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— Giskard est ici, docteur Vasilia, et il aimerait vous persuader de me recevoir.

Giskard avança dans le champ visuel.

— Bonjour, Petite Miss, dit-il à voix basse.

Pendant quelques instants, Vasilia eut l’air gênée et, quand elle parla, ce fut sur un ton quelque peu radouci.

— Je suis très heureuse de te voir, Giskard, et je te recevrai quand tu voudras, mais je refuse de voir ce Terrien, même à ta prière.

— Dans ce cas, déclara Baley en jouant désespérément le tout pour le tout, je serai contraint de porter l’affaire Santirix Gremionis à la connaissance du public, sans avoir eu l’occasion de vous consulter à ce sujet.

Les yeux de Vasilia s’arrondirent et elle leva sa main de la table en serrant le poing.

— Que signifie cette histoire de Gremionis ?

— Simplement qu’il est un beau et séduisant jeune homme et qu’il vous connaît bien. Devrai-je m’occuper de cette affaire sans avoir entendu ce que vous avez à en dire ?

— Je peux vous dire tout de suite que…

— Non, interrompit Baley d’une voix forte. Vous ne me direz rien à moins que ce soit face à face, en personne.

Elle fit une grimace.

— Eh bien, je vous recevrai, mais je ne resterai pas avec vous une seconde de plus que je ne le voudrai. Et amenez Giskard.

La communication télévisée prit fin avec un déclic sec et Baley fut soudain pris de vertige alors que toute la pièce revenait à son état normal. Il chercha un siège à tâtons et s’assit.

Giskard lui avait pris légèrement le coude, pour s’assurer qu’il atteindrait le fauteuil sans encombre.

— Puis-je vous aider en quelque chose, monsieur ? demanda-t-il.

— Merci, ça va aller, murmura Baley. J’ai simplement besoin de reprendre haleine.

Le Dr Fastolfe était entré.

— Encore une fois, mes excuses pour avoir manqué à tous mes devoirs d’hôte. J’ai écouté sur un poste annexe équipé pour recevoir et non pour transmettre. Je voulais voir ma fille, même si elle ne me voyait pas.

— Je comprends, dit Baley en haletant un peu. Si la bonne éducation veut que ce que vous avez fait exige des excuses, alors je vous pardonne volontiers.

— Mais quelle est cette affaire Santirix Gremionis ? Ce nom ne me dit strictement rien.

Baley leva les yeux vers le savant.

— Docteur Fastolfe, son nom a été prononcé ce matin par Gladïa. Je sais très peu de choses sur lui mais j’ai quand même pris le risque de parler de lui à votre fille. Je n’avais aucune chance, apparemment, mais j’ai pourtant obtenu le résultat que je cherchais. Comme vous pouvez le constater, je suis capable de faire d’utiles déductions même quand j’ai très peu de renseignements, alors je vous conseille de me laisser continuer en paix. Je vous en conjure, collaborez entièrement avec moi à l’avenir et ne me parlez plus de sondage psychique.

Fastolfe ne répondit pas et Baley éprouva la sombre satisfaction d’avoir imposé sa volonté à la fille d’abord, au père ensuite.

Pendant combien de temps il pourrait continuer de le faire, il n’en savait rien.

IX. Vasilia

35

Baley s’arrêta à la portière de l’aéroglisseur et dit avec fermeté :

— Giskard, je ne veux pas que les vitres soient opacifiées. Je ne veux pas m’asseoir à l’arrière. Je veux être à l’avant et observer l’Extérieur. Comme je me trouverai entre Daneel et toi, il me semble que je serai suffisamment en sécurité, à moins que le véhicule lui-même soit détruit et, dans ce cas, nous le serons tous, que je sois à l’arrière ou à l’avant.

Giskard répondit à la force de ces instructions en se réfugiant dans un respect plus profond encore.

— Monsieur, si vous éprouviez un malaise…

— Alors tu arrêteras la voiture et je monterai à l’arrière. Tu pourras opacifier ces vitres-là. Ou tu n’auras même pas besoin de t’arrêter. Je peux très bien passer par-dessus le dossier du siège avant pendant que nous nous déplaçons. Le fait est, Giskard, qu’il est important que je me familiarise le plus possible avec Aurora et très important, aussi, que je m’habitue à l’Extérieur. Alors ce que je t’ai demandé est un ordre, Giskard.

Daneel intervint gentiment.

— La demande du camarade Elijah est tout à fait raisonnable, Ami Giskard. Il sera en sécurité entre nous.

Giskard céda, peut-être à contrecœur (Baley savait mal interpréter les expressions de sa figure pas tout à fait humaine) et prit sa place aux commandes. Baley le suivit et regarda par le pare-brise transparent avec moins d’assurance que ne laissait supposer la fermeté de ses ordres. Cependant, la présence d’un robot de chaque côté était réconfortante.

La voiture se souleva sur ses jets d’air comprimé et se balança légèrement, comme si elle cherchait son équilibre. Baley ressentit le mouvement au creux de l’estomac en s’efforçant de ne pas regretter sa petite manifestation de bravoure. Il ne servait à rien de se répéter que Daneel et Giskard ne présentaient aucun signe de frayeur. Ils étaient des robots et ne pouvaient connaître la peur.

Sur ce, la voiture avança brusquement et Baley fut rejeté avec force contre le dossier. En moins d’une minute, il filait déjà plus vite que cela ne lui était jamais arrivé sur les Voies Express de la Ville. Une large route herbue s’étirait devant eux à perte de vue.

La vitesse paraissait d’autant plus grande qu’il n’y avait pas, de chaque côté, les lumières et les structures rassurantes de la Ville mais d’assez vastes étendues de verdure et de formations irrégulières.

Baley faisait de vaillants efforts pour respirer régulièrement et pour parler aussi naturellement que possible de choses normales.

— On dirait que nous ne traversons ni cultures ni pâturages, dit-il. Toutes ces terres me paraissent incultes, Daneel.

— C’est le territoire de la Ville, camarade Elijah. Ces terres sont des parcs et des domaines appartenant à des particuliers.

La Ville ! Baley ne pouvait accepter ce mot. Il savait que c’était une Ville !

— Eos est la plus grande et la plus importante Ville d’Aurora, expliqua Daneel. La première à avoir été fondée. C’est le siège de la Législature du Monde. Le président de la Législature y a sa propriété et nous allons passer devant.

Non seulement une Ville mais la plus grande. Baley regarda à droite et à gauche.

— J’avais l’impression (lue les établissements du Dr Fastolfe et de Gladïa étaient dans la banlieue d’Eos. Il me semble que nous aurions déjà dû franchir les limites de la Ville.

— Pas du tout, camarade Elijah. Nous passons par le centre, en ce moment. Les limites sont à sept kilomètres et notre destination près de quarante kilomètres plus loin.

— Le centre de la Ville ? Je ne vois pas de bâtiments.

— Ils ne sont pas faits pour être vus de la route, mais il y en a un que vous pourrez distinguer entre les arbres. C’est l’établissement de Fuad Labord, un écrivain bien connu.

— Tu connais tous les établissements de vue ?

— Ils sont dans mes banques de mémoire, répondit solennellement Daneel.

— Il n’y a pas de circulation sur cette route. Pourquoi ?

— Les longues distances sont couvertes en véhicules atmosphériques ou en mini-voitures magnétiques. Les liaisons télévisées…

— A Solaria, on dit les visions, interrompit Baley.

— Ici aussi, plus familièrement, mais officiellement, c’est les LTV. Elles permettent une grande partie de la communication. Et puis aussi les Aurorains aiment beaucoup la marche et il n’est pas rare de faire à pied plusieurs kilomètres afin de rendre visite à des amis ou même pour aller à des réunions d’affaires si le temps n’est pas trop mesuré.