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Bien sûr, ce sera bientôt le secret de Polichinelle et peut-être se fût-on contenté d’en sourire si la reine des Belges n’était morte, en septembre 1902, à Spa, dans la solitude qu’elle s’était choisie depuis de longs mois… Le Roi qui se trouve alors à Luchon avec Blanche, est accouru en toute hâte en faisant montre d’un chagrin peut-être sincère, mais une première vague d’indignation secoue le peuple belge quand il refuse à sa fille Stéphanie d’assister aux funérailles de sa mère. Cette indignation va croître avec le temps car la mort de la Reine inaugura le règne absolu de la favorite promue baronne de Vaughan. Cette folle passion qui le lie à la jeune femme, Léopold va la payer de sa popularité, de sa gloire et faire oublier sa réelle grandeur. Le souverain qui a donné à son pays une indéniable prospérité ne sera bientôt plus pour lui que l’amant trop âgé donc un peu ridicule d’une gourgandine…

Celle-ci cependant, indifférente aux flèches dont la crible la presse belge, vit sereinement un rêve fabuleux. Couverte d’or et de joyaux, installée dans une somptueuse demeure, la villa Van der Borght qu’un pont relie au parc de Laeken, elle reçoit tout et plus encore que ce dont elle rêvait : elle possède le château de Balincourt et on lui construit, sur la Côte d’Azur, la villa Léopolda, à Beaulieu-sur-Mer. Elle a des équipages, un parc automobile, des dizaines de domestiques, les plus beaux bijoux et les plus belles fourrures cependant qu’à Paris la princesse Louise, échappée à son asile de fous mène une vie si précaire qu’il lui faut vendre jusqu’à ses vêtements car ni ses créanciers ni la haine de son époux ne désarment. Pas plus que celle de son père : il paiera ses dettes si Louise renonce à son amour pour le comte Mattachich.

Généreux par nature, le peuple belge ne comprend pas cette attitude alors que la Vaughan étale un luxe insolent. Car Blanche est plus que reine et l’amour du vieux roi tourne au délire quand, le 9 février 1906, l’enfant qu’elle met au monde dans le Midi reçoit le titre de duc de Tervueren qui n’est d’ailleurs pas un titre belge car aucun ministre n’eût accepté d’en signer le décret fût-ce au prix de la disgrâce. Tous les espoirs des Belges sont désormais incarnés dans l’héritier du trône qui est le neveu de Léopold, le jeune prince Albert qui a épousé la princesse Élisabeth de Bavière et forme avec elle un couple exemplaire tissé d’amour, de simplicité et d’une dignité qui forcera un jour l’admiration du monde entier. Auprès de leur simple noblesse, le train tapageur de Mme de Vaughan paraît vulgaire et choquant. D’autant que le roi a cessé à présent toutes relations avec sa dernière fille.

Clémentine, en effet, a osé faire des remontrances à son père. En réponse, elle a reçu l’ordre d’assister au théâtre du Parc à une représentation donnée par la Comédie-Française où elle s’est trouvée la voisine de loge de la baronne. Bien plus, à la sortie, la princesse a dû attendre que l’équipage de la favorite soit avancé. Le lendemain, elle quittait le Palais-Royal pour n’y plus revenir et se réfugiait en France. Mais qu’importait à Léopold ? Le 16 novembre 1907, la chère baronne lui donnait un second fils et le Roi songeait à abdiquer pour vivre en paix auprès de sa « famille ».

L’Église alors s’en mêle et met le Roi en demeure de renvoyer la belle Blanche. Hélas, c’est mal connaître son obstination. Il y a un moyen de tout arranger c’est d’épouser morganatiquement sa bien-aimée. Celle-ci a un éblouissement : même dans ses rêves les plus fous, elle n’a jamais rien imaginé de tel et se range bien vite à cette solution. D’autant que la santé du Roi n’est pas des meilleures : il se rend fréquemment en France pour y soigner sa goutte et c’est au cours d’un de ces voyages qu’il est victime d’un malaise grave. Il est atteint de paralysie intestinale et se sait perdu bien que les médecins s’efforcent de croire à la réussite d’une opération chirurgicale. Il déclare que « les médecins tuent toujours un homme en vie lorsqu’il est vraiment malade »…

Le 14 décembre, dans la demeure bruxelloise de Blanche, il épouse sa maîtresse en présence du baron Snoy et du baron Goffinet. Le chanoine Coorsman officie. Après quoi le Roi met ordre à ses affaires. À sa chère Blanche, il lègue sa collection de tableaux et confie à un valet de confiance, pour les lui remettre après sa mort, six malles contenant la fortune qu’il lui destine. Après quoi il se remet aux chirurgiens.

Tout se passe au mieux encore que les praticiens demandent trois jours pour répondre de la vie du malade. Blanche ne quitte pas son chevet. D’ailleurs, à l’exception d’un court instant accordé à la princesse Clémentine et d’une entrevue avec celui qui va être le roi Albert Ier, il refuse farouchement de voir ses autres filles.

Au soir du second jour, il est pris d’éternuements violents. La fin vient très vite et il ne reste plus à la « veuve » qu’à se retirer. Mais elle va connaître des jours difficiles : des scellés sont mis sur ses biens et il faudra l’amitié d’un directeur de banque pour qu’elle récupère les fameuses malles. Elle réussira à les faire passer en France en déclarant qu’elles contiennent des partitions musicales.

Installée à Paris, elle y retrouve… Emmanuel Durieux dont on peut penser qu’il n’a jamais vraiment disparu de son horizon. Elle l’épousera même, en août 1910, ce qui donnera un état civil convenable à ses fils que Durieux adopte. Mais le ménage ne marchera guère car Emmanuel, toujours aussi prodigue, commence à faire fondre la fortune de sa femme qui s’en épouvante. Elle divorcera en 1913.

Durieux disparaît alors de sa vie. Il sera tué en 1917 mais, dès 1914, une cruelle épreuve attendait Mme de Vaughan : son fils Philippe mourait à l’âge de sept ans.

Dès lors, elle disparaît du monde, se retire au pays Basque à Cambo avec Lucien, son fils aîné. Il y a acheté une maison, le chalet Saint-Jean et n’en bougera plus. C’est là qu’elle meurt, le 12 février 1948, sans plus jamais attirer l’attention de ses contemporains.

Elle était

LA GOULUE…

Un p’tit artilleur

Blanchisseuse de son état, la mère Weber avait des principes. Entre autres celui-ci : une gamine de quatorze ans ne doit pas traîner, le soir, dans les bals de quartier ! Mais, principes ou pas, c’est exactement ce que fait sa fille Louise, soir après soir et sans que rien, prières ou menaces, parvienne à lui faire entendre raison, même les portes et les fenêtres closes. Et ce soir de juin 1878, dans sa boutique fermée car il se fait tard, la mère Weber fait les cent pas, chauffant sa colère à d’amères réflexions et ne cessant de répéter que « tout ça finira mal ». Elle se tue au travail dans cette blanchisserie où Louise met rarement les pieds préférant courir danser avec tous les voyous de Clichy. Quand il lui arrive d’y venir, c’est uniquement pour y essayer le beau linge des clientes riches et caresser jupons et chemises brodés, foisonnants de ces dentelles fines qui semblent l’hypnotiser.

Ce ne serait rien, mais le grand désespoir de la mère c’est cette maudite danse pour laquelle sa fille montre un penchant qui frise la passion. Qu’un joueur d’orgue de Barbarie passe dans la rue et voilà la gamine qui commence à se trémousser… En vérité ce n’est pas une vie et l’avenir paraît bien sombre à la pauvre femme.