— Seul un jumeau…, balbutié-je. Seulement Karim Kanular n’en a pas !
Le Rouquemoute profère quelque chose que je n’ai pas entendu.
— Comment ? lui fais-je.
— Je te demandais si tu regardais « Les Nuls » à la télé.
— Que veux-tu que je regarde d’autre, en dehors des actualités ?
— En ce cas tu te délectes des gueules de gens célèbres qu’on y trouve reproduites.
— Tu ne vas pas comparer !
— Antoine, serais-tu rétro ? Dis-toi que ces masques qu’on a fait caricaturaux, peuvent être d’une hallucinante fidélité si on le désire. Il est facile de reproduire le visage de n’importe qui, au point que les proches du sujet se laisseraient abuser.
— Dès lors, tout est possible, murmuré-je.
— Exactement, Antoine. Je suis même surpris qu’on n’ait pas tiré parti de cette nouvelle technique à des fins criminelles.
— On dirait que ça commence.
Le Rouquemoute reste pensif.
— Cela a peut-être débuté depuis un certain temps et personne n’avait encore eu vent de la chose.
— Pourquoi pas ? Dis-moi, les deux quilles de rouille qui t’ont été remises ont été apportées par qui ?
— On les a déposées pour moi, en bas.
— Qui ?
— Je vais m’informer, ne quitte pas.
Quand il revient en ligne, c’est pour me dire que le champ’ a été confié au factionnaire par un chauffeur de taxi.
Dans le fion, la balayette !
LE FION
La partie est lancée. Sa Majesté s’est positionnée pour une levrette éléphantesque. Mme Solange est maintenant agenouillée dans le fauteuil qu’elle comblait (non pas d’aise, mais de son monstrueux cul). Accoudée au dossier, elle dérouille avec liesse les coups de boutoir d’Alexandre-Benoît qui l’a entreprise, comme le pic pneumatique entreprend la montagne en passe d’accoucher d’un tunnel. Il procède par larges et profondes fourrées, poussant des reins avec des « han ! » de bûcheron. Sans cesser de commenter ses prouesses, avec sa logique coutumière, il dit :
— Faut qu’m vas m’renseigner, Poulette. Dans tout’ c’ t’ bidoche, j’sus pas certain d’la mise en place à m’sieur Popaul. Y s’peuve qu’ j’égare dans des bourrelets. J’voudrerais pas déflaquer à côté d’la gagne, Trognon. Tu m’sens bien, au moinss ? C’est vrai, t’es sûre, j’sus dans le jack-pote ? J’peuve pousser les feux, c’est corrèque ? Biscotte si j’m’ trouvererais à côté du bonheur, tout c’qu’ tu y gagneras c’est d’l'irritance dans les pourtours, chérie. Non ? J’ r’monte bien les Champs-Zélysées ? Jockey. N’en c’ cas, j’envoye la brigade sauvage. Cramponne-toi au bastringage, va y avoir du gros temps, p’tit mousse.
« C’t’ crampe, faut aller la livrer à domicile, et avec un pareil paquet d’cul ça pose des problos. M’enfin j’en ai tiré d’autres, espère ! Qu’étaient pas toutes brodées à la main ! N’entr’ aut’ une giante dont elle a failli m’étouffer pendant qu’j’y f sais minouche ! Reus’ment que j’avais mon pistolet en fouille, y m’a permis d’donner l’alerte pour qu’on vinsse m’délivrerer.
« Oh ! dis donc, p’tite fée, mais tu gazouilles ! Tu découles en pâmade, on dix raies ? J’te sens v’nir un d’ces organes pas charançonnés, chérie. J’d’vine qu’tu vas gueuler au panais dans moins d’peu, mon zoisiau ! Toi, c’est l’essence qui t’mène. Mahousse comme t’es, tu dois panarder dans l’style Mare au Diable, j’ présage. Faut écoper après la séance ! R’joind’ la rive à la nage ! Vas-y du baba, ma jolie. Laisse-moi t’câliner les babines n’en même temps, qu’ça t’accrusse le charme.
« Quoi ? Allons bon, qu’est-ce qui vient ? Ah ! le facteur ! Y tombe mal, ce con. Bonjour, facteur ! Un r’commandé ? Posez-le su’ la table. Quoive ? Une signature ? Donnez vot’ carnet. Hein ? Faut qu’ ça soive maâme ? V’voiliez bien qu’elle est occupée. J’peuve pas l’interrompe, elle va pâmer d’une seconde à l'aut’. Ça lu carbonis’rait les sens. Grosse comme elle est, y aurait d’quoi y déclencher une crise cardiaque ; faut pas jouer av’c la santé, mon grand. Tu vas pas m’assassiner c’t’ vaillante gerce pour un’ signature ! C’est passib’ de corréquetionnelle. Laisse-moi l’temps qu’j’iu procède à la mise à feu.
« Assoive-toi, j’en ai pour dix s’condes montre en main. La fantasia cosaque, mon pote ! T’auras rien vu d’tel. Prends-en d’la grain’, si tu voudras d’viendre une étoile de sommier. Mate, fiston : une paluche su’ chaque meule. Et n’aye pas peur d’enfoncer les ong’ dans la bidoche, qu’é souffrasse un brin, ça pimente. V’là la décarrade annoncée à l’estérieur ! Tu la vois démener du fion, ma p’tite Miss Univers ? Je la grimpe en mayonnaise à cinq cents coups minute. A n’sait pu où qu’elle en soit ! Tu l’entends gueuler, dis, La Poste ? Ça c’est d’l’embroque de prestige, mec ! Le tourbillon géant ! A n’est pas prêt’ d’pouvoir se s’asseoir.
« Oh ! mais a crispe d’la bagouze, Miss Folie ! M’fait l’étau du diab’ en pâmoisant ! Douc’ment, fillette, j’ai déjà donné et mon panais est tout dolorié de mon emplâtrage précédent. Tu vois, facteur, comme ça chope very well son fade une grosse vachasse tell’ qu’ maâme ? Oh ! la la ! E m’fait Versailles ! C’est la féerique su’ l’ Grand Canal d’ l’urèt’, les Grandes Eaux ! Oh ! puis tiens, j’tire pas ma crampe personnelle, j’la garde pour mon quatre-heures. Tu peux lu faire signer, maint’nant, facteur.
« C’est à quel sujet, ce faf recommandé ? Le Trésor biblique ! Et c’est pour ça qu’tu viens nous perturbationner, Pé-et-Té ? Quand on n’a qu’ des fafs commak à délivrer, on les fout dans un’ bouche d’dégoût, n’au lieu d’faire chier les gens qui baisent. Cancrelat ! »
J’ai attendu la fin de la tirade avant de m’esbigner. C’était trop mobilisateur pour que je m’en aille en cours de diatribe. En cette époque d’indifférence et de mépris généralisés, il faut savoir respecter les grands textes.
Maintenant, après le coup de chiftir réparateur, les deux monstres vont claper les victuailles apportées par Casanova. Leurs ébats réclament réparation. Ça épuise, l’amour. L’essorage des glandes dévaste un organisme, même parfaitement équipé.
Retourne à ton enquête, Sana, et fais diligence comme disait Lesurcq au bourreau en montant sur l’échafaud.
FLUTE DE PANPAN
C’est au claque de la dame Mina que je me rends, attiré par l’atmosphère mystérieuse et déculottante qui y règne.
Et c’est là que je retrouve le révérend Pinaud qui semble, lui aussi, sous le charme trouble de cette aire de repos dévolue aux bas instincts.
Il est en train de s’offrir les services expérimentés de la belle Sandra dont les manières mondaines l’impressionnent. Moyennant une royale rétribution, il pratique à cette personne émérite un cunnilingus perpétré avec une technique dûment affûtée, mais malheureusement perturbée par un début d’asthme mal contrôlé.
César à l’établi, ça justifie une visite guidée ! Sa partenaire, largement retroussée, est installée sur une table d’auscultation gynécologique dans la posture la plus appropriée qui soit. Le digne Pinuchet se tient assis entre ses brancards et procède en conscience, avec un déplacement de langue ascensionnel, lent et régulier, qui donnerait beaucoup de satisfaction à Sandra, s’il ne l’accompagnait d’un va-et-vient de son médius et de son index droits par trop imprégnés de nicotine (C10H14N2), laquelle provoque une cuisance démobilisatrice dans la chattoune de l’excellente femme.