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Il traversa le pont. Il vit des vaisseaux cosmiques transpercer l’obscurité céleste. Il dut s’arrêter à nouveau tellement l’appel des étoiles résonnait fortement en lui. Tout l’univers l’attirait irrésistiblement, chaque étoile exerçant son attraction propre. Ces petits points scintillants l’étourdissaient. Les grandes routes célestes lui faisaient des signes. Il pensa à l’homme dans son labyrinthe. Et aussi à la fille amoureuse, avec ses yeux d’argent et son corps gracile et passionné qui vibrait sous lui.

Soudain, il devint Dick Muller. Lui aussi avait eu vingt-quatre ans comme lui et avait désiré la galaxie comme royaume. Étiez-vous différent de moi, Dick ? Que ressentiez-vous quand vous regardiez le firmament ? Éprouviez-vous le même élancement ? Là ? Là, oui. Comme moi. Et vous êtes parti, Dick. Et vous avez trouvé. Et vous avez perdu. Et vous avez découvert encore autre chose. Vous souvenez-vous, Dick, de ce que vous pensiez à mon âge ? Ce soir, dans le labyrinthe où courent les vents, à quoi songez-vous ? Vous souvenez-vous de nous ?

Pourquoi nous tournez-vous le dos, Dick ?

Qu’êtes-vous devenu ?

Il se dépêcha vers la fille qui l’attendait. Ils burent du vin et mangèrent gaiement. Ils se sourirent à travers l’éclat de la flamme d’une bougie. Après, elle s’offrit à lui. Plus tard ils allèrent sur la terrasse de l’appartement et contemplèrent la plus grande des cités humaines qui s’étalait sous eux. Des faisceaux de lumière montaient vers l’infini pour rejoindre les autres lumières accrochées là-haut. Il passa son bras autour de la taille de la jeune femme, posa sa main sur son ventre nu et l’attira vers lui.

— Combien de temps restes-tu cette fois-ci ? demanda-t-elle.

— Encore quatre jours.

— Et quand reviendras-tu ?

— Quand ma mission sera terminée.

— Ned, t’arrêteras-tu jamais ? En auras-tu un jour assez de partir sans cesse ? Te choisiras-tu un monde pour y vivre et t’y fixer ?

— Oui, répondit-il vaguement. Je suppose. Plus tard…

— Tu ne le penses pas. Tu te contentes de le dire, mais tu ne le penses pas. Aucun de vous ne se fixe jamais nulle part.

— Nous ne pouvons pas, murmura-t-il. Nous continuons sans arrêt… toujours… Il y a tant d’autres mondes… de nouveaux soleils…

— Vous demandez trop. Vous désirez tout l’univers. Toi aussi, Ned. C’est un péché. Il faut savoir accepter des limites.

— Oui, dit-il. Tu as raison. Je sais que tu as raison.

Ses doigts caressaient sa peau douce comme du satin. Elle frissonna.

— Nous faisons ce que nous devons faire, poursuivit-il. Nous essayons d’apprendre grâce aux erreurs des autres qui nous ont précédés. Nous servons notre cause en espérant être honnêtes avec nous-mêmes. Que faire d’autre ?

— L’homme qui est retourné dans le labyrinthe…

— … Il est heureux, dit Rawlins. Il suit le chemin qu’il s’est choisi.

— Mais comment se peut-il qu’il ?…

— Je ne peux pas l’expliquer.

— Il doit nous haïr horriblement pour tourner le dos ainsi à tout l’univers.

— Il est au delà de la haine. D’une façon ou d’une autre, il est en paix. Quoi qu’il soit devenu.

— Quoi qu’il soit devenu ?

— Oui, dit-il gentiment.

Il sentit la fraîcheur de la nuit et la fit rentrer. Ils étaient assis sur le bord du lit, seulement éclairés par la flamme de la bougie. Il l’embrassa profondément et repensa à Dick Muller. Il se demanda quel labyrinthe l’attendait, lui, au bout de sa route. Il l’enlaça et ils roulèrent ensemble sur le lit. La fille se frottait sensuellement contre lui. Sa peau douce était à présent brûlante. Il la caressa tendrement. Elle ronronnait et haletait.

Quand je vous reverrai, Dick, j’aurai beaucoup de choses à vous dire, pensa-t-il.

Plus tard elle lui demanda :

— Pourquoi est-il retourné s’enfermer dans le labyrinthe, Ned ?

— Pour la même raison qui a fait que tout est arrivé.

— Quelle est-elle ?

— Il aimait les hommes, dit-il.

C’était une épitaphe aussi bonne qu’une autre. Il attira et pressa la fille contre lui. Mais il la quitta avant l’aube.

FIN