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— Ce genre de comportement agressif est réprimé durant l’adolescence, je suppose ? demanda Baley.

— Progressivement, répondit Daneel, à mesure que le degré du mal infligé risque d’augmenter et quand la nécessité de se contrôler devient plus indispensable.

— Quand je suis arrivé à l’âge des études secondaires, dit Gremionis, comme tous les Aurorains je savais déjà très bien que toute compétition se limitait à la comparaison des qualités mentales et du talent…

— Il n’y avait pas de compétitions physiques ?

— Si, bien sûr, mais seulement dans des activités n’entraînant pas de contact physique avec intention de blesser.

— Mais depuis votre adolescence…

— Je n’ai attaqué personne. Non, vraiment pas. Il m’est arrivé d’en avoir envie, c’est certain. Je suppose que dans le cas contraire, je ne serais pas entièrement normal, mais jusqu’à cet instant, j’ai toujours su me maîtriser. Mais aussi, jamais personne ne m’avait traité de… de ce que vous avez dit.

— D’ailleurs, il ne servirait à rien d’attaquer, si des robots sont là pour vous retenir, n’est-ce pas ? Je présume qu’il y a toujours un robot à deux pas, des deux côtés, pour l’agresseur et l’agressé.

Certainement… Raison de plus pour que j’aie honte de m’être laissé aller. J’espère que vous n’aurez pas besoin de signaler cet incident dans la relation de votre enquête.

— Je vous assure que je n’en parlerai à personne. Cela n’a aucun rapport avec l’affaire qui nous occupe.

— Merci. Avez-vous dit que cette entrevue est terminée ?

— Je crois qu’elle l’est.

— Dans ce cas, voulez-vous faire ce que je vous ai demandé ?

— Quoi donc ?

— Dire à Gladïa que je ne suis en rien responsable de l’immobilisation de Jander.

Baley hésita.

— Je lui dirai que telle est mon opinion.

— Je vous en prie, soyez plus catégorique ! Je veux qu’elle soit absolument certaine que je n’ai rien à voir avec ça et d’autant plus si elle avait de l’affection pour ce robot sur le plan sexuel. Je ne pourrais pas supporter qu’elle pense que j’étais j… j… Comme elle est solarienne, elle pourrait le penser.

— Oui, elle le pourrait, murmura Baley, tout songeur.

Gremionis parla alors rapidement et avidement :

— Je ne sais rien des robots et personne – ni le Dr Vasilia ni aucune autre personne – ne m’en a jamais parlé. Pour m’expliquer leur fonctionnement, je veux dire. Je n’avais absolument aucun moyen de détruire Jander.

Pendant un moment, Baley resta plongé dans ses pensées. Puis il dit, comme à contrecœur :

— Je ne puis m’empêcher de vous croire. Il est certain que je ne sais pas tout et il est possible – je dis cela sans vouloir vous offenser – que vous mentiez, le Dr Vasilia ou vous. Je sais étonnamment peu de chose sur la nature intime de la société auroraine et il est sans doute facile de m’abuser. Et, pourtant, je ne puis m’empêcher de vous croire. Néanmoins, je ne puis faire plus que dire cela à Gladïa, à savoir qu’à mon avis, vous êtes totalement innocent. Je suis obligé de dire « à mon avis ». Je suis sûr qu’elle trouvera cela suffisamment convaincant.

— Il faudra donc que je m’en contente, marmonna Gremionis. Mais si cela peut aider, je vous donne ma parole de citoyen aurorain que je suis innocent.

Baley sourit légèrement.

— Loin de moi la pensée de douter de votre parole, mais mon entraînement me force à ne me fier qu’aux seules preuves objectives.

Il se leva, contempla gravement Gremionis pendant un moment, puis il dit :

— Gremionis, je vous prie de ne pas prendre en mauvaise part ce que je vais vous dire. Si j’ai bien compris, vous voulez que je rassure ainsi Gladïa, parce que vous tenez à conserver son amitié.

— J’y tiens beaucoup.

— Et vous avez l’intention, quand l’occasion propice se présentera, de vous offrir encore une fois ?

Gremionis rougit, ravala sa salive, et répondit :

— Oui, c’est mon intention.

— Puis-je me permettre de vous donner un conseil ? Ne le faites pas.

— Vous pouvez garder vos conseils. Je n’ai aucune intention de renoncer à elle.

— Ce que je veux dire, c’est… Ne vous y prenez pas de la manière habituelle, protocolaire. Vous pourriez envisager de, simplement… (Baley se détourna, inexplicablement gêné)… de la prendre dans vos bras et de l’embrasser.

— Non ! s’écria Gremionis. Je vous en prie ! Aucune Auroraine ne le supporterait. Et aucun Aurorain !

— Ne pouvez-vous vous rappeler que Gladïa n’est pas auroraine ? Elle est solarienne, elle a d’autres usages, d’autres traditions. A votre place, j’essaierais.

L’expression posée de Baley masquait une fureur intérieure. Qui était donc Gremionis, pour qu’il lui donne un tel conseil ? Pourquoi dire à un autre de faire ce que lui-même rêvait de faire ?

XIII. Amadiro

50

Baley en revint à l’affaire, d’une voix un peu plus grave que la normale.

— Vous avez cité le nom du directeur de l’Institut de Robotique, tout à l’heure. Pourriez-vous me répéter ce nom ?

— Kelden Amadiro.

— Et y a-t-il un moyen dé le joindre, d’ici ?

— Eh bien, oui et non. Vous pouvez joindre sa réceptionniste, ou son assistant. Je doute que vous puissiez le voir. C’est un homme assez distant, à ce qu’on dit. Je ne le connais pas personnellement, bien sûr. Je l’ai aperçu, mais je ne lui ai jamais parlé.

— Si je comprends bien, il ne vous emploie pas comme styliste personnel, pour ses costumes ou sa coiffure ?

— Je crois qu’il n’emploie personne et, à en juger par les quelques occasions où je l’ai aperçu, ça se voit. Naturellement, je préférerais que vous ne répétiez pas cette réflexion.

Vous avez sûrement raison, mais je vous promets le secret, assura gravement Baley. J’aimerais quand même essayer de le rencontrer, malgré sa réputation de réserve. Si vous avez un poste d’holovision, me permettez-vous de m’en servir à cette fin ?

— Brundij peut vous demander la communication.

— Non, je crois que mon partenaire, Daneel, devrait… Si cela ne vous gêne pas, naturellement.

— Non, non, ça ne me gêne pas du tout. Le poste est par ici, si vous voulez bien me suivre. Le numéro à former est le 75-30-hausse-20, Daneel.

Daneel inclina la tête.

— Merci, monsieur.

La pièce contenant le poste d’holovision était absolument vide, à part un mince pilier d’un côté. Il s’arrêtait à hauteur de la taille et il était surmonté d’une surface plane sur laquelle était posé un pupitre assez complexe. Le pilier se trouvait au milieu d’un cercle d’un gris neutre, tracé sur le revêtement de sol vert clair. A côté, il y avait un cercle identique, de la même taille et de la même couleur, mais sans pilier.

Daneel s’avança vers le pupitre et, au même instant, le cercle sur lequel il se tenait devint d’un blanc vaguement lumineux. Sa main se déplaça au-dessus des touches, et ses doigts pianotèrent si vite que Baley ne put voir au juste ce qu’ils faisaient. Cela dura à peine quelques secondes et puis l’autre cercle prit une luminescence exactement semblable à celle du premier. Un robot y apparut, d’aspect tridimensionnel, mais entouré d’un très faible scintillement révélant que c’était une image holographique. A côté de lui, il y avait un pupitre semblable à celui qu’avait utilisé Daneel, mais qui scintillait comme le robot ; c’était donc aussi une image.