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On toqua à peine à la porte et Moira entra, les vit ainsi à quelques centimètres l’un de l’autre. Un sourire ambigu étira ses lèvres.

— Lord Simons demande à Serge de se rendre dans son bureau.

Eileen désigna le téléphone.

— Ce truc-là est-il démodé que vous quittiez votre antre pour venir jusqu’ici ?

Kovask descendit au premier étage et fut tout de suite introduit dans l’immense bureau de lord Simons. Ce dernier était en compagnie d’un homme jeune aux cheveux coupés court, à la stature athlétique.

— Commander Davis. Selon vos instructions j’ai pris contact avec lord Simons. Nous gommes prêts.

Serge poussa un soupir de soulagement.

— Parfait. Combien d’hommes ?

— Dix. Ils ont tous le signalement des suspects. L’immeuble est totalement encerclé et ils ne peuvent nous filer entre les doigts. Lord Simons nous a donné le plan de situation.

Le vieux lord intervint.

— J’étais assez gêné dans tontes ces histoires mais le commander m’assure que votre secrétaire d’état à la marine va contacter le gouvernement de Sa Majesté.

— Il fallait avant tout les empêcher de filer, dit Kovask. Seul, ignorant des complicités dont ils peuvent disposer dans l’immeuble ou à l’extérieur, je ne pouvais risquer leur neutralisation.

— Vous allez agir avant midi ?

— Oui, dit Kovask. Je ne veux pas courir le risque de les voir disparaître au cours de l’interruption de treize à quatorze heures.

Le commander Davis approuvait. Le vieux lord se leva et fit quelques pas. Sa jambe artificielle paraissait le gêner plus que d’habitude.

— Vous êtes certain à leur sujet ? … Votre coup de téléphone de ce matin ne m’a donné aucune précision.

Kovask sourit. Il avait dû user d’une grande prudence pour avertir lord Simons de ses découvertes.

— Je ne dispose évidemment que de ma parole, mais je compte provoquer une réaction chez eux.

Il se tourna vers le commander Davis.

— Faites surveiller la fenêtre du couloir dans cette partie de l’étage réservée au bureau d’études. Dès que je l’ouvrirai, ce sera le signal. Tous vos hommes devront se tenir en état d’alerte.

— Plusieurs se tiendront dans le hall de réception à la surveillance des ascenseurs.

Le commander Davis sortit un automatique plat de sa poche, un 7.65 et le lui tendit.

— Voici ce que vous aviez également demandé.

Lord Simons contemplait l’arme d’un œil froid.

— Pensez-vous qu’ils résisteront ?

— Je l’ignora. Ils peuvent disposer d’un système de protection qui nous obligera à riposter.

— Dans les autres services ?

— C’est possible. À l’extérieur également. En quinze années, Francis Grant a eu grandement le temps de perfectionner son organisation. Maintenant, je vais aller les rejoindre. Je vais essayer de les bloquer, tous les deux, dans le bureau de Grant. Ce ne sera pas facile, car l’un et l’autre jouent la comédie de la mauvaise entente.

D’un sourira, il s’efforça de rassurer le vieux lord.

Nous ferons tout pour que l’affaire se passe en catimini et que le personnel reste ignorant Jusqu’au bout.

Lord Simons retourna à son fauteuil, se frappa sur la cuisse pour plier sa jambe.

— Je sais que je peux compter sur vous, mais je ne crains pas le scandale. Il faut expurger tout le mal. Ne rien laisser subsister dans mon personnel et dans celui des filiales.

Lorsqu’il revint au deuxième étage, Moira semblait l’attendre dans le corridor.

— Tu viens de voir le patron ?

— Il voulait savoir si tout allait bien. Je l’ai trouvé un peu bizarre.

La jeune femme se raidit.

— Que veux-tu dire ?

— Êtes-vous certains qu’il ne vous fait pas suivre par un détective privé ?

Elle lui prit le bras.

— Ne restons pas là, allons dans mon bureau.

— Pourquoi pas dans celui de Grant ?

— Il n’est pas là pour l’instant. Il est allé aux archives dans les combles. Viens.

Eileen sortit sur le pas de son bureau, les surprit ainsi, la main de Moira crispée sur son bras.

— Est-ce un enlèvement ? Dois-je appeler ?

— Fichez-nous la paix, sale rouquine. Kovask eut l’impression que Moira y allait un peu fort. Eileen pourtant se contenta de hausser dédaigneusement les épaules et claqua sa porte.

— Une véritable peste.

Une fois chez elle, la jeune femme s’adossa à la porte.

— Que voulais-tu dire ?

— Il m’a demandé ce que j’avais fait durant le week-end. J’ai répondu que je m’étais promené et il n’a pas paru enchanté de ma réponse. Il m’a conseillé de surveiller mes fréquentations.

Moira était très pâle. Il avait réussi à l’inquiéter suffisamment pour qu’une entrevue immédiate avec Francis Grant devienne nécessaire : ce qu’il souhaitait.

— Ne fais pas cette tête, dit-il. Viens t’asseoir.

Il la porta presque jusqu’à son fauteuil. Elle tremblait dans ses bras.

— Mais quelle imprudence as-tu commise ? dit-elle soudain l’air furieux.

— Moi ?

— Qui d’autre ? Indigné il croisa les bras.

— Alors tu crois que c’est moi qu’on a suivi ? Je suis certain qu’un détective privé nous a vus à Abbotsburry. Il a dû également noter la présence de Grant, hier matin. Lord Simons est très inquiet, car voici plusieurs jours qu’il n’a pas reçu de nouvelles de Thomas Hacksten.

Ce nom accentua le désarroi de la jeune femme.

— Il t’a parlé de lui ?

— Oui et j’ai trouvé étrange qu’il le fasse à propos de mon week-end. Il m’a ensuite conseillé d’être prudent. Il faut croire qu’il vous tient à l’œil.

Moira décrocha l’interphone et appuya sur la touche du bureau de Grant.

— Il n’est pas encore là.

Kovask lui-même commençait à s’inquiéter de cette absence.

— Téléphone aux archives.

— Attendons encore un peu. On pourrait trouver ça bizarre. Donne-moi une cigarette.

Elle la fuma nerveusement, tandis que Kovask la surveillait du coin de l’œil.

— Tu crois que toute la combine est fichue ? Après tout, nous ne risquons qu’une mise à la porte.

— Oh ! tais-toi, dit-elle. Tu parles comme un imbécile.

— La lune de miel est vite terminée à ce que je vois, dit-il d’un ton placide en allant s’asseoir à l’écart.

Elle essaya de se rattraper.

— Excuse-moi, mais je suis sur les nerfs. Depuis quelques jours, j’ai l’impression que quelque chose cloche.

— Pourquoi t’inquiètes-tu de Thomas Hackaten ? Il est pour quelque chose dans l’histoire ?

— Non, bien sûr.

De ses dents courtes, elle mordillait sa lèvre inférieure, en enlevant le rouge.

— Ne me pose plus de question. Attendons d’aller voir Francis.

On frappa et William Turner l’Écossais entra dans la pièce portant des coupures de presse.

— Je vous les rends. Dites donc, vous deux, vous avez l’air de sombres conspirateurs ?

Kovask sourit.

— Je lui raconte ma vie et elle n’a rien de folichon.

Quand ils furent seuls, Moira réussit à sourire et appela les archives, raccrocha tout de suite après.

— Il doit être dans son bureau.

— Tu ne l’appelles pas ?

— Je vais aller voir et je te ferai signe.

Quand elle fut sortie, il alla jusqu’à son bureau et ouvrit le tiroir central. Il découvrit un petit automatique dans le fond, caché sous des cartes de visites. Il en sortit le chargeur, le vida de toutes ses balles. Il en fit un paquet qu’il jeta sur un classeur haut de deux mètres. Dans le couloir il essaya en vain d’ouvrir une fenêtre, s’acharna jusqu’à ce que Eileen attirée par le bruit sorte de son bureau.