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Marie-Marie qui séjourne à Bruxelles, informe le général Chapedelin qu’il se manigance du louche à Ottawa (Ottawa de là que je m’humecte)[15].

Boniface Chapedelin commet l’imprudence de contacter directo Sébastien Branlomanche pour lui demander de se justifier, et tu connais la Suisse. Pardon : la suite. Branlomanche s’adresse à Spiel, lequel lui nettoie le plancher. Mort du général canadien.

Après l’assassinat, Aloïs Laubergiste (dit le chafouin), qui est au courant de la démarche de Marie-Marie auprès de son « défunt protégé » (sic), se met en quête de Marie-Marie pour connaître ses sources et mener une enquête. Il la déniche à Genève. Ce qui fait, tiens-toi bien, Germain, qu’en réalité, c’est elle qui a motivé son voyage à Genève et son départ pour Montréal à bord de notre avion !

La fatalité, le hasard, les exigences de mon bouquin, tout a concouru pour que nous prenions le vol que Manson et sa funeste équipe se préparaient à détourner aux fins que tu sais. Etonnant, non ? Dis-moi que c’est étonnant, ça me ferait plaisir ! C’est étonnant ? T’es sincère ? Merci.

Bon, la suite, je te l’ai tellement racontée par le menu que ça te filerait la gerbe si je revenais sur ces péripéties effroyables. Sache qu’après Axel Heiberg, le grand forban abominable a fait poser le D.C. 10 dans un flot situé au nord-est du Canada. Un coin appelé l’île de Santambour ; endroit désolé s’il en est. On y a déchargé les trois quarts du minerai. Manson a fait procéder à un plein véritable (le carburant y était stocké). Il a alors donné l’ordre à l’avion de repartir, en sacrifiant deux de ses comparses chargés de braquer les pilotes, ainsi que quelques autres personnes qu’il avait emmenées. L’avion était piégé et devait exploser au-dessus de l’océan, assez près des terres toutefois pour qu’on pût repérer l’épave et retrouver accessoirement une partie du minerai. Ainsi on allait conclure, après cette catastrophe, à la faillite du coup. L’action policière s’éteignait. Un avion privé est venu récupérer Manson, ainsi qu’un de ses lieutenants (lequel gît sur le plancher de la vieille) et Marie-Marie.

— Il savait qui tu étais ? l’ai-je interrompue.

— Oui.

— Comment ?

Elle a baissé le nez dans l’échancrure de ma chemise. Son aveu a été formulé dans mes poils pectoraux, assez touffus, comme chez les vrais bandants.

— Parce que je lui ai dit. Il m’a torturée et je n’ai pas eu la force de résister ; d’ailleurs cet aveu n’avait pas grande importance et ne compromettait rien… que moi.

— Pourquoi t’a-t-il emmenée d’Axel Heiberg, si à ce moment-là il ignorait tes occupations ?

— Il les soupçonnait. Le fait que je sois en ta compagnie lui a mis la puce à l’oreille.

— C’est toi qui lui as parlé du conseiller Branlomanche ?

Un gazouillis de libellule me répond.

— Oui, j’ai honte. Il m’a brûlé la plante des pieds. J’ai encore très mal, tu sais.

— Je comprends. Il s’est pointé ici pour s’entretenir avec Branlomanche, lequel, à la suite de petits ennuis de santé, venait y faire un check-up discret.

Le reste, c’est à mécolle pâteux que je le récite :

Il a aperçu Spiel auprès de Branlomanche. Il aura filoché le gazier jusqu’au Frontenac et a décidé d’avoir une converse avec lui pour découvrir ce qu’il maquillait avec son complice. Mais quand il lui a rendu visite, nous étions dans la place, Béru et moi.

— En somme, dis-je après réflexion, les conteneurs de minerai se trouvent toujours en territoire canadien ?

— A moins qu’on ne soit allé les récupérer ces deux derniers jours.

— Je ne le pense pas. Ils auraient été transférés dans la foulée ! Sais-tu pourquoi ils sont ici ? Parce que la bande compte les revendre… aux Canadiens, ma chérie ! Aux Canadiens, tout simplement !

« C’est ça la seconde trouvaille géniale de Manson : on accrédite l’idée que le butin est anéanti, mais on le laisse dans le pays ! Ensuite, on a tout son temps pour négocier ! Toi, on te gardait par mesure de sécurité jusqu’à la conclusion des tractations, comme éventuelle monnaie d’échange au cas où Manson se serait fait alpaguer ! Du très grand travail effectué par une très grande crapule. La pire peut-être que j’aurai connue ! »

— Je vous demande pardon de vous importuner, tombe la voix affectueuse de Jérémie, mais voilà les ambulanciers. On leur fait emporter aussi le macchabe pendant qu’ils sont disponibles ?

— Attends un instant dans le couloir, mon adorée, dis-je à Marie-Marie. Il faut que je prévienne tonton que tu vis toujours, sinon il va tomber raide !

Sage précaution.

Raide, il l’est déjà, oncle Béru. Le braque des très grands galas culiers. Un monument érigé (tu parles) à la gloire du pénis humain !

La môme Louisiana est crucifiée sur le lit (croix de Saint-André seulement), mais quel tableau !

Le Chevalier du Panet est agenouillé dans la partie inférieure de la croix, ce qui est logique. Notre arrivée tempestive interrompt une intromission qu’on pouvait espérer fougueuse.

— Ah ! v’v’là les mousqu’taires ! Cette frangine, l’est duraille à décider, mais une fois lancée, faut pas y en promett’. J’l’entr’prends pour la quatrième édition du con sécutive. J’craindre qu’j’vas finir par y défoncer l’entresol ! ‘rheusement qu’il a du répondant, le Sandre !

« Oh ! faut qu’j’vais vous faire marrer. V’s’avez comment qu’é s’appelle d’son nom d’famille, Louisiana ? V’s’allez pas m’croire, mais c’est testuel : j’ai vu ses fafs : Bérurier ! Louisiana Bérurier. On a étudié notr’ arb’ zoologique. On n’est pas parents, d’après nos origegines. Moi c’est la branche alcoolique d’Normandie, elle c’est la branche syphilitique des Ardennes ; c’qui vous esplique que, pour la bouillave, on peut y aller franco de porc : aucune sanguignolité ent’ nous. Bon, si vous pourreriez m’la laisser finir à tète r’posée et fermer la porte en partant… »

— Non ! fais-je. Tu termineras mademoiselle plus tard, Gros. Rentre dans ton bénouze, je t’amène du monde !

Et puis alors là, ça se passe plus tard, tu vois ?

Au bar luxueux de l’hôtel devant les dry martinis comme Germain Lapierre sait les réussir : trois tiers gin, deux tiers Martini, un zeste de citron et une cerise confite en dévotion pour couronner.

Le lieutenant Laburne, de la police de Montréal et son adjoint, l’inspecteur Creuse, nous ont rejoints. Ils se sont pointés en fin d’après-midi. Pas contents que je me sois taillé de l’hosto d’abord, de Montréal ensuite, sans les avoir prévenus. Ils renaudaient mochement, les deux. Emettaient des miasmes en vociférant, nous fouettaient les frimes de postillons acérés, que même dans le Courrier de Lyon Hossein n’a pas trouvé les pareils !

Mais quand on leur raconte tout bien, qu’on leur montre Marie-Marie, qu’on leur annonce que le minerai est retrouvé et qu’ils ont l’occase de coincer le conseiller félon, ce soir, au moment où il récupérera l’appareil enregistreur ; quand on leur livre un aussi beau paquet en leur affirmant qu’ils en auront la faveur, vu que nous, le Canada, c’est pas notre terrain d’action, et qu’on les laissera se pavaner des plumes au cul du paon, alors voui, là, ils dodelinent, mettent la pédale douce, nous expriment leurs compliments émus, leur entière satisfaction ; nous montrent les photos de leurs madames et de leurs ravissants lardons.

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15

Je l'avais encore jamais faite !