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— Je vais faire de mon mieux pour résoudre, mon problème, Gladïa, et je ne veux pas que vous éprouviez dans cette affaire un sentiment de culpabilité. Mr Baley va peut-être pouvoir nous aider tous les deux.

A ces mots, Baley bougonna :

— Je ne me rendais pas compte, Gladïa, que vous étiez en quelque sorte impliquée dans cette affaire.

— Qui d’autre le serait ? répliqua-t-elle en soupirant.

— Vous êtes… Vous étiez, plutôt, en possession de Jander Panell ?

— Pas réellement en possession. Il m’avait été prêté par le Dr Fastolfe.

— Etiez-vous avec lui quand… quand il…

Baley hésita, ne sachant trop comment dire.

— Quand il est mort ? Pouvons-nous dire qu’il est mort ? Non, je n’étais pas là. Et, avant que vous posiez la question, il n’y avait personne d’autre dans la maison à ce moment. J’étais seule. Je le suis généralement. Presque toujours. C’est à cause de mon éducation solarienne, rappelez-vous. Naturellement, cette solitude n’est pas obligatoire. Vous êtes ici tous les deux et cela ne me gêne pas… Enfin, pas beaucoup.

— Et vous étiez toute seule au moment où Jander est mort ? C’est bien ça ?

— Je viens de le dire ! s’exclama Gladïa avec une Certaine irritation. Ah, ne faites pas attention, Elijah. Je sais que vous devez vous faire répéter et répéter les choses. Oui, j’étais bien seule. Franchement.

— Mais il y avait des robots avec vous, sans doute ?

— Oui, bien sûr. Quand je dis « seule », je veux dire qu’il n’y avait pas d’autres êtres humains avec moi.

— Combien de robots possédez-vous, Gladïa ? Sans compter Jander.

Elle hésita, comme si elle comptait mentalement, puis elle répondit :

— Vingt. Cinq dans la maison et quinze sur les terres. Je dois dire aussi que les robots vont et viennent librement, entre ma maison et celle du Dr Fastolfe, ce qui fait qu’il n’est pas toujours facile de juger, quand on aperçoit un robot un instant dans l’un ou l’autre établissement, s’il est à moi ou à lui.

— Ah ! dit Baley. Et comme le Dr Fastolfe a cinquante-sept robots dans son établissement cela signifie, si nous faisons l’addition, que dans l’ensemble il y en a soixante-dix-sept. Y a-t-il d’autres établissements voisins dont les robots pourraient se mêler aux vôtres sans qu’il soit possible de les distinguer ?

Fastolfe intervint :

— Il n’y en a aucun qui soit assez près pour cela. Et il n’est pas d’usage d’autoriser ce genre de relations. Gladïa et moi, nous sommes un cas d’espèce, parce qu’elle n’est pas auroraine et parce que je me sens en quelque sorte responsable d’elle.

— Tout de même… Soixante-dix-sept robots, marmonna Baley.

— Oui, dit Fastolfe, mais pourquoi insistez-vous sur ce point ?

— Parce que cela signifie que vous avez l’habitude de voir du coin de l’œil sans y faire particulièrement attention, soixante-dix-sept objets qui se déplacent, chacun ayant une forme vaguement humaine. N’est-il pas possible, Gladïa, que si un véritable être humain pénétrait dans la maison, dans quelque intention que ce soir, vous n’y feriez pas attention ? Ce ne serait qu’un objet ambulant de plus, de forme vaguement humaine, qui ne vous surprendrait pas.

Fastolfe rit tout bas et Gladïa secoua la tête, sans sourire.

— On voit bien que vous êtes un Terrien, Elijah. Comment pouvez-vous imaginer qu’un être humain, même le Dr Fastolfe, pourrait s’approcher de ma maison sans que je sois avertie par un de mes robots ? Je pourrais ne pas faire attention à une forme mouvante, supposer que c’est un des robots, mais jamais aucun robot ne s’y tromperait. Je vous attendais sur le seuil, quand vous êtes arrivé, mais uniquement parce que mes robots m’avaient prévenue. Non, non, quand Jander est mort, il n’y avait aucun autre être humain dans la maison.

— A part vous.

— A part moi. Tout comme il n’y avait personne à part moi dans la maison quand mon mari a été tué. De nouveau, Fastolfe intervint avec délicatesse.

— Il y a une différence, Gladïa. Votre mari a été tué avec un instrument contondant. La présence physique d’un assassin était nécessaire et si vous étiez l’unique personne présente, c’était très grave. Dans le cas présent, Jander a été mis hors de fonctionnement par un subtil programme verbal. La présence physique n’était pas indispensable. Le fait que vous étiez seule sur les lieux ne signifie rien, surtout si vous ne savez pas comment bloquer le cerveau d’un robot humaniforme.

Tous deux se tournèrent vers Baley, Fastolfe d’un air interrogateur, Gladïa tristement. (Il était plutôt irrité de voir que Fastolfe, dont l’avenir était aussi sombre que le sien, avait l’air de prendre les choses avec humour. Il n’y avait vraiment pas de quoi rire, pensa Baley avec morosité.)

— L’ignorance, dit-il lentement, peut n’avoir aucune importance. Il arrive qu’une personne ne sache pas comment se rendre à tel ou tel endroit et l’atteigne cependant en marchant au hasard. Il est possible que l’on ait parlé à Jander et, sans en avoir la moindre conscience, appuyé sur le bouton du gel mental.

— Et quelles seraient les chances de ce hasard-là ? demanda Fastolfe.

— C’est vous l’expert, docteur, et je suppose que vous allez me dire qu’elles sont pratiquement inexistantes ?

— Incroyablement réduites. Il se peut qu’une personne ne sache pas se rendre à tel ou tel endroit, mais si le seul chemin est une suite de cordes raides tendues dans une multitude de directions, quelles sont les chances d’atteindre ce lieu par hasard en marchant les yeux bandés ?

Gladïa s’agita fébrilement. Elle crispa les poings, comme pour empêcher ses mains de trembler, et les abattit sur ses genoux.

— Accident ou non, je ne suis pas responsable ! s’écria-t-elle. Je n’étais pas avec lui quand c’est arrivé. Je n’y étais pas ! Je lui ai parlé dans la matinée, il allait bien, il était parfaitement normal. Quelques heures plus tard, quand je l’ai appelé, il n’est pas venu. Je l’ai cherché et je l’ai trouvé debout dans sa niche habituelle, l’air tout à fait normal. Seulement il ne m’a pas répondu, il n’y a eu aucune réaction. Et il n’a eu aucune réaction depuis.

— Avez-vous pu lui dire quelque chose, tout à fait en passant, qui aurait provoqué le gel mental après que vous l’avez quitté ? Disons une heure plus tard, par exemple ?

Fastolfe s’interposa vivement.

— C’est tout à fait impossible, Baley ! Si un gel mental se produit, il se produit instantanément. Je vous prie de ne pas harceler Gladïa de cette façon. Elle est incapable de provoquer délibérément un gel mental et il est inconcevable qu’elle en ait provoqué un accidentellement.

— N’est-il pas tout aussi inconcevable qu’il ait été produit par le hasard d’un court-circuit positronique, comme vous dites que ce pourrait être le cas ?

— Pas tout à fait.

— Les deux incidents sont extrêmement improbables. Quelle est la différence, dans l’inconcevable des deux cas ?

— Elle est très importante. Je suppose qu’un gel mental par court-circuit positronique aurait une probabilité de 1 sur 1012 alors que celle d’un ordre accidentel serait de 1 sur 10m. Ce n’est qu’une estimation, mais une évaluation assez raisonnable des improbabilités comparées. La différence est encore plus grande qu’entre un seul électron et l’Univers tout entier, et elle est en faveur du court-circuit accidentel.

Un silence tomba. Au bout d’un moment, Baley le rompit.

— Docteur Fastolfe, vous disiez que vous ne pouviez pas vous attarder.

— Je suis déjà resté trop longtemps.