre recouvrant le pubis dont les poils masquent les genoux aux rotules plongeantes. C’est pas une dame, c’est un saule pleureur. Y a que ses pieds qui soient à plat.