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Pour remplacer feu Preston Verchamps, Cersei avait choisi ser Balon Swann, et il approuvait. Seigneurs des Marches, les Swann se distinguaient par leur fierté, leur puissance et leur circonspection. Si lord Gulian avait invoqué des ennuis de santé pour demeurer dans son château sans aucunement se mêler au conflit, son fils aîné s’était prononcé pour Stannis après avoir suivi Renly, tandis que le cadet, Balon, servait à Port-Réal. S’en fût-il trouvé un troisième, soupçonnait Tyrion, que ce benjamin-là eût rejoint Robb Stark. Une politique qui, pour n’être pas forcément des plus honorable, indiquait du moins un fameux bon sens ; à quelque prétendant qu’échût finalement le trône de Fer, n’importe, les Swann entendaient survivre. En tout cas, outre qu’il était bien né, le jeune ser Balon se montrait vaillant, courtois et fin manieur d’armes ; bon à la lance, à la plommée meilleur et superbe à l’arc. Bref, tout pour faire un brave et loyal serviteur.

Du second élu de sa sœur, Tyrion ne pensait, hélas, pas autant de bien. Ser Osmund Potaunoir avait des dehors assez redoutables. Ses six pieds six pouces n’avouaient guère que muscles et nerfs. Nez crochu, sourcils touffus, barbe à la pelle lui composaient un faciès de brute, à condition qu’il ne sourît pas. D’aussi basse extrace qu’un quelconque chevalier du rang, Potaunoir ne pouvait attendre son avancement que d’une soumission totale à Cersei, et c’était sans doute pour cela qu’elle avait jeté son dévolu sur lui. « Sa loyauté n’a d’égale que sa bravoure », avait-elle dit à Joffrey en avançant le nom de ser Osmund. C’était vrai, malheureusement. Depuis le jour où elle l’avait engagé, les secrets qu’elle lui confiait, ce bon ser Osmund s’empressait de les vendre à Bronn, mais Tyrion ne pouvait tout de même pas la dessiller à cet égard.

Il avait bien tort, après tout, de s’en chagriner. Avec une prodigieuse candeur, sa sœur lui procurait de la sorte une oreille de plus dans l’entourage immédiat du roi. Et dût ser Osmund se révéler un pleutre accompli, jamais il ne serait pire que ser Boros Blount. Lequel passait incidemment pour villégiaturer dans un cachot de Rosby. La diligence de sa reddition, lorsque ser Jacelyn et ses manteaux d’or étaient tombés à l’improviste sur l’escorte de Tommen et lord Gyles, avait plongé Cersei dans une fureur que n’aurait pas désavouée le vieux ser Barristan Selmy : un chevalier de la Garde était-il pas censé mourir pour la famille royale comme pour le roi ? Joffrey s’était vu sommer par sa mère de le dépouiller de son manteau blanc sous le double chef de couardise et de félonie. Et voilà qu’elle le remplace par un fantoche tout aussi creux.

Les prières, la prestation des vœux, l’onction paraissaient devoir dévorer l’essentiel de la matinée. Ses jambes n’ayant pas tardé à le torturer, Tyrion n’arrêtait pas de soulager l’une en portant tout son poids sur l’autre et vice versa. Il distingua lady Tanda, plusieurs rangs devant, mais sans sa Lollys de fille. Ni Shae, dont il n’avait cependant point trop espéré l’entr’apercevoir. Elle allait bien, selon Varys, mais il eût préféré en juger par lui-même.

« Plutôt camériste d’une dame que fouille-au-pot, lui avait-elle dit en apprenant le projet de l’eunuque. Pourrai-je emporter ma ceinture de fleurs d’argent et mon collier d’or que m’sire a dit que ses diamants noirs ressemblaient à mes yeux ? Je les mettrai pas, s’il trouve ça pas convenable. »

Malgré sa répugnance à la dépiter, force lui fut de mettre les points sur les i. Sans être d’une intelligence ce qui s’appelle exceptionnelle, lady Tanda risquerait quand même de s’étonner si la femme de chambre de sa fille paraissait avoir plus de bijoux que celle-ci. « Choisis deux ou trois robes, pas davantage, commanda-t-il. De la bonne laine, mais pas de soie, pas de lamé, pas de fourrures. Le reste, je le garderai dans mes appartements pour quand tu viendras me voir. » Pas du tout la réponse qu’elle aurait souhaitée, mais du moins était-elle en sécurité.

La cérémonie finit enfin par s’achever. Et tandis que Joffrey gagnait la sortie, flanqué de ser Balon et de ser Osmund drapés dans leurs manteaux neufs, Tyrion s’attarda pour échanger trois mots avec le nouveau Grand Septon (qui était l’homme de son choix, et assez malin pour savoir à qui il devait le miel de ses tartines). « Je veux les dieux dans notre camp, lança-t-il sans ambages. Avisez vos fidèles que Stannis a juré de brûler le Grand Septuaire de Baelor.

— Est-ce vrai, messire ? » s’enquit le Grand Septon, trois pommes sagaces et ridées à barbe floconneuse.

Tyrion haussa les épaules. « Vraisemblable. Il a brûlé le bois sacré d’Accalmie en offrande à son Maître de la Lumière. S’il a décidé d’offenser les dieux anciens, pourquoi épargnerait-il les nouveaux ? Avisez-les-en. Avisez-les que quiconque envisage de seconder l’usurpateur trahit autant les dieux que son souverain légitime.

— Je le ferai, messire. Et je leur ordonnerai de prier pour la santé du roi – et celle de sa Main. »

En retrouvant sa loggia, Tyrion se vit remettre deux dépêches apportées par mestre Frenken et informer que l’attendait Hallyne le Pyromant. Comme celui-ci pouvait sans dommage patienter un instant de plus, il se plongea dans la lecture. Déjà ancienne, la première lettre émanait de Doran Martell et annonçait la chute d’Accalmie. Autrement curieuse était la seconde, où Balon Greyjoy, qui s’intitulait pompeusement roi des Iles et du Nord, invitait le roi Joffrey à expédier un plénipotentiaire aux îles de Fer définir les frontières des deux royaumes et discuter d’alliance éventuelle.

Après l’avoir lue trois fois, Tyrion la mit de côté. Assurément, les boutres de lord Balon auraient été des plus précieux pour affronter la flotte qui remontait à présent d’Accalmie, mais ils se trouvaient à des milliers de lieues sur la côte opposée. Tyrion n’était au surplus pas vraiment certain que l’hypothèse d’abandonner la moitié du royaume le satisfît. Peut-être devrais-je refiler cette papillote à Cersei. Ou bien la soumettre au Conseil.

Là-dessus, il fit introduire son visiteur qui lui exhiba la dernière facture des alchimistes. « Mais c’est de la dernière fantaisie…, commenta-t-il en s’absorbant dans les comptes. Près de treize mille pots ? Me prenez-vous pour un idiot ? Je ne suis pas près de dilapider l’or du roi pour des pots vides et pour des potées d’eaux grasses scellées à la cire, je vous préviens.

— Non non ! couina le pyromant, les chiffres sont exacts, je vous jure. Nous avons été des plus, hmmm, chanceux, messire Main. Une nouvelle cache de lord Rossart, plus de trois cents pots. Sous Fossedragon ! Des catins se servaient des ruines pour négocier leurs charmes, et l’effondrement du dallage a précipité l’un des amateurs dans une cave. Lequel s’est dit, en tâtant les pots, qu’ils devaient contenir du vin. Et il était déjà si soûl qu’il en a décacheté un et s’est offert une lampée.

— Un prince s’y était déjà essayé jadis, dit sèchement Tyrion. Et comme je n’ai point vu de dragon survoler la ville, le truc n’a pas marché cette fois non plus. » Bâti tout en haut de la colline de Rhaenys et à l’abandon depuis un siècle et demi, Fossedragon n’était peut-être pas le pire endroit pour stocker le feu grégeois, il était même peut-être l’un des meilleurs, mais feu lord Rossart aurait pu quand même avoir la délicatesse d’en informer quelqu’un. « Trois cents pots, dites-vous ? Je n’aboutis toujours pas au même total que vous. La note de ce jour dépasse de plusieurs milliers le nombre de pots maximal que vous estimiez possible de fournir lors de notre dernière rencontre.