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Mais il s’interrompit. Pourquoi gaspiller des sarcasmes sur la carcasse impénétrable d’un robot ?

— Il semble tout à fait certain que la Personnelle est inoccupée, déclara Giskard.

— Bien ! Alors, laissez-moi descendre !

Baley ouvrit la portière de l’aéroglisseur et mit le pied sur le gravier de l’étroit sentier. Il marchait rapidement, suivi par Daneel.

Quand ils arrivèrent à la porte, Daneel indiqua d’un geste le contact qui l’ouvrait, mais sans y toucher lui-même. Sans doute, pensa Baley, y toucher sans instructions particulières aurait signifié une intention d’entrer, et cette simple intention était interdite.

Baley appuya sur le contact et entra, laissant les deux robots dehors.

Ce fut seulement alors que Baley se rendit compte que Giskard n’avait pas pu pénétrer dans la Personnelle pour s’assurer qu’elle était inoccupée et que le robot avait dû juger uniquement sur l’aspect extérieur… une procédure douteuse dans le meilleur des cas.

Et, avec un certain malaise, Baley s’aperçut que, pour la première fois, il était isolé et séparé de ses protecteurs et que ces protecteurs, de l’autre côté de la porte, ne pourraient entrer facilement si jamais il se trouvait soudain en difficulté. Et s’il n’était pas seul, en ce moment ? Si quelque ennemi avait été averti par Vasilia, qui savait qu’il cherchait une Personnelle, et si cet ennemi se cachait là ?

Baley s’aperçut aussi, avec inquiétude, qu’il était absolument désarmé (ce qui n’aurait jamais été le cas sur la Terre).

44

Certes, le bâtiment n’était pas grand. Il y avait de petits urinoirs, côte à côte, environ six ou sept, et autant de lavabos alignés. Pas de douches, pas de vestiaires ni de cabines à nettoyage automatique des vêtements, pas de quoi se raser.

Les cabines existantes, une demi-douzaine en tout, étaient séparées par des cloisons et chacune avait une porte. Quelqu’un pourrait se cacher dans l’une d’elles, l’attendant…

Les portes ne descendaient pas jusqu’au sol. Sans faire de bruit, Baley se baissa et jeta un coup d’œil sous chacune d’elles, pour voir s’il apercevait des jambes. Puis il ouvrit chaque porte avec prudence, prêt à la claquer au moindre signe de danger, avant de bondir vers la porte extérieure.

Toutes les cabines étaient vides.

Il regarda autour de lui, pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’autres cachettes.

Il n’en vit aucune.

En retournant vers la porte extérieure, il constata qu’il n’y avait pas de verrou. L’impossibilité de s’enfermer lui parut assez naturelle, à la réflexion. La Personnelle était évidemment destinée à être utilisée par plusieurs hommes à la fois. Donc, d’autres devaient pouvoir entrer.

Cependant, Baley ne pouvait guère partir et en essayer une autre, car le même danger existerait dans n’importe laquelle.

Pendant un moment il hésita, incapable de savoir quel urinoir employer. Pour la première fois de sa vie, il en avait plusieurs à sa disposition, sans rien qui indiquât lequel était le sien. Il pouvait choisir n’importe lequel.

Ce manque d’hygiène le révolta. Il eut la vision de plusieurs personnes arrivant à la fois, se servant indifféremment des diverses commodités, se bousculant. Il en avait la nausée et pourtant la nécessité l’obligeait à faire de même.

Il se força à faire un choix et puis, conscient d’être totalement à découvert, il fut en butte à une vessie récalcitrante. Le besoin devenait de plus en plus pressant mais il dut néanmoins attendre que l’appréhension se dissipe.

Il ne craignait plus l’arrivée d’ennemis mais simplement l’entrée intempestive de n’importe qui.

Finalement, il se dit que les robots retiendraient au moins un moment toute personne désireuse d’entrer. Cette pensée réussit à le détendre…

Il avait fini et se sentit immensément soulagé. Il était sur le point de se retourner vers un lavabo quand il entendit une voix, modérément haut perchée et assez tendue, qui demandait :

— Etes-vous Elijah Baley ?

Il se figea. Malgré toute sa vigilance, il n’avait entendu personne entrer. Apparemment, il avait été complètement absorbé par le simple plaisir de vider sa vessie, alors que, en temps normal, cela n’aurait pas dû distraire un instant son attention ! (Se faisait-il vieux ?)

La voix n’avait certes rien de redoutable. Elle ne contenait aucune menace. Baley était d’ailleurs certain que Daneel au moins, sinon Giskard, n’aurait pas laissé entrer quelqu’un de menaçant.

Ce qui l’inquiétait, c’était l’intrusion. Jamais, il n’avait été abordé – et encore moins interpellé – dans une Personnelle. Sur la Terre, c’était un tabou, et à Solaria (et jusqu’alors à Aurora), il n’avait utilisé que des édicules à une personne.

La voix reprit, plus impatiente :

— Répondez ! Vous devez être Elijah Baley !

Lentement, il se retourna. Il vit un homme de taille moyenne, élégamment habillé de vêtements bien coupés de diverses teintes de bleu. L’inconnu avait la peau claire, des cheveux blonds et une petite moustache un peu plus foncée que les cheveux. Baley regarda avec fascination ces quelques poils sur la lèvre supérieure. C’était la première fois qu’il voyait un Spatien avec une moustache.

Un peu honteux de parler dans une Personnelle, il répondit :

— Oui, je suis Elijah Baley.

Sa voix, même à ses propres oreilles, lui parut sourde.

Indiscutablement, le Spatien ne la trouva pas convaincante. Examinant Baley d’un air sceptique, il répliqua :

— Les robots, près de la porte, m’ont dit qu’Elijah Baley était là, mais vous ne ressemblez pas du tout à ce que vous étiez en hypervision. Pas du tout.

Cette maudite dramatique ! pensa Baley avec rage. Il ne pouvait rencontrer personne, même au bout des mondes, qui n’eût été marqué par cette ridicule représentation de lui-même. Personne n’acceptait de le considérer comme un être humain tout simple, un mortel faillible et, en découvrant qu’il l’était, déçus, ils le prenaient pour un imbécile.

Avec mauvaise humeur, il se tourna vers le lavabo et fit couler l’eau sur ses mains, puis il les secoua vaguement en se demandant où était le jet d’air chaud. Le Spatien effleura un contact et parut cueillir dans le vide un bout de tissu absorbant.

— Merci, marmonna Baley. Ce n’est pas moi que vous avez vu en hypervision mais un acteur qui jouait mon rôle.

— Je sais, mais ils auraient pu en choisir un qui vous ressemble davantage, il me semble, dit le Spatien avec un curieux ressentiment. Je veux vous parler.

— Comment avez-vous passé la barrière de mes robots ?

C’était là, apparemment, un autre sujet de ressentiment.

— J’ai eu du mal ! s’exclama le Spatien. Ils ont voulu m’arrêter et je n’avais qu’un robot avec moi. J’ai dû prétendre que je devais entrer de toute urgence, et ils m’ont fouillé ! Ils ont osé porter les mains sur moi pour savoir si je détenais un objet dangereux. Je déposerais une plainte contre vous, si vous n’étiez pas un Terrien. Vous n’avez pas le droit de donner à des robots des ordres qui peuvent embarrasser un être humain.

— Je regrette, répliqua sèchement Baley, mais ce n’est pas moi qui ai donné ces ordres. Que me voulez-vous ?

— Je voulais vous parler.

— Vous me parlez en ce moment… Qui êtes-vous ? L’autre hésita un instant, puis il répondit :

— Gremionis.

— Santirix Gremionis ?

— C’est ça.

— Pourquoi voulez-vous me parler ?

Pendant un moment, Gremionis regarda fixement Baley, d’un air un peu gêné, puis il marmonna :