Выбрать главу

Cette histoire des Stark tourmentait Cersei, manifestement. « Toujours rien de Pont-l’Amer ? s’enquit-elle fiévreusement tout en piquant à la pointe de son couteau un quartier de pomme qu’elle se mit à grignoter à menus coups de dents gourmets.

— Rien.

— Je me suis toujours défiée de Littlefinger. Pourvu que la somme soit rondelette, il passerait à Stannis en moins d’un clin d’œil.

— Stannis Baratheon est diablement trop vertueux pour acheter les gens. Et il ne serait pas non plus un maître des plus coulant pour l’engeance Petyr. Cette guerre a eu beau susciter, je te l’accorde, des concubinages assez extravagants, ces deux-là ? non. »

Tandis qu’il détachait des tranches de jambon, elle glissa : « C’est à lady Tanda que nous sommes redevables de ce cochon.

— Un gage de son affection ?

— Un pourboire. Contre la permission expresse de se retirer dans ses terres. La tienne comme la mienne. Elle redoute, m’est avis, que tu ne la fasses arrêter en route, à l’instar de lord Gyles.

— Projette-t-elle aussi d’enlever l’héritier du trône ? » Il la servit de jambon puis en prit lui-même. « Je préférerais qu’elle reste. Si c’est sa sécurité qui l’inquiète, dis-lui de faire venir sa garnison de Castelfoyer. Tous les hommes dont elle dispose.

— Si nous manquons si cruellement d’hommes, pourquoi avoir éloigné tes sauvages ? » Dans sa voix perçait une pointe d’irritation.

« Je ne pouvais mieux les utiliser, répondit-il franchement. Ils sont des guerriers redoutables mais pas des soldats. Dans une bataille rangée, la discipline est plus importante que le courage. Ils se sont déjà montrés plus efficaces dans le Bois-du-Roi qu’ils ne l’auraient jamais fait au rempart. »

Pendant qu’on servait le cygne, la reine le pressa de questions sur la conspiration des Epois. Elle en paraissait d’ailleurs plus contrariée qu’anxieuse. « Pourquoi sommes-nous affligés de tant de trahisons ? De quel tort la maison Lannister s’est-elle jamais rendue coupable envers ces scélérats ?

— D’aucun, concéda-t-il, mais ils spéculent se retrouver du côté du vainqueur…, en quoi la bêtise se conjugue à la félonie.

— Es-tu certain de les avoir tous démasqués ?

— Varys l’affirme. » A son goût, le cygne était trop gras.

Un sillon creusa le front d’albâtre de Cersei, juste entre ses adorables prunelles. « Cet eunuque… tu lui accordes trop de crédit.

— Il me sert bien.

— Du moins s’arrange-t-il pour te le faire croire. Tu te figures être le seul à qui il susurre de petits secrets ? Il n’en administre à chacun de nous que la dose idéale pour nous persuader que, sans lui, nous serions perdus. Il a joué le même jeu avec moi, lorsque j’eus épousé Robert. Des années durant, je fus convaincue de ne pas posséder d’ami plus véritable à la Cour, mais, à présent…» Elle le dévisagea un moment. « Il prétend que tu comptes éloigner le Limier de Joffrey. »

Le maudit ! « J’ai besoin de Clegane pour des tâches plus essentielles.

— Rien n’est plus essentiel que la vie du roi.

— La vie du roi ne court aucun danger. Joff conservera le brave ser Osmund pour le garder, ainsi que Meryn Trant. » Ils ne sont bons à rien d’autre. « J’ai besoin de Balon Swann et du Limier pour mener des sorties qui nous garantissent que Stannis ne posera pas un orteil sur cette rive-ci de la Néra.

— Ces sorties, Jaime les mènerait en personne.

— De Vivesaigues ? Ça fait une fichue sortie.

— Joff n’est qu’un gamin.

— Un gamin qui souhaite prendre part à cette bataille, et c’est pour une fois faire preuve d’un grain de bon sens. Je n’entends pas le mettre au plus épais de la mêlée, mais il y va de son intérêt qu’on le voie. Les hommes se battent avec plus d’ardeur pour un roi qui partage avec eux le danger que pour un roi qui se camoufle sous les jupes de sa maman.

— Il a treize ans, Tyrion…

— Tu te rappelles Jaime, à treize ans ? Si tu veux que Joffrey soit le fils de son père, permets-lui d’assumer son rôle. Il arbore l’armure la plus somptueuse qu’on puisse s’offrir à prix d’or, et il aura en permanence autour de lui une douzaine de manteaux d’or. Au moindre indice que la ville risque de tomber, je le fais sur-le-champ reconduire au Donjon Rouge par son escorte. »

Il avait espéré que cette promesse la rassurerait, mais il ne lut que de l’angoisse dans ses yeux verts. « Port-Réal va tomber ?

— Non. » Mais, dans le cas contraire, prie les dieux que nous puissions tenir le Donjon Rouge assez longtemps pour permettre à notre seigneur père de survenir et de nous dégager.

« Tu m’as déjà menti par le passé, Tyrion.

— Toujours pour le bon motif, chère sœur. Je souhaite autant que toi notre connivence. J’ai décidé de relâcher lord Gyles. » Il n’avait épargné celui-ci qu’en vue de ce beau geste. « Je te rends volontiers ser Boros Blount aussi. »

Ses lèvres se crispèrent. « Que ser Boros continue de croupir à Rosby, dit-elle, mais Tommen…

— … reste où il se trouve. Il est plus en sécurité sous la protection de lord Jacelyn qu’il ne l’aurait jamais été sous celle de lord Gyles. »

Les serviteurs emportèrent le cygne quasiment intact. Cersei réclama le dessert. « Tu ne détestes pas la tarte aux myrtilles, j’espère ?

— J’aime les tartes à tout.

— Oh, je le sais depuis belle lurette. Sais-tu ce qui rend Varys si dangereux ?

— Allons-nous jouer aux devinettes, maintenant ? Non.

— C’est qu’il n’a pas de queue.

— Toi non plus. » Et c’est bien ce qui t’enrage, n’est-ce pas, Cersei ?

« Peut-être suis-je dangereuse aussi. Quant à toi, tu es un aussi gros benêt que les autres hommes. Le vermisseau qui vous pendouille entre les jambes est pour moitié l’agent de votre pensée. »

Tyrion pourlécha ses doigts jusqu’à la dernière miette. Le sourire qu’affichait sa sœur le charmait fort peu. « Oui, même qu’à l’instant mon vermisseau pense qu’il serait peut-être temps que je me retire.

— Serais-tu souffrant, frérot ? » Elle s’inclina vers lui, lui offrant par là une vue plongeante dans son corsage. « Voilà que tu m’as l’air, subitement, comme… démonté.

— Démonté ? » Il jeta un coup d’œil furtif vers la porte. Il lui semblait avoir entendu quelque chose, dehors. Il commençait à regretter d’être venu seul. « Ma queue ne t’avait guère intéressée jusqu’ici.

— Ce n’est pas ta queue qui m’intéresse, mais ce dans quoi tu la plantes. Je ne dépends pas de l’eunuque en tout, contrairement à toi. J’ai des moyens à moi pour découvrir les choses… notamment les choses que les gens veulent me voir ignorer.

— Ce qui veut dire, en clair ?

— Simplement ceci : Je tiens ta petite pute. »

Tyrion saisit posément sa coupe de vin, manière de gagner une seconde et de rassembler ses esprits. « Je croyais les mâles plus à ton goût.

— Quel petit farceur tu fais. Dis-moi, tu ne l’as pas encore épousée, celle-ci ? » Voyant qu’il ne répondait pas, elle se mit à rire et gloussa : « Père en sera tellement soulagé ! »

Il se sentait les tripes grouiller d’anguilles. Comment avait-elle déniché Shae ? Varys, qui l’avait trahi ? Ou lui-même qui, par son impatience, avait démoli d’un seul coup son minutieux échafaudage de précautions, la nuit où il s’était rendu d’une traite au manoir ? « Que te chaut qui je choisis pour bassiner mon lit ?