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Malko but une gorgée de café.

— Mais ce Miroslav Benkovac ne réalise pas cela ?

— Il ne se rend pas compte, plaida l’Américain. Les extrémistes s’imaginent qu’il suffit de tuer tous les Serbes – comme en 1941 – pour résoudre tous les problèmes. Leur histoire de Grande Croatie est une utopie dangereuse. Finalement, cette affaire d’armes est une bonne chose.

— Pourquoi ?

L’Américain lui adressa un large sourire.

— Vous allez accompagner ces armes puisqu’elles vous appartiennent. Fatalement, vous entrerez en contact avec des membres de ce groupuscule. À partir de là, je compte sur votre expérience, et votre talent d’improvisation.

— Mais je ne parle pas serbo-croate, protesta Malko. Et ils n’auront aucune sympathie particulière à mon égard.

Bien que se haïssant cordialement, Serbes et Croates parlent la même langue, avec des accents différents, comme les Bosniens, les Herzégoviens ou les Monténégrins, d’ailleurs.

— Si. Parce qu’en plus de la livraison payée, nous allons ajouter quelques petits cadeaux que vous leur « offrirez ». En tant que sympathisant de la cause croate. Vous avez vu ce Miroslav Benkovac. C’est un naïf, m’a dit Andrez Pecs. Avec un geste comme ça, il va vous manger dans la main.

Toujours l’optimisme impénitent des bureaucrates qui n’allaient pas sur, le terrain. Les Yougoslaves n’avaient pas la réputation d’être des gens faciles et ouverts. Malko revit la photo de Boris Miletic, massacré par un de ses compatriotes. Ce n’était pas encore une mission de tout repos. Sentant sa réticence, Jack Ferguson lui lança d’une voix pleine d’optimisme :

— En plus, je vais vous donner une arme secrète !

Avant que Malko lui demande de quoi il s’agissait, il se dirigea vers la porte de son bureau et l’ouvrit.

Chapitre IV

Le chef de station de la CIA s’effaça pour laisser entrer la personne qui attendait dans l’antichambre. Une jeune femme brune à la peau mate, aussi vulgaire que provocante. Une grosse bouche trop maquillée, des yeux noirs aux pupilles immenses, un pull un peu trop serré moulant de gros seins ronds et une mini qui semblait avoir rétréci au lavage. Malko fut frappé par le contraste entre sa poitrine opulente et les hanches étroites. Des hanches de fillette. L’air effaré, la nouvelle venue inspectait le bureau de Jack Ferguson comme si elle s’attendait à y trouver un vampire.

— Je vous présente Miss Swesda Damicilovic qui est serbe, annonça l’Américain. Elle a bien voulu se mettre en congé de son travail d’hôtesse d’accueil à l’hôtel Fontainebleau de Miami pour collaborer avec la justice de notre pays. Miss Damicilovic, je vous présente Malko Linge.

— Hi ! lança la Yougoslave en tendant la main à Malko.

Elle avait déjà pris l’accent et les manies américaines.

Sous son apparente timidité, on flairait une salope bon teint. Elle ressemblait d’ailleurs à une hôtesse comme sœur Teresa à une strip-teaseuse.

Invitée à s’installer, elle prit place sur le canapé en face de Malko, croisant les jambes dans un geste banalement provocant. Son physique ne devait pas être étranger à sa relative mais rapide ascension sociale, du fond de la Serbie au Fontainebleau…

Malko fulminait intérieurement. Qu’allait-il faire de cette créature ? Jack Ferguson répondit à sa question informulée avec sa délicieuse politesse oxfordienne.

— Miss Damicilovic a été témoin du meurtre de Boris Miletic, expliqua-t-il. Elle a vu l’assassin et peut le reconnaître. Lui, par contre, ignore jusqu’à son existence. C’est un avantage certain, non ?

Malko se permit un mince sourire.

— En effet à condition que leurs chemins se croisent… Je crois que ce meurtre a eu lieu à Miami… Nous sommes en Autriche.

L’Américain ne se laissa pas démonter.

— Exact. Mais il est fort probable que cet homme va regagner la Yougoslavie. Où vous êtes appelé à vous rendre bientôt. Miss Damicilovic vous accompagnera. Il n’est pas impossible qu’elle y reconnaisse ce criminel. Dans ce cas, il n’y aura plus qu’à le livrer à la police yougoslave… Et à renvoyer Miss Damicilovic reprendre son job.

Swesda Damicilovic gigota sur le canapé, mal à l’aise.

— C’est vachement dangereux ce que vous me demandez, objecta-t-elle. Si ce type se doute de quelque chose, il va m’égorger comme ce… Boris.

Sourire rassurant du chef de station.

— Vous ne risquez absolument rien. Mr. Linge est notre meilleur « Spécial Agent ». Il vous assurera une protection totale.

Le regard sombre de la Yougoslave s’éclaira fugitivement, avant de se poser sur Malko avec un intérêt nouveau. Une langue aiguë apparut fugitivement entre ses grosses lèvres.

— Vous êtes un mec du FBI, comme à la télé ?

— C’est ça, coupa Jack Ferguson, ne laissant pas à Malko le temps de parler. Vous voyez que vous êtes en bonnes mains.

Mais Swesda Damicilovic ne s’en laissait pas conter.

— Vous avez un flingue ? insista-t-elle, avec son accent américain. Un gros truc comme ils ont toujours ?

— Mr. Linge n’est pas encore en mission, corrigea vivement Jack Ferguson, mais je peux vous assurer qu’il portera une arme. En accord bien entendu avec les autorités locales. Maintenant, puis-je vous demander de nous attendre à côté, nous avons quelques problèmes techniques à débattre. Ensuite, Mr. Linge vous raccompagnera à votre hôtel, afin que vous fassiez connaissance…

Docilement, la Yougoslave se leva, balançant ses hanches minces. Sa jupe était si serrée qu’on voyait se dessiner dessous un slip minuscule. À peine fut-elle partie que Malko explosa :

— Jack, vous êtes fou ! Elle va compliquer ma tâche et elle ignore la vérité…

L’Américain le calma d’un geste qui se voulait apaisant.

— Je sais qu’elle n’a pas la classe de vos conquêtes habituelles… Mais je ne vous demande pas de la mettre dans votre lit. J’ai négocié un deal avec elle. Swesda Damicilovic croit être prise en main par le FBI et le Justice Department. Durant l’enquête, on a découvert qu’elle n’avait pas sa « green card »[13]. Autrement dit, qu’elle pouvait être expulsée dans les cinq minutes des États-Unis. Ça a beaucoup aidé à la convaincre…

— C’est-à-dire ?

— Elle a quitté son job et collabore avec nous pour 3 000 dollars par mois. Le temps qu’il faudra. Ensuite, la Company lui obtiendra sa « green card », hors quota, et elle retournera à Miami. À mon avis, avec son physique, elle ne restera pas longtemps hôtesse…

— Pourquoi voulez-vous qu’elle m’accompagne en Yougoslavie ? Vous savez bien que la dernière chose que je ferai, si elle identifie l’assassin de ce Boris Miletic, c’est de le livrer à la police. Ou alors, j’abandonne tout espoir de pénétrer ce groupe.

Jack Ferguson se fendit d’un large sourire.

— Évidemment ! Mais elle croit collaborer avec le FBI, pas la Company… Si ce tueur croise votre route, ce n’est pas inutile de l’identifier. Ensuite, vous mettrez Miss Damicilovic dans le premier avion et vous continuerez votre job.

« Même si vous ne rencontrez pas ce gus, elle peut vous être fichtrement utile, grâce à sa connaissance de la langue. Vous ne parlez pas serbo-croate, m’avez-vous dit.

— À vrai dire, non, dit Malko, et je n’ai pas l’intention de l’apprendre. Mais avec le russe, on doit se débrouiller. Je vous fais remarquer que vous mêlez à une opération clandestine de la Company une étrangère. C’est contre toutes les règles.

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13

Carte de travail.