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— Je ne le crois pas.

— Alors dites-moi quel est votre mobile. Hein ? Quel mobile ? Dites-le moi !

— Pas si vite, Baley. Ce n’est pas facile à expliquer… Pourriez-vous venir dehors avec moi ?

Baley se tourna vivement vers la fenêtre. A l’Extérieur ?

Le soleil avait baissé et la salle n’en était que plus ensoleillée. Il hésita puis il répondit, un peu plus fort qu’il n’était nécessaire :

— Oui, certainement !

— Parfait, dit Fastolfe. (Il ajouta, plus aimablement encore :) Mais peut-être voudriez-vous d’abord passer à la Personnelle ?

Baley réfléchit. Il n’éprouvait aucun besoin particulièrement pressant mais il ne savait pas ce qui l’attendait à l’Extérieur, combien de temps il y resterait, de quelles commodités il disposerait. Surtout, il ne connaissait pas les coutumes auroraines à cet égard et ne se souvenait de rien, dans les livres-films qu’il avait vus à bord, qui puisse l’éclairer. Peut-être était-il plus sûr d’acquiescer à ce que suggérait son hôte.

— Merci, dit-il, volontiers.

Fastolfe fit un signe de tête.

— Daneel, accompagne M. Baley à la Personnelle des visiteurs.

— Camarade Elijah, voulez-vous me suivre ? dit Daneel.

Comme ils passaient tous deux dans la pièce voisine, Baley dit :

— Je suis navré, Daneel, que tu n’aies pas participé à cette conversation entre le Dr Fastolfe et moi.

— Cela aurait été malséant, camarade Elijah. Quand vous m’avez posé une question directe j’ai répondu, mais je n’ai pas été invité à y participer totalement.

— Je t’y aurais invité, Daneel, si je n’avais pas été retenu par le fait que je suis un invité. J’ai pensé que j’aurais probablement tort de prendre l’initiative à ce sujet.

— Je comprends… Voici la Personnelle des visiteurs, camarade Elijah. La porte s’ouvrira au contact de votre main en n’importe quel endroit, si la pièce est inoccupée.

Baley n’entra pas. Il resta un instant songeur, puis il dit :

— Si tu avais été invité à parler, Daneel, y a-t-il quelque chose que tu aurais dit ? Aurais-tu fait un commentaire ? J’aimerais beaucoup avoir ton opinion, mon ami.

Daneel répondit avec sa gravité habituelle :

— La seule réflexion que je ferai, c’est que la déclaration du docteur Fastolfe, selon laquelle il avait un excellent mobile pour faire cesser le fonctionnement de Jander, était inattendue pour moi. Je ne sais pas quel peut être ce mobile. Mais quel que soit celui qu’il vous donnera, vous devrez vous demander pourquoi il n’a pas le même mobile pour me mettre en état de gel mental. Si l’on peut croire qu’il a eu un mobile pour détruire Jander, pourquoi ce même mobile ne s’appliquerait-il pas à moi ? Je serais curieux de le savoir.

Baley regarda vivement Daneel, cherchant machinalement sur une figure qui ne pouvait en avoir une expression spontanée.

— Tu ne te sens pas en sécurité, Daneel ? Tu penses que le Dr Fastolfe est un danger pour toi ?

— Par la Troisième Loi, je dois protéger ma propre existence, mais je ne résisterais ni au Dr Fastolfe ni à aucun être humain s’ils jugeaient nécessaire de mettre fin à mon existence. C’est la Deuxième Loi. Cependant, je sais que j’ai une grande valeur, autant par l’investissement de matière, de travail et de temps que par mon importance scientifique. Il serait donc indispensable de m’expliquer calmement et avec précision les raisons nécessitant la fin de mon existence. Le Dr Fastolfe ne m’a jamais rien dit – jamais, camarade Elijah – qui puisse laisser supposer qu’il avait pareille idée en tête. Je ne crois pas qu’il ait envisagé un seul instant de mettre fin à mon existence pas plus que je ne crois qu’il a envisagé de mettre fin à celle de Jander. C’est le hasard d’un court-circuit positronique qui a mis fin à Jander et qui pourrait, un jour, causer ma propre fin. Il y a toujours un élément de hasard dans l’Univers.

— Tu le dis. Fastolfe le dit. Je le crois, aussi. Mais la difficulté, c’est de persuader le public en général d’accepter ce point de vue.

Baley se tourna d’un air maussade vers la porte de la Personnelle et demanda :

— Tu entres avec moi, Daneel ?

L’expression de Daneel parvint à sembler amusée.

— C’est flatteur, camarade Elijah, d’être pris à ce point pour un être humain. Je n’en ai nul besoin, naturellement.

— Naturellement. Mais tu peux entrer quand même.

— Ce ne serait pas approprié que j’entre. Il n’est pas d’usage que les robots entrent dans les Personnelles. L’intérieur de ce genre de pièce est purement humain… D’ailleurs, c’est une Personnelle à une personne.

— Une personne !

Baley fut tout d’abord choqué mais il se ressaisit, en se disant que d’autres mondes avaient d’autres mœurs. Cependant, il ne se souvenait pas que cette coutume était décrite dans les livres-films. Il demanda :

— C’est donc ce que tu voulais dire, en m’expliquant que la porte ne s’ouvrirait que si la pièce était inoccupée ? Et si elle est occupée, comme elle va l’être dans un instant ?

— Alors la porte ne s’ouvrira pas à un contact de l’extérieur, bien entendu, et votre intimité sera donc préservée. Naturellement, elle s’ouvrira à un léger contact de l’intérieur.

— Et si un visiteur s’évanouit, a une attaque ou une crise cardiaque alors qu’il est enfermé et ne peut toucher la porte à l’intérieur ? Que se passe-t-il ? Personne ne peut entrer pour lui porter secours ?

— Il y a des moyens d’ouvrir la porte en cas d’urgence, camarade Elijah, si cela paraît souhaitable, dit Daneel. (Il ajouta, visiblement troublé :) Pensez-vous qu’il peut vous arriver un tel accident fâcheux ?

— Non, bien sûr que non. Simple curiosité.

— Je serai juste derrière la porte, dit Daneel avec une inquiétude visible. Si j’entends un cri, une chute, camarade Elijah, je prendrai immédiatement des mesures.

— Je doute que ce soit nécessaire.

Baley effleura la porte, légèrement, d’un revers de main, et elle s’ouvrit aussitôt. Il attendit un moment, pour voir si elle se refermerait. Elle resta ouverte. Il entra alors et la porte se referma immédiatement.

Pendant qu’elle était ouverte, la Personnelle lui avait donné l’impression d’être une pièce simple et fonctionnelle, servant carrément aux besoins intimes. Un lavabo, une cabine (renfermant probablement une douche), une baignoire, une demi-cloison translucide dissimulant certainement le lieu d’aisances. Il y avait divers appareils qu’il ne reconnaissait pas très bien et dont l’usage lui échappait. Il supposa qu’ils étaient destinés à des services personnels d’une espèce ou d’une autre.

Baley eut peu de temps pour les examiner car en un clin d’œil tout disparut et il se demanda si ce qu’il avait vu était réellement là ou si les appareils semblaient exister parce qu’il s’était attendu à les voir.

Lorsque la porte se ferma, la pièce s’assombrit car il n’y avait pas de fenêtre. Lorsqu’elle fut complètement fermée, la pièce se ralluma mais rien de ce qu’il venait de voir ne revint. Il faisait grand jour, et il était à l’Extérieur, ou du moins il en avait l’impression.

Il y avait le ciel au-dessus de sa tête, où passaient de légers nuages, d’une façon assez régulière pour qu’ils paraissent nettement artificiels. De tous côtés, un paysage verdoyant s’étendait, où les arbres bougeaient aussi de la même manière répétitive.

Baley sentit la crispation familière de son estomac, qui se produisait chaque fois qu’il était à l’Extérieur… mais il n’était pas dehors ! Il était entré dans une pièce sans fenêtre. Ce devait être un truc, une illusion d’optique.