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— Et comme nous devons nous rendre à une distance trop longue pour la marche, trop proche pour les atmosphériques, et que nous ne voulons pas de télévision… nous utilisons une voiture de sol.

— Un aéroglisseur, plus exactement, camarade Elijah. Mais oui, on pourrait l’appeler une voiture de sol, je suppose.

— Combien de temps nous faudra-t-il pour arriver chez Vasilia ?

— Pas très longtemps, camarade Elijah. Elle est à l’Institut de Robotique, comme vous le savez peut-être. Un silence tomba, que Baley finit par rompre :

— On dirait que le ciel se couvre, là-bas à l’horizon.

Giskard négocia un virage à pleine vitesse et l’aéroglisseur prit une gîte de plus de trente degrés. Baley ravala un cri d’effroi et se cramponna à Daneel qui lui mit un bras autour des épaules et le maintint solidement comme dans un étau. Quand l’aéroglisseur se redressa, Baley laissa lentement échapper le souffle qu’il retenait.

— Oui, répondit Daneel, ces nuages apporteront les précipitations que j’ai prédites, dans le courant de la journée.

Baley fronça les sourcils. Il avait été surpris par la pluie une fois – rien qu’une seule fois – pendant son travail expérimental dans les champs, dans l’Extérieur de la Terre. C’était comme si on passait sous une douche froide, tout habillé. Il avait eu un instant de panique, en s’apercevant qu’il ne pouvait tendre la main vers aucune commande pour la faire cesser. L’eau allait tomber éternellement ! Et puis tout le monde s’était mis à courir et il avait couru avec les autres, vers l’abri sec et contrôlable de la Ville.

Mais ici, c’était Aurora, et il ne savait pas du tout ce que l’on faisait quand il se mettait à pleuvoir. Et il n’y avait pas de Ville où se réfugier. Courait-on vers l’établissement le plus proche ? Ceux qui se réfugiaient étaient-ils automatiquement bien accueillis ?

Un autre petit virage se présenta et Giskard annonça :

— Monsieur, nous sommes dans le parking de l’Institut de Robotique. Nous pouvons maintenant entrer et visiter l’établissement que possède le Dr Vasilia sur les terres de l’Institut.

Baley acquiesça. Le trajet avait duré entre un quart d’heure et vingt minutes (autant qu’il pouvait en juger selon le temps terrestre) et il était content qu’il soit fini. Il dit, d’une voix légèrement essoufflée :

— J’aimerais savoir diverses choses sur la fille du Dr Fastolfe, avant de la rencontrer. Tu ne la connais pas, Daneel ?

— A l’époque où mon existence a commencé, le Dr Fastolfe et sa fille étaient séparés depuis un temps considérable. Je ne l’ai jamais vue.

— Mais toi, Giskard, tu la connaissais très bien, en revanche. C’est bien cela ?

— C’est cela, monsieur, répondit imperturbablement Giskard.

— Et vous vous aimiez beaucoup, tous les deux ?

— Je crois, monsieur, que la fille du Dr Fastolfe éprouvait du plaisir à être avec moi.

— Est-ce que cela te faisait plaisir d’être avec elle ?

Giskard parut choisir ses mots.

— Cela me procure une sensation qui est je crois celle que les êtres humains appellent « plaisir » d’être avec n’importe quel être humain.

— Mais encore plus avec Vasilia, je pense. Est-ce que je me trompe ?

— Son plaisir d’être avec moi, monsieur, semblait effectivement stimuler ces potentiels positroniques qui produisent en moi des actions qui sont l’équivalent de ce que le plaisir produit chez les êtres humains. Du moins c’est ce que m’a expliqué un jour le Dr Fastolfe.

Baley demanda alors, avec brusquerie :

— Pourquoi Vasilia a-t-elle quitté son père ?

Giskard ne répondit pas.

Avec soudain l’accent péremptoire d’un Terrien s’adressant à un robot, Baley gronda :

— Je t’ai posé une question, boy !

Giskard tourna la tête et regarda Baley qui, pendant un moment, crut voir la lueur dans les yeux du robot étinceler et devenir un brasier de ressentiment contre ce terme avilissant.

Cependant, Giskard répondit posément :

— J’aimerais vous répondre, monsieur, mais pour tout ce qui concerne cette séparation, Miss Vasilia m’a ordonné à l’époque de n’en rien dire.

— Mais je t’ordonne de me répondre et je peux te l’ordonner avec beaucoup de fermeté, si je le veux.

— Je regrette. Miss Vasilia, même en ce temps-là, était une habile roboticienne et les ordres qu’elle m’a donnés étaient suffisamment puissants pour être en vigueur encore aujourd’hui, en dépit de tout ce que vous pourrez me dire, monsieur.

— Elle devait vraiment s’y connaître en robotique, car le Dr Fastolfe m’a dit qu’elle avait été amenée à te reprogrammer.

— Ce n’était pas dangereux de le faire, monsieur. Le Dr Fastolfe aurait pu corriger des erreurs s’il y en avait eu.

— Et y en avait-il ?

— Aucune, monsieur.

— Quelle était la nature de la reprogrammation ?

— Des modifications mineures, monsieur.

— Peut-être, mais fais-moi plaisir. Qu’a-t-elle fait, au juste ?

Giskard hésita et Baley comprit immédiatement ce que cela signifiait. Le robot répliqua :

— Je crains de ne pouvoir répondre à aucune question concernant cette reprogrammation.

— On te l’a interdit ?

— Non, monsieur, mais la reprogrammation efface automatiquement ce qui s’est passé avant. Si je suis changé en quoi que ce soit, il m’est impossible de le savoir et je ne conserve aucun souvenir de ce que j’étais auparavant.

— Alors, comment sais-tu que la reprogrammation a été mineure ?

— Comme le Dr Fastolfe n’a vu aucune raison de corriger ce que Miss Vasilia avait fait – ou du moins il me l’a dit une fois – je ne puis que supposer que ces modifications ont été mineures. Vous pourriez peut-être demander cela à Miss Vasilia, monsieur.

— C’est bien ce que je compte faire.

— Je crains cependant qu’elle ne réponde pas.

Le cœur de Baley se serra. Jusqu’à présent, il n’avait interrogé que le Dr Fastolfe, Gladïa et les deux robots, qui tous avaient d’excellentes raisons de coopérer avec lui. Maintenant, pour la première fois, il allait affronter un sujet hostile.

36

Baley sortit de l’aéroglisseur, qui s’était posé sur un carré de pelouse, en éprouvant un certain plaisir à sentir de la terre ferme sous ses pieds.

Il regarda autour de lui avec étonnement, car les bâtiments étaient plutôt étendus et, sur sa droite, il y en avait un particulièrement grand, de construction fort simple, un peu comme un énorme bloc de métal et de verre aux angles droits.

— C’est l’Institut de Robotique ? demanda-t-il.

— Tout ce complexe est l’Institut, camarade Elijah, répondit Daneel. Vous n’en voyez qu’une partie et il est bâti d’une manière plus dense que la normale à Aurora, parce que c’est une entité politique en soi. Il contient des établissements particuliers, des laboratoires, des bibliothèques, un gymnase commun et d’autres bâtiments. Le plus grand, là, est le centre administratif.

— C’est si peu aurorain, avec tous ces bâtiments – du moins à en juger par ce que j’ai vu jusqu’ici d’Eos – qu’il me semble qu’il a dû y avoir pas mal d’objections.

— Je crois qu’il y en a eu, camarade Elijah, mais le directeur de l’Institut est l’ami du président, qui a une grande influence, et il paraît qu’il y a eu une dispense spéciale, à cause des nécessités de la recherche.