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— Venez avec moi. La fille n’est pas un otage mais une complice. Leur voiture est plus haut.

Le brouillard artificiel était un avantage pour tout le monde. Son compagnon fit un signe à un autre malabar allongé un peu plus loin.

— C’est du bidon, lui cria-t-il. La fille est des leurs.

— Ils vont vers une Jaguar à dix ou vingt mètres.

Francis Grant et les deux femmes avaient certainement été retardés par la descente et la traversée du hall. Même avec un otage factice, l’opération n’était pas facile, et ils avaient dû vouloir jouer la comédie jusqu’au bout.

Kovask les aperçut auprès de la voiture métallisée. Il se mit à rire. Francis Grant fouillait ses poches avec fébrilité, certainement à la recherche de ses clés. Les deux femmes s’impatientaient auprès de lui. Un type allongé plus loin les visait avec son pistolet mitrailleur. Le lieutenant commander tira et fit mouche.

— Ils nous les faut vivants, dit-il à ses deux Compagnons.

— Un autre tire depuis le trottoir en face et impossible de le voir. Il arrose régulièrement entre nous et la bagnole. Faudrait crever les pneus d’abord.

Kovask rejoignit les façades et les suivit, arrivant bientôt à hauteur de la Jaguar. Moira le vit la première. Elle avait glissé sa main dans son foulard noué autour du cou.

— Là, hurla-t-elle.

L’Américain visa Francis Grant aux jambes.

De l’autre côté de la rue, le tireur inconnu faisait sauter des bouts de trottoir à quelques centimètres de lui.

Grant sursauta, une balle dans le mollet, mais il ouvrit la portière, poussa Eileen et Moira à l’intérieur de la voiture. Kovask apprécia le geste, reconnut que le chef du réseau gardait son sang-froid jusqu’au bout, tira dans un pneu. La balle fut déviée par la jante. Il tira une seconde balle, sentit une brûlure à l’épaule.

Moira tirait par la vitre baissée, de la main gauche. Déjà le moteur de la puissante voiture grondait. Il vit nettement Francis Grant prendre quelque chose dans la boîte à gants, le passer à Eileen qui descendit également la glace. La grenade roula jusqu’à lui et il la renvoya instinctivement d’un coup de pied jusque sous la voiture à l’instant même où celle-ci démarrait. L’engin éclata alors que le véhicule avait décollé d’un bon mètre du trottoir.

Kovask s’était planqué derrière une autre voiture, mais il vit le pneu arrière gauche complètement déchiqueté par l’explosion. La voiture, déséquilibrée par le puissant démarrage, pivota sur elle-même et traversa la rue.

Le tireur de l’équipe de Meredith la vit arriver sur lui et, dans un geste d’affolement braqua sa mitraillette sur elle. Le pare-brise vola en éclats. L’homme fut fauché en pleine action, écrasé contre la façade avec tout l’avant de la Jaguar.

Kovask et les deux hommes de Davis arrivaient. Le lieutenant commander plaqua Francis Grant au sol alors que ce dernier se dégageait de la voiture. Il lui colla au corps, le culbuta. Le crâne de l’homme frappa sèchement le trottoir et il resta K.O.

Les yeux fous, hurlant de terreur, Eileen sortait également de la voiture et en pleine crise de nerfs se débattait entre les deux agents de l’O.N.I.

En se relevant, Serge aperçut Moira. Elle était restée immobile sur le siège avant. Il s’approcha, vit les deux trous sombres de son front.

Davis, le reste de ses hommes, des policiers en uniforme et en civil arrivaient.

— Que s’est-il passé ? Vous n’avez pas ouvert la fenêtre, lui reprocha le commander.

— Ils m’ont eu au dernier moment.

— Mais que faites-vous avec elle ? C’était l’otage de ces deux salauds, dit Davis à ses deux hommes qui tenaient toujours Eileen.

— Non, mon vieux. Tous les quatre étaient complices. Toute l’équipe sauf le malheureux Thomas.

Le commander le présenta à un contrôleur de la spécial branch de Scotland Yard.

— Mais Turner alors ?

— Là-haut. Je vous expliquerai.

— Nous avons capturé trois hommes de l’équipe de soutien. Les autres ont réussi à fuir.

— Je connais le nom du gars qui les commande, Meredith.

Le contrôleur hocha doucement la tête.

— Il est connu chez nous. Nous pourrons le retrouver dans des délais raisonnables.

Des policiers se penchaient vers Francis Grant et l’un d’eux lui tâtait le pouls. Il sourit.

— Simplement assommé, dit-il.

— Il a aussi une balle dans le mollet, dit Kovask. Mieux vaudrait le soigner rapidement, car vous aurez certainement besoin de lui.

Dans la rue, le brouillard artificiel et les gaz lacrymogènes commençaient à se disperser. Davis posa sa main sur l’épaule de Kovask qui grimaça.

— Du bon travail mon vieux.

Kovask jeta un coup d’œil à son veston, vit qu’il avait été labouré sur plusieurs centimètres. La peau avait dû être entamée.

— Tout cela à partir de l’histoire de l’ELBA à Gênes.

Kovask sortit ses cigarettes.

— Dès que j’ai deviné que les gars se servaient de la T.A.S.A. comme couverture j’ai pressenti quelque chose d’énorme.

Il se retourna pour voir placer Francis Grant sur une civière.

— L’ennui, c’est qu’une foule de renseignements vont rester dans ce pays. Et nous n’y pouvons rien.

— Le commodore Rice devait entrer en contact avec le M.I.5, dit le commander Davis. Espérons que nous ne serons pas trop tenus à l’écart. Dans les conditions présentes nous ne pouvions agir sans l’accord et le soutien des autorités anglaises.

— Allons retrouver William Turner. Ils vont peut-être l’oublier pendant quelques heures et nous pourrions lui soutirer quelques tuyaux.

Ils échangèrent un clin d’œil et se dirigèrent vers le hall de la T.A.S.A. Lord Simons avait dû remonter dans ses bureaux. Ils prirent l’ascenseur jusqu’au deuxième étage.

Toujours attaché au radiateur de chauffage central, William Turner venait juste de reprendre connaissance. Son regard se fit sombre lorsqu’il les vit entrer.

CHAPITRE XVII

Avant son départ pour les U.S.A., Serge Kovask vint rendre une dernière visite à lord Simons. Le président directeur général le reçut avec une chaleur qui sortait de son flegme habituel.

— La spécial branch, le M.I.5 commencent à y voir un peu plus clair. Ils ont découvert les archives de Francis Grant dans sa maison de Londres et également dans ce qu’il appelait son repaire sur la côte du Suffolk.

Il accepta le cigare que lui offrait lord Simons.

— Le dépouillement a donné de grandes surprises. De nombreux faits ont pu être expliqués. Des sabotages dans tous les secteurs industriels et économiques. Quant aux renseignements glanés par le réseau, il y en a des milliers.

— Mais pour qui travaillaient-ils ?

— Pour eux. C’est à peu près certain. Parmi leurs acheteurs, beaucoup de pays communistes évidemment, d’autres, comme l’Égypte et Cuba. Certaines archives sont assez embarrassantes.

Lord Simons fronça ses sourcils blancs.

— Voulez-vous dire que le gouvernement de Sa Majesté …

— Le gouvernement non, mais certains services oui. Il y a aussi la France et l’Allemagne. L’organisation était telle que jamais les acheteurs ne se doutaient que leurs pourvoyeurs puisaient également chez eux, organisaient des sabotages, des attentats.

— C’est incroyable, murmura lord Simons. Ils ont dû amasser une fortune ?

— On a trouvé plus de cent mille livres dans le coffre de Francis Grant, mais il doit avoir d’autres cachettes. Dans l’appartement de Moira Kent, les policiers ont mis la main sur trente-cinq mille livres.