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— Je n’en doute pas, docteur, mais Gladïa est solarienne et les entrevues télévisées lui rappellent des souvenirs déplaisants. Et, pour ma part, j’estime qu’un face à face réel a une plus grande efficacité. La situation actuelle est trop délicate et les difficultés trop grandes pour que j’accepte de renoncer à cette efficacité supplémentaire.

— Eh bien, je vais avertir Gladïa…

Fastolfe se leva, fit quelques pas, hésita et revint.

— Mais, Baley…

— Qu’y a-t-il ?

— Hier soir, vous m’avez dit que la situation était assez grave pour que vous passiez outre à tout désagrément que l’on pourrait causer à Gladïa. Il y avait, disiez-vous, des choses beaucoup plus importantes en jeu.

— C’est exact, mais vous pouvez compter sur moi pour ne pas la bouleverser si je peux l’éviter.

— Je ne vous parle pas de Gladïa, en ce moment. Je vous avertis simplement que votre point de vue, essentiellement raisonnable, doit aussi s’étendre à moi-même. Je ne vous demande pas de vous inquiéter de mes problèmes ou de ma fierté, si vous avez l’occasion de parler à Vasilia. Je n’attends pas grand-chose de bon des résultats, mais si vous arrivez à la rencontrer, je devrai supporter tout ennui qui en résulterait, et vous ne devez pas chercher à m’épargner. Vous comprenez ?

— Pour parler très franchement, docteur Fastolfe, je n’ai jamais eu l’intention de vous épargner. Si je devais peser d’un côté votre embarras ou votre honte et de l’autre la poursuite de votre politique et le bien de la Terre, je n’hésiterais pas un seul instant à vous humilier.

— Parfait !… Baley, cette attitude doit également s’étendre à vous-même. Vous ne devez pas laisser votre propre intérêt, votre amour-propre ou votre bien-être vous entraver.

— On ne m’a pas permis de les prendre en considération quand vous avez décidé de me faire venir ici sans me consulter.

— Je faisais allusion à autre chose. Si, après un temps raisonnable – pas très long, mais raisonnable – vous ne progressez pas vers une solution, alors nous devrons envisager les possibilités d’un sondage psychique, après tout. Notre dernière chance serait peut-être de découvrir ce que votre esprit sait que vous ignorez.

— Il se peut qu’il ne sache rien, docteur.

Fastolfe regarda tristement Baley.

— D’accord. Mais comme vous l’avez dit à propos de la possibilité que Vasilia témoigne contre moi, nous affronterons cela le moment venu.

Il se retourna de nouveau et, cette fois, il sortit de la pièce.

Baley le suivit des yeux d’un air songeur. Il lui semblait maintenant que s’il progressait, il affronterait des représailles physiques d’une nature inconnue mais vraisemblablement dangereuse ; et s’il ne progressait pas, alors il serait soumis au sondage psychique, ce qui ne valait guère mieux.

— Nom de Jehosaphat ! marmonna-t-il.

32

Le trajet à pied jusque chez Gladïa parut plus court que la première fois. La journée était de nouveau agréable et ensoleillée mais le paysage paraissait tout à fait changé. Le soleil brillait de la direction opposée, naturellement, et cela modifiait un peu les couleurs.

Baley se dit que peut-être la flore avait un aspect différent, le matin et le soir, ou d’autres odeurs. Il se souvenait qu’il avait pensé la même chose des plantes de la Terre.

Daneel et Giskard l’accompagnaient comme auparavant mais se tenaient plus près de lui et semblaient être moins sur le qui-vive.

— Est-ce qu’ici le soleil brille tout le temps ? demanda distraitement Baley.

— Non, camarade Elijah, répondit Daneel. S’il brillait continuellement, ce serait désastreux pour le monde des plantes et, par conséquent, pour l’humanité. D’après les prévisions, justement, le ciel devrait se couvrir au cours de la journée.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? s’écria soudain Baley en sursautant.

Un petit animal gris-brun était tapi dans l’herbe. En les voyant, il s’enfuit en sautant, sans se presser.

— Un lapin, monsieur, répondit Giskard.

Baley se détendit. Il en avait vu aussi dans les champs, sur la Terre.

Cette fois, Gladïa ne les attendait pas à sa porte mais elle avait été avertie de leur venue. Quand un robot les fit entrer, elle ne se leva pas mais dit, d’une voix à la fois lasse et irritée :

— Le Dr Fastolfe m’a appris que vous vouliez me revoir. Qu’est-ce qu’il y a encore ?

Elle portait une longue robe qui la moulait et n’avait manifestement rien dessous. Ses cheveux étaient tirés en arrière, sans forme ni grâce, et elle était très pâle. Elle avait les traits plus marqués que la veille et il était visible qu’elle avait très peu dormi.

Daneel, se rappelant l’incident, n’entra pas dans la pièce. Giskard, lui, y pénétra, regarda avec attention de tous côtés puis se retira dans une niche. Un des robots de Gladïa se tenait dans une autre.

— Je suis profondément navré, Gladïa, de venir encore vous ennuyer, dit Baley.

— J’ai oublié de vous dire hier soir qu’une fois qu’il aura été passé à la torche, Jander sera recyclé, naturellement, pour être de nouveau utilisé dans les usines de robotique. Ce sera amusant, je suppose, de me dire chaque fois que je verrai un robot neuf, que de nombreux atomes de Jander font partie de lui.

— Nous-mêmes, quand nous mourons, sommes recyclés et qui sait quels sont les atomes que nous avons en nous en ce moment, vous et moi, ou lesquels des nôtres seront dans d’autres personnes ?

— Vous avez raison, Elijah. Et vous me rappelez combien il est facile de philosopher sur les chagrins des autres.

— C’est vrai aussi, Gladïa, mais je ne suis pas venu pour philosopher.

— Faites ce que vous êtes venu faire, alors.

— Je dois vous poser des questions.

— Celles d’hier ne vous ont pas suffi ? Avez-vous passé le temps, depuis, à en inventer de nouvelles ?

— En partie, oui, Gladïa… Hier, vous m’avez dit que même lorsque vous étiez avec Jander, vivant comme mari et femme, d’autres hommes se sont offerts à vous et que vous avez refusé. C’est à ce propos que je dois vous interroger.

— Pourquoi ?

Baley laissa cette question de côté.

— Dites-moi combien d’hommes se sont offerts à vous, pendant que vous étiez mariée avec Jander ?

— Je ne tiens pas de livres de comptes, Elijah. Trois ou quatre.

— L’un d’eux a-t-il insisté ? Y en a-t-il qui sont revenus à la charge, qui se sont offerts plus d’une fois ?

Gladïa, qui avait évité jusque-là le regard de Baley, le regarda en face et demanda :

— Avez-vous parlé de cela à d’autres personnes ?

— Non. Je n’ai abordé ce sujet avec personne d’autre que vous. Mais votre question, cependant, me donne à penser qu’il y en a eu au moins un qui a été insistant.

— Oui. Santirix Gremionis, dit-elle en soupirant. Les Aurorains ont des noms si bizarres… et il était bizarre, lui, pour un Aurorain. Je n’en ai connu aucun qui soit aussi persévérant que lui à ce sujet. Il était toujours poli, il acceptait toujours mon refus avec un petit sourire et une inclinaison du buste mais, le plus souvent, il tentait encore sa chance le lendemain, et même le surlendemain. La simple répétition était un peu discourtoise. Un Aurorain correct accepte un refus définitivement, à moins que la partenaire convoitée laisse clairement voir qu’elle a changé d’idée.

— Dites-moi aussi… Est-ce que ceux qui se sont offerts étaient au courant de vos rapports avec Jander ?