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Je la frappe.

Jusqu’à ce qu’elle soit entièrement nue.

Beau carrosse.

Opulent.

Mais assez harmonieux. Une certaine grâce de statue antique. La peau sympathique. La toison aristocratique. Le maintien de grande classe.

Et alors, ah oui, alors…

Cette technique !

Cet outillage !

Cette imagination…

Tu ne peux pas savoir tout ce qu’elle me fait et me fait lui faire avant qu’on arrive à l’inéluctable.

Je te passe les pots d’onguent (ne les laisse pas tomber) qui servent à oindre nos points chauds pour leur assurer un maximum d’efficacité. Franchement, je peux te confier (juste ça, et puis j’arrête), que mon popaul à roulettes me semble avoir triplé de volume. J’atteins le point d’éclatement. Il va imploser comme une vieille téloche, mon ziboche. Poum ! Se disperser dans la nature, coller au plaftard, sur la glace où je nous vois mille, comme si une armée de Santonio triquait à mort. Les archers de Darios, la lance en avant, Mec ! Dis, t’as vu Persépolis ? Non, j’ai vu percer personne ! Chinois !

Et je te passe les petits colliers de bull-dog, en poils de blaireaux pour s’attacher au gnougnouf. Et les rubans à grelots. Et les zizis mignons à se carrer où je peux te montrer quand on se reverra. Et les vibro-trampolinges, dis ? Tu ne connais pas ? T’aimerais, pour tes étrennes ? Dans un bel emballage-cadeau ? Et les picous magiques ? Les gode-mornings à plumes ? D’autruche ! Les lanières ardentes ? Les spasmes ultra-violets ? dont faut pas attarder parce que t’as les roustons qui bronzent et qu’en insistant tu risquerais une brûlure au troisième degré. Oui, tout ça, elle me déballe. Ça fait passer le temps. Y’ en a qui préféreraient classer leur collection de timbres. Chacun ses goûts. Pour ce qui me concerne la part, j’aime mieux les jeux de la marquise. C’est moins minutieux, tu comprends ? Y’a pas besoin de pinces.

Après qu’on a forniqué à outrance, pris des risques extrêmes dans les positions et juxtapositions ; après qu’on se soit eus, quittés, repris, mis à l’envers, à l’endroit, par-devant, par-derrière, par la poste, par le prose, par la pose. Après qu’on a eu glandé tout son chien de saoul. Gesticulé, crié, applaudi. Après qu’on se soit extasié, dévidé, vidé jusqu’à la doublure, la chère marquise m’accorde une cuisse de poulet froid, un verre de chianti, un cigare qui sent le fond de chaudron, une dernière pipe, mes vêtements et consent à me raccompagner elle-même jusqu’au Thermos, pour m’éviter d’attirer l’attention, puisque le propre des hommes traqués c’est d’être seuls.

Nous nous apprêtons à quitter son somptueux appartement (je te joins pas le descriptif, elle est pas vendeuse), lorsqu’un coup de sonnette déchire, comme on dit familièrement, le silence moelleux où qu’on reprenait nos esprits.

— Qui a le front de nous visiter à pareille heure ! s’insurge-t-elle. Ce ne peut être un livreur ?

Fectivement, la pendule de marbre blanc du salon certifie dix heures.

— Il s’agit peut-être de la police, émets-je.

— Vous croyez, bel amant ?

— Il est possible qu’elle procède à une contre-vérification.

— Le toupet de ces argousins est sans borne. C’est bon, cachez-vous…

Elle me désigne une grande horloge dans le vestibule, au coffrage en dorures moulurées (ou en moulures dorées, au choix). Un homme peut s’y tenir debout, d’autant qu’elle n’a plus ni poids ni balancier.

Je m’insère dans la carcasse opulente du meuble et la chère femme requiert son Anna d’aller ouvrir, car la petite momie de service a fait sa réapparition et semble avoir totalement oublié la manière intempestive dont je me suis présenté ici.

— Vous désirez, signore ? chevrote la reine (douairière) du plumeau de cérémonie.

— Un paquet pour la marquise, dit le messager.

— Il y a quelque chose à signer ?

— Non, non !

— Attendez, je vais vous chercher un petit pourboire, annonce l’Anna.

— Pas la peine, M’dame…

La porte se referme.

San-Antonio jaillit de sa caisse d’horloge comme un coucou suisse, mais au lieu de coucouter dix plombes, il bouscule (une fois de plus) la servante et se précipite dans l’escadrin.

T’as entendu parler de l’instinct, dis, ticket troué ?

Eh bien, lui !

En personne.

L’instinct qui t’élance sans que tu aies eu à prendre de l’élan. Qui te propulse d’office. Je me dis, sans me le dire vraiment, mais tout en me le disant : « Dix heures du soir ! Un livreur ! Un paquet ! Le livreur est pressé et ne veut pas de pourboire. Pas de pourboire ! Ça, surtout ! Un livreur. Et italien qui de plus surcroît est ! »

— Marquise, surtout n’ouvrez pas ce paquet ! écrié-je avant de franchir son seuil.

Et puis je dévale.

Et puis je débouche dans la Via Bilité.

Qu’est pas vide, parce qu’une rue italoche, à dix heures du soir en été, ça me ferait mal aux seins. Mais le nez en moins, personne ne se trouve à promiscuité du porche. Je vois juste un gus qui court burnes à terre (ventre, il ne courrait pas si vite). Je décide de le poursuivre. Et si possible de le rattraper.

Et j’ai bien raison.

Vu qu’à peine j’ai franchi deux cents mètres une explosion monumentale se produit. Bouge pas, mettons-nous bien d’accord, prenons notre temps et pesons nos termes. Y’ a explosion et explosion.

Un bouchon de champagne qui saute produit une explosion. Une bombe H qui champignonne itou. Celle que je te fais état se situe, au plan des décibels, à trois mètres cinquante de la bombe H. Je me retourne… Tu sais, les mignards de cinq-six ans, quand ils se mettent à effeuiller leurs ratiches ? Ils perdent celles de devant en premier, ce qui leur fait des brèches dans le sourire. On dirait franc des petits monstres exquis, mignons Dracula, vampires à visages d’angelots. Eh ben, le côté impair de la Via Bilité a une méchante brèche dans la denture. Tout l’immeuble de la marquise vient de descendre au rez-de-chaussée, d’urgence. D’un coup, d’un bloc, entraînant dans sa chute une bonne partie de celui d’à-côté qui le tutoyait en mitoyenneté. Vrzoum ! Tout le monde en bas. Y’a plus de vitres dans le quartier. Tout est plâtras, gravats, nuage, ruines, mort, sans et eau (les conduites dans ces cas-là, c’est kif-kif les veines). En un instant. L’anéantissement, que je te dis. M’est avis que la pauvre marquise a dû ouvrir son pacsif, malgré mon avertissement. Ou bien n’alors celui-ci contenait une bombe toute réglée. La chute de la Maison Usher. Manque de Poe ! Bim-boum-flac… En tas. Au tas. Décombres et de profundis. Quand le bâtiment va, par terre, rien ne va plus.

Le temps de réaliser, de respirer un grand coup l’air saturé de plâtre, et puis je continue de courser le saligaud qui se taille là-bas, tout là-bas dans une rue obscure. Une chignole l’attend. Une petite Fiat 600. Il s’y jette. Pour lors, qu’est-ce qu’il fait, le Santantonio ? Un mec, attiré par l’explosion se pointe à Vespa. L’Antonio lui barre la route.

— Caisse hisse passe ? demande le gus en stoppant, mais il le demande en italien.

Je lui tire une patate au bouc. Il est éjecté de son siège que j’enfourche en ses lieu et place pour continuer ma filoche. La petite pompe est au bout de la rue. Deux mecs à son bord : celui qui vient de s’y engouffrer et un autre qui l’attendait. Je les distingue tout juste. Je mets tous les gaz de mon bolide, mais cette Vespa, tu veux que je te dise ? Elle est au bord de la dépression nerveuse. Elle cliquète, hoquète quéquète, squelette en répandant un nuage d’huile surchauffée. Pour la faire avancer, faudrait l’atteler à un triporteur.