Выбрать главу

— Dokuments !

Gunther lui remit les papiers avec un sourire. Le milicien les examina puis remarqua en allemand :

— Vous alliez trop vite en traversant Breznica, des collègues vous ont signalé…

— Ça m’étonnerait ! protesta Gunther sans perdre son calme. Je ne peux pas aller bien vite avec mon gros bahut…

Le milicien semblait hésiter. Il héla son collègue qui s’approcha, en compagnie du civil, assez âgé, avec une bonne tête de paysan, sans cravate, un blouson, de grosses chaussures. Il salua respectueusement le chauffeur du Volvo. Ce dernier se dit qu’il ne fallait pas s’enliser.

Ostensiblement, il regarda sa montre.

— Je suis un peu pressé, dit-il, je dois être avant six heures aux entrepôts de la douane. Sinon, je perds un jour.

Le milicien se dérida d’un coup et lui tendit ses papiers.

— Bon, ça ira pour cette fois, mais est-ce que vous pourriez déposer notre ami à l’entrée de Komin ? Il attend son bus depuis une heure. Il doit être en panne.

— Kein problem ! affirma Gunther, heureux de s’en tirer à si bon compte…

Il reprit son volant et le vieux monta à côté de lui. Le temps de dire au revoir aux miliciens, il était sur la route. Étonné de ne pas voir Malko. Celui-ci aurait dû le dépasser. À moins qu’il ne se soit attardé à Varazdin ou qu’il soit passé tandis qu’il discutait avec les miliciens. Il se concentra sur sa conduite, tant la route était difficile. À côté de lui, le vieux était sage comme une image.

Soudain, il fit signe de la main alors qu’ils venaient de passer devant un panneau annonçant Komin.

— Je m’arrête ici ! dit-il en allemand.

Docilement, Gunther appuya sur la droite et stoppa sur le bas-côté. Puis, il tourna la tête pour dire au revoir à son passager. Pendant une seconde, il se trouva en face d’un visage inconnu, impitoyable, crispé. Puis son regard descendit et il aperçut le long poignard tenu à l’horizontale.

— Sie…

Il n’eut pas le temps d’en dire plus. D’un mouvement de tout son corps, le vieux venait de lui enfoncer la lame mince dans le flanc droit. Si fort qu’elle pénétra pratiquement jusqu’à la poignée, traversant le foie, tranchant plusieurs artères. Gunther ouvrit la bouche, cherchant de l’air, suffoqué par la douleur atroce. Déjà, le vieux retirait le poignard et frappait un peu plus haut, puis encore et encore, avec une application démoniaque. Il s’arrêta seulement lorsque Gunther s’effondra sur son volant, le sang ruisselant sur la banquette de moleskine.

Le tout n’avait pas duré trente secondes.

Said Mustala ouvrit la portière de son côté et se laissa glisser à terre. La Zastava de Boza était arrêtée juste derrière.

Boza Dolac en sortit et courut vers Said Mustala.

— C’est fait ?

— Bien sûr, fit le vieil Oustachi, vexé qu’on puisse douter de lui.

Boza Dolac gagna le camion et monta à bord. Poussant le cadavre qui glissa sur le plancher, il jeta dessus une couverture arrachée à la couchette et s’installa au volant. Said Mustala prit place à côté de lui et le lourd véhicule redémarra.

Presque aussitôt, la fausse voiture de la Milice, volée quelques semaines plus tôt, les doubla et s’enfonça dans un chemin transversal, afin de regagner sa planque.

Les quelques voitures qui avaient doublé le Volvo arrêté n’avaient rien pu remarquer d’anormal.

Boza Dolac conduisait le plus vite possible. Même en tenant compte de la diversion imaginée pour retarder le marchand d’armes, il ne disposait pas d’une grande marge de sécurité. Or, ce qui allait suivre était tout aussi important que la première partie de l’opération.

Il ne devait rester aucun témoin de la livraison d’armes.

* * *

Malko dut attendre qu’une rame de trams bleus s’ébranle lentement pour accéder à la rampe menant à l’entrée de L’Esplanade, le meilleur hôtel de Zagreb. Une superbe bâtisse rococo fin de siècle en face de la gare en bordure de l’avenue Mihanoviceva. Swesda se tourna vers lui, boudeuse.

— Qu’est-ce que je vais faire toute seule ?

— Prendre un bain, suggéra Malko, ou regarder la télévision. Je ne serai pas long.

Le chasseur prit sa valise et Malko repartit ventre à terre vers l’ouest de la ville, pestant contre la circulation. Il y avait autant de voitures qu’à Vienne et les innombrables trams gênaient le trafic, se trainant à vingt à l’heure !… La blonde, profitant du départ de Swesda, avait pris place à côté de lui et lui adressa un sourire engageant. Elle avait peut-être envie de changer son vélo contre une Mercedes.

Avec son physique, ce n’était pas impossible…

— Où allez-vous ? demanda Malko en allemand, une fois sur l’autoroute. Moi, je m’arrête bientôt.

S’il s’était débarrassé de Swesda, ce n’était pas pour arriver au motel Hrvatska avec une inconnue ramassée sur le bord de la route… Malgré lui, il admira ses longues cuisses bronzées. Une fille ravissante.

— Immer gradaus[25], dit-elle.

Ils filaient maintenant sur le freeway de Maribor, double bande d’asphalte rectiligne, bordant une banlieue de plus en plus clairsemée qui fit bientôt place à des champs. Malko guettait le côté droit, comptant les kilomètres. Les rails des trams avaient disparu. Ils se trouvaient en pleine campagne. Soudain Malko aperçut dans le lointain, sur sa droite, plusieurs bâtiments dont un d’une curieuse couleur rose, comme certains hôtels de Californie. Sûrement le motel Hrvatska.

Ils n’en étaient plus qu’à un kilomètre environ lorsque la blonde désigna un chemin de terre qui s’éloignait perpendiculairement à l’autoroute, filant vers un pâté de HLM tout neufs érigés en pleins champs.

— Hier, bitte !

Malko ralentit et stoppa à l’entrée du chemin. La blonde ne bougea pas, désignant à nouveau du doigt les bâtiments, distants environ de mille cinq cents mètres. Visiblement, elle n’avait pas envie de marcher… Malko, qui ne tenait pas à déclencher un incident désagréable, fit contre mauvaise fortune bon cœur et s’engagea dans le chemin semé de trous énormes et même pas asphalté. La blonde retrouva aussitôt son sourire… Arrivé à un rond-point rudimentaire juste avant les HLM, il stoppa et elle descendit enfin. Le temps de faire demi-tour, il filait de nouveau vers l’autoroute.

À peine eut-il pris de la vitesse qu’il aperçut un nuage de poussière derrière lui. Un véhicule surgi du rond-point était en train de le rattraper. Un taxi Mercedes bleu clair, qu’il surveilla dans son rétroviseur. Sans souci des trous dans le chemin, il fonçait à toute vitesse. Malko appuya sur sa droite, pas trop étonné ; les Yougoslaves conduisaient comme des fous… C’est seulement lorsque la Mercedes ne fut plus qu’à quelques mètres derrière lui que son estomac se contracta brutalement. L’homme assis à côté du chauffeur qui portait un petit bouc était Boza, le Croate à la tête d’oiseau. Malko identifia facilement ce qu’il tenait dans ses mains : un « riot-gun » noir à plusieurs coups. Une arme capable à quelques mètres de déchiqueter n’importe quel être humain.

вернуться

25

Toujours tout droit.