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— Allons donc ! Par-dessus l’Atlantique ? N’oubliez pas que ce serait attirer l’attention des services spéciaux. Nous nous comporterions comme des espions, alors qu’il ne s’agit que de concurrence économique.

Alors à quoi servait donc le poste trouvé dans la cave d’Alberti, l’archiviste romain ?

— Mais, sur le territoire même des U.S.A., n’avez-vous pas d’autres correspondants ? Je serai toujours obligé de passer par vous ?

Le regard de l’Anglais se fit incisif.

— Qu’imaginez-vous ? Que nous sommes rattachés à un complexe mondial ?

— Je n’imagine rien, dit Kovask. J’estime que je vais assumer une responsabilité sans grande expérience.

Un silence suivit. Francis Grant paraissait réfléchit. La terrasse écrasée par le soleil rayonnait sa chaleur jusque dans la pièce, et le chauve ne s’en plaignait plus.

— Plus tard, nous vous donnerons une certaine formation. Mais, nous en reparlerons en temps utile.

Un stage devait être prévu pour transformer en agent redoutable le simple fournisseur de renseignement. Kovask aurait voulu obtenir le plus d’indications possible avant de passer à la contre-offensive. Dès son retour à Londres, il prendrait contact avec les services de l’O.N.I. des bases américaines. Il préviendrait également le commodore Gary Rice à Washington. Évidemment, il y aurait quelques difficultés avec les Anglais, mais il suffirait de les mettre devant le fait accompli avant ; de songer à coopérer avec eux.

Il ne parvenait pas à établir le motif qui poussait Francis Grant. Conviction politique ou argent ? Il n’avait jamais été question que du second. Pas une fois, l’homme n’avait fait allusion à une organisation on un pays coiffant l’immense réseau de la T.A.S.A.

— C’est tout ce que nous avions à nous dire, dit Francis Grant. Je vais rentrer tout de suite à Londres. Demain, au bureau, soyez aussi naturel que possible.

— Nous reverrons-nous ? demanda Kovask. Peut-être dans la semaine, pour quelques mises au point, mais inutile de prévoir cette rencontre à l’avance. D’ailleurs, ce que j’aurai à vous dire, alors, n’aura qu’une importance relative, et sera fonction des dernières nouvelles sur l’installation de la filiale de New York.

Il refusa une cigarette que lui offrait Kovask, parut hésiter avant de demander :

— Vos relations avec lord Simons m’ont paru cordiales. Il est un ami de votre père ?

L’Américain réussit à produire un sourire mi-figue mi-raisin.

— Il y a certainement plus d’honneur à être son ami que celui de mon père. Ils se sont connus autrefois, et j’ai un peu forcé sur la note sentimentale pour obtenir une situation.

À nouveau, l’œil de l’Anglais se fit inquisiteur.

— Lord Simons se laisse difficilement attendrir. Vous avez eu beaucoup de chance d’être accepté par lui.

Moira, elle-même, paraissait intriguée. Il était temps de les apaiser à ce sujet.

— Disons qu’il s’agit du paiement d’une dette de gratitude. Un homme tel que notre grand patron ne peut supporter de devoir quelque chose à quelqu’un. Non, par reconnaissance ou sens de l’honneur, mais surtout, par orgueil.

— Pouvez-vous nous donner d’autres précisions ?

Kovask secoua la tête.

— Désolé, mais j’ignore tout de la question. Le silence qui suivit fut assez éprouvant. Le lieutenant commander ne se faisait pas trop de souci. L’essentiel était de pouvoir leurrer le couple jusqu’au lendemain, c’est-à-dire jusqu’à l’intervention de ses collègues de l’O.N.I. Un peu plus de vingt-quatre heures, en fait.

— J’espère que vous pourrez nous fournir toutes explications au cours de cette semaine.

Il prit un air ennuyé.

— Je ne vais quand même pas demander à lord Simons des détails sur les motifs de sa reconnaissance envers mon père ?

— Débouillez-vous. C’est très important pour nous et ça pourrait être évidemment très utile.

Bien sûr, dans le cas où il se serait agi d’une histoire un peu malpropre, de façon à pouvoir en cas de nécessité obtenir le silence du vieux lord.

— Vous pouvez écrire à votre père, lui demander des précisions. Inventez un motif quelconque.

Kovask prit un air ennuyé pour mieux jouer son rôle et donna son accord. Lorsque la Jaguar métallisée de Francis Grant escalada le chemin, il aurait donné cher pour pouvoir la suivre.

Câline, Moira glissa son bras sous le sien.

— Content ?

— Oui. Je ne m’attendais pas à lui. Elle sourit.

— Pour qui allons-nous travailler exactement ? demanda-t-il.

Elle se détacha de lui, fit quelques pas sur la terrasse avant de se retourner.

— Que t’importe ?

— C’est interdit d’en parler ?

Faisant la moue de ses lèvres rondes, elle parut excédée.

— Écoute, si nous évitions de mélanger le travail et le plaisir ? Il nous reste encore un après-midi à passer ici. Nous pourrions rentrer dans la nuit. Qu’en penses-tu ?

— Tu as raison. Nous verrons tout cela un autre jour.

CHAPITRE XIV

Eileen Gynt, la petite rousse, lui fit signe alors qu’il passait dans le couloir. Elle referma la porte du bureau derrière lui.

— Je suis passée vous voir, hier après-midi. Je pensais que vous vous morfondiez dans votre chambre d’hôtel, mais j’ai appris que l’oiseau s’était envolé depuis vendredi soir.

Kovask la regarda avec inquiétude. Si Moira et Grant apprenaient qu’il avait quitté Londres la veille et non le samedi matin, ils lui poseraient des questions embarrassantes. Kovask avait alerté les services de l’O.N.I. On ne lui avait rien promis avant le début de l’après-midi. Il avait fourni le signalement de l’homme et de la femme. Maintenant il lui fallait patienter, attendre les décisions de commodore Rice. Il espérait en finir dans la journée et celle-ci risquait d’être longue.

— Une occasion, dit-il. Des amis qui m’avaient invité.

— Ou une amie, dit-elle avec un sourire complice.

Il eut l’impression qu’elle essayait d’en savoir davantage.

— Moi qui vous plaignais un peu d’être seul dans cette grande ville, je vois que vous vous débrouillez bien.

Ouvrant son tiroir, elle y prit un paquet de cigarettes dont elle fit sauter le haut, tapota au fond. Après s’être servie, elle le poussa vers lui.

— Tenez, le calumet de la paix. Posez votre fesse sur le coin du bureau et dites-moi ce que vous pensez de la maison.

La question était normale, mais il avait l’impression que la jeune femme avait une intention cachée.

— Eh bien, c’est assez sympathique.

— Vous trouvez, vous ? Arrivez-vous à trouver de quoi respirer dans cette partie de l’immeuble réservée au bureau d’études ?

Kovask sonda ses yeux gris verts. Elle les maquillait habilement pour donner de la profondeur à son regard, mais il pensa que ses cils devaient être roux, eux aussi, et pratiquement invisibles, lorsqu’elle n’utilisait pas de crayon.

— J’ai l’impression que vous ne vous aimez guère les uns les autres dans cette maison.

Elle pouffa.

— Dites que nous nous haïssons. Ce sont tous des faux jetons. Surtout Francis Grant et Moira Kent.

— Seriez-vous jalouse ? murmura-t-il.

Eileen haussa les épaules et quitta son siège pour s’approcher de lui.

— De qui ? De Grant ? Il n’en vaut pas la peine. Mais, il se passe ici des choses étranges. Il y a des années que j’essaye de savoir, de deviner. N’avez-vous rien remarqué ?

Malgré toute la prudence du couple, y avait-il eu quelques fuites ou bien Eileen était-elle une petite futée ?