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— Les signaux du portail relatifs à son statut indiquent que son dispositif de sauvegarde est opérationnel, rapporta le lieutenant Yuon, chargé de la surveillance des systèmes d’armement sur la passerelle de l’Indomptable.

— Merci, lieutenant. Au moins n’aurons-nous pas à nous inquiéter qu’il déclenche une explosion façon nova s’il s’effondre suite à une attaque des vaisseaux obscurs. Ils l’atteindront dans vingt-sept heures. » Desjani procéda à quelques calculs rapides. « Il y a deux destroyers au portail. Peut-être… Bon sang ! Les seules autres unités de Varandal en position pour les intercepter sont quelques autres destroyers et croiseurs légers.

— Ils n’auraient aucune chance d’en triompher même s’ils arrivaient à les distinguer, dit Geary. Nous ne pourrons sans doute pas les rattraper, mais nous pouvons rester à leurs trousses. » Il appuya sur une touche de com. « À toutes les unités du détachement Danseuse, accélérez à 0,25 c, virez de vingt-cinq degrés sur bâbord et de trois vers le bas. Exécution immédiate.

— Allons-nous les poursuivre jusque dans l’hypernet ? s’enquit Desjani.

— S’il le faut, répondit Geary. Nous devons trouver leur base, où qu’elle soit. » Il vérifia le niveau des cellules d’énergie de ses bâtiments et souffla rageusement. « Je vais devoir laisser nos destroyers ici si nous nous y risquons. Leurs réserves de carburant sont trop faibles. Bon, passons le mot à tous ceux du système, à présent », ajouta-t-il d’une voix aussi maussade que son humeur. Il voyait les nombreuses défenses de Varandal, ses innombrables vaisseaux et installations, tous en veille depuis que la guerre contre les Syndics était finie. « Pourquoi ne se déclarent-ils pas en “disposition en temps de paix” plutôt qu’en veille ? pesta-t-il.

— Parce que personne à part vous ne se souvient de la “disposition en temps de paix”, lui rappela Desjani. Et que, si l’attaque sur Indras déclenche des représailles de la part des Syndics, ce “temps de paix” risque d’être caduc avant même que nous ne comprenions ce qu’il signifie.

— J’espère que vous vous trompez. Au moins verrions-nous les vaisseaux des Syndics s’ils attaquaient nos défenses. » Même après avoir expérimenté à bord les effets nocifs des secrètes modifications logicielles sur l’efficacité des senseurs de l’Alliance, on avait le plus grand mal à appréhender l’idée que le système de Varandal dans son ensemble resterait parfaitement inconscient du passage des vaisseaux obscurs. Nombre de ses défenses étaient par trop éloignées pour les avoir déjà repérés, et encore moins, bien entendu, la toute récente émergence des bâtiments de Geary. La lumière ne voyage qu’à une vitesse approximative de dix-huit millions de kilomètres par minute, de sorte que, dans un système stellaire où les distances se mesurent en centaines de millions ou en milliards de kilomètres, elle-même met un certain temps à atteindre un point donné.

Mais d’autres défenses, d’autres vaisseaux plus proches des franges de Varandal auraient déjà dû les repérer. Du moins si leur logiciel ne les rendait pas, eux aussi, aveugles à la présence de ces forces hostiles.

« Ce que vous vous apprêtez à faire risque de déclencher l’enfer, fit observer Desjani.

— Je sais. Me conseillez-vous d’y renoncer ?

— Non. » Le rictus de Tanya était féroce. « J’ai hâte de voir ça. »

Geary ne put s’empêcher de sourire, d’un sourire crispé et dépourvu de tout humour, puis il reprit contenance, toucha la commande de transmission et entreprit de diffuser le message qu’il avait répété durant les longues journées de leur transit par l’espace du saut depuis Atalia. « À toutes les unités de la Première Flotte, sont présentes dans ce système des forces hostiles que votre logiciel vous interdit de voir. Ce ne sont pas, je répète, ce ne sont pas des vaisseaux Énigma. Selon notre meilleure estimation, il s’agit de vaisseaux combattants entièrement automatisés qui ont échappé à tous les contrôles censément chargés de limiter leurs interventions. »

Il s’interrompit un instant pour permettre aux esprits de bien s’imprégner de cette dernière affirmation puis reprit : « Nous avons engagé le combat avec ces forces à Atalia, où elles ont attaqué l’Alliance ainsi que des vaisseaux civils sans provocation ni sommation. Elles y ont causé des dommages matériels très étendus et de nombreuses pertes en vie humaine. Ces vaisseaux hostiles ont agressé des bâtiments et tué du personnel de l’Alliance. Mon détachement est lancé à leur poursuite. Ils se dirigent actuellement vers votre portail de l’hypernet. Si l’on se fonde sur les agressions antérieures d’Indras et Atalia, on peut présumer qu’ils attaqueront et détruiront tous les vaisseaux civils ou militaires qu’ils rencontreront.

» Un jeu de correctifs logiciels, que vous devrez installer sur vos vaisseaux, est joint à cette transmission. Désactivez les mises à jour automatiques et interdisez toute autre réactualisation jusqu’à ce que je vous en donne personnellement l’autorisation. Vos systèmes de combat et de manœuvre, vos senseurs, vos bases de données et tous vos autres systèmes contiennent des sous-routines cachées qui vous masquent ces vaisseaux hostiles. Dès que vous aurez installé les correctifs que nous vous envoyons, nous vous fournirons des informations permettant leur identification. Si nous vous les faisions parvenir tout de suite, vos propres systèmes de communication effaceraient toute trace de ce qui aurait trait à ces vaisseaux. Ces nouveaux correctifs logiciels sont personnellement autorisés par moi-même en ma qualité de commandant de la Première Flotte. Geary, terminé. »

Il enfonça une autre touche pour s’adresser cette fois aux deux destroyers qui montaient la garde au portail. « Mortier, Serpentine, ici l’amiral Geary. Une force importante de vaisseaux hostiles s’approche de votre orbite. Vous ne pourrez pas les détecter tant que les correctifs logiciels joints à cette transmission n’auront pas été appliqués à tous vos systèmes. Accélérez à 0,2 c et mettez le cap sur la station d’Ambaru en même temps que vous installerez ces correctifs. Exécution immédiate. Geary, terminé.

» Voilà qui devrait les éloigner du portail avant l’arrivée des vaisseaux obscurs, confia-t-il à Desjani.

— Du moins s’ils vous obéissent. Et s’ils ne regagnent pas le portail après avoir installé les correctifs. À ces conditions. Ces deux destroyers n’appartiennent pas à la Première Flotte mais aux forces d’autodéfense de Varandal.

— Je sais bien.

— Vous leur avez appris qu’un ennemi approchait, poursuivit-elle, implacable. Ils ne vont pas s’enfuir.

— Je ne leur ai pas dit de fuir, insista Geary. Mais d’adopter une autre position sur l’orbite pour réparer leur logiciel.

— Même motif, même punition, amiral. Vous feriez mieux de demander à l’amiral Timbal de leur envoyer ces ordres si vous voulez avoir une petite chance d’être obéi. La station d’Ambaru se trouve pour l’instant à trois heures-lumière et demie de nous, et les destroyers à cinq d’Ambaru, si bien que, s’il leur envoie vos ordres de manœuvre dans les heures qui suivront notre avertissement, ils en auront peut-être encore le temps.

— Je l’appelle sur-le-champ », répondit Geary. Il pressa une nouvelle touche et s’exprima d’une voix calme mais véhémente. « Amiral Timbal, ici l’amiral Geary. Sachez que des forces hostiles sévissent à présent dans l’espace de l’Alliance et que des sous-routines dissimulées dans notre propre logiciel nous les cachent. Une flotte composite de croiseurs de combat, croiseurs lourds, légers et destroyers vient d’infliger à Indras des dommages cataclysmiques que les autorités des Mondes syndiqués attribuent à l’Alliance. Il faut dès que possible dépêcher des vaisseaux estafettes au QG de la flotte et aux systèmes frontaliers pour les prévenir que l’agression d’Indras pourrait déclencher des représailles directes des Syndics contre les systèmes de l’Alliance. Les mêmes vaisseaux hostiles sont responsables d’importantes pertes en matériel et en personnel à Atalia, et, sans aucune provocation de sa part, ils ont conduit délibérément une attaque contre le vaisseau de l’Alliance qui gardait ce système, qu’ils ont détruit sans sommation. Ils s’en sont pris aussi à mes propres bâtiments, en détruisant un croiseur de combat, un croiseur léger et deux destroyers et en infligeant de sérieux dommages à d’autres unités de l’Alliance. J’ai toutes les raisons de croire que ces vaisseaux hostiles sont entièrement automatisés, sans aucun personnel humain à bord. Ils sont aussi lourdement armés, très maniables, et une partie d’entre eux traversent actuellement Varandal vers le portail de l’hypernet. Je suis lancé à leurs trousses et, dès que possible, j’engagerai de nouveau le combat contre eux. J’ai ordonné aux deux destroyers de faction près du portail de se repositionner, mais je ne suis pas certain qu’ils m’obéiront. Je joins à cet envoi les correctifs logiciels qui vous permettront de voir les vaisseaux hostiles et qui fourniront à vos bases de données des informations sur eux. Geary, terminé. »