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Or, comme rien ne presse, continuait de dire Mayenne, attendons. – Moi, disait tout bas la duchesse, j'avais besoin de dix hommes répandus dans tous les quartiers de Paris pour soulever Paris après ce coup que je médite; j'ai trouvé ces dix hommes, je ne demande plus rien.

Ils en étaient là, l'un de son dialogue, l'autre de ses apartés, lorsque Mayneville entra tout à coup, annonçant que Borromée voulait parler à M. le duc.

– Borromée! fit le duc surpris, qu'est-ce que cela?

– C'est, monseigneur, répondit Mayneville, celui que vous m'envoyâtes de Nancy, quand je demandai à Votre Altesse un homme d'action et un homme d'esprit.

– Je me rappelle! je vous répondis que j'avais les deux en un seul, et je vous envoyai le capitaine Borroville. A-t-il changé de nom, et s'appelle-t-il Borromée?

– Oui, monseigneur, de nom et d'uniforme; il s'appelle Borromée, et est jacobin.

– Borroville, jacobin!

– Oui, monseigneur.

– Et pourquoi donc est-il jacobin? Le diable doit bien rire, s'il l'a reconnu sous le froc.

– Pourquoi il est jacobin? La duchesse fit un signe à Mayneville. Vous le saurez plus tard, continua celui-ci, c'est notre secret, monseigneur; et, en attendant, écoutons le capitaine Borroville, ou le frère Borromée, comme il vous plaira.

– Oui, d'autant plus que sa visite m'inquiète, dit madame de Montpensier.

– Et moi aussi, je l'avoue, dit Mayneville.

– Alors introduisez-le sans perdre un instant, dit la duchesse.

Quant au duc, il flottait entre le désir d'entendre le messager et la crainte de manquer au rendez-vous de sa maîtresse.

Il regardait à la porte et à l'horloge. La porte s'ouvrit, et l'horloge sonna onze heures.

– Eh! Borroville, dit le duc, ne pouvant s'empêcher de rire, malgré un peu de mauvaise humeur, comme vous voilà déguisé, mon ami! – Monseigneur, dit le capitaine, je suis en effet bien mal à mon aise sous cette diable de robe; mais enfin, il faut ce qu'il faut, comme disait M. de Guise le père.

– Ce n'est pas moi, toujours, qui vous ai fourré dans cette robe-là, Borroville, dit le duc; ne m'en gardez donc point rancune, je vous prie. – Non, monseigneur, c'est madame la duchesse; mais je ne lui en veux pas, puisque j'y suis pour son service. – Bien, merci, capitaine; et maintenant, voyons, qu'avez-vous à nous dire si tard?

– Ce que malheureusement je n'ai pu vous dire plus tôt, monseigneur, car j'avais tout le prieuré sur les bras.

– Eh bien! maintenant parlez.

– Monsieur le duc, dit Borroville, le roi envoie ses secours à M. le duc d'Anjou.

– Bah! dit Mayenne, nous connaissons cette chanson-là; voilà trois ans qu'on nous la chante.

– Oh! oui, mais cette fois, monseigneur, je vous donne la nouvelle comme sûre. – Hum! dit Mayenne, avec un mouvement de tête pareil à celui d'un cheval qui se cabre, comme sûre? – Aujourd'hui même, c'est-à-dire la nuit dernière, à deux heures du matin, M. de Joyeuse est parti pour Rouen. Il prend la mer à Dieppe et porte à Anvers trois mille hommes. – Oh! oh! fit le duc; et qui vous a dit cela, Borroville?

– Un homme qui lui-même part pour la Navarre, monseigneur.

– Pour la Navarre! chez Henri?

– Oui, monseigneur.

– Et de la part de qui va-t-il chez Henri?

– De la part du roi; oui, monseigneur, de la part du roi, et avec une lettre du roi.

– Quel est cet homme?

– Il s'appelle Robert Briquet.

– Après?

– C'est un grand ami de dom Gorenflot.

– Un grand ami de dom Gorenflot?

– Ils se tutoient. – Ambassadeur du roi?

– Ceci, j'en suis assuré; il a du prieuré envoyé chercher au Louvre une lettre de créance, et c'est un de nos moines qui a fait la commission.

– Et ce moine?

– C'est notre petit guerrier, Jacques Clément, celui-là même que vous avez remarqué, madame la duchesse.

– Et il ne vous a pas communiqué cette lettre? dit Mayenne; le maladroit! – Monseigneur, le roi ne la lui a point remise; il l'a fait porter au messager par des gens à lui.

– Il faut avoir cette lettre, morbleu!

– Certainement qu'il faut l'avoir, dit la duchesse.

– Comment n'avez-vous point songé à cela? dit Mayneville.

– J'y avais si bien pensé que j'avais voulu adjoindre au messager un de mes hommes, un Hercule; mais Robert Briquet s'en est défié et l'a renvoyé.

– Il fallait y aller vous-même.

– Impossible.

– Pourquoi cela?

– Il me connaît.

– Pour moine, mais pas pour capitaine, j'espère?

– Ma foi, je n'en sais rien: ce Robert Briquet a l'œil fort embarrassant.

– Quel homme est-ce donc? demanda Mayenne.

– Un grand sec, tout nerfs, tout muscles et tout os, adroit, railleur et taciturne.

– Ah! ah! et maniant l'épée?

– Comme celui qui l'a inventée, monseigneur.

– Figure longue?

– Monseigneur, il a toutes les figures.

– Ami du prieur?

– Du temps qu'il était simple moine.

– Oh! j'ai un soupçon, fit Mayenne en fronçant le sourcil, et je m'éclaircirai.

– Faites vite, monseigneur, car, fendu comme il est, ce gaillard-là doit marcher rondement.

– Borroville, dit Mayenne, vous allez partir pour Soissons, où est mon frère.

– Mais le prieuré, monseigneur?

– Êtes-vous donc si embarrassé, dit Mayneville, de faire une histoire à dom Modeste, et ne croit-il point tout ce que vous voulez lui faire croire?

– Vous direz à M. de Guise, continua Mayenne, tout ce que vous savez de la mission de M. de Joyeuse.

– Oui, monseigneur.

– Et la Navarre, que vous oubliez, Mayenne? dit la duchesse.

– Je l'oublie si peu que je m'en charge, répondit Mayenne. Qu'on me selle un cheval frais, Mayneville.

Puis il ajouta tout bas:

– Vivrait-il encore? Oh! oui, il doit vivre!

XXXIV Chicot latiniste