Выбрать главу

Jean Potocki

La duchesse d’Avila

Manuscrit trouvé

à Saragosse

Texte établi,

présenté et préfacé

par Roger Caillois

Gallimard

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays, y compris l’U.R.S.S.

© Éditions Gallimard, 1958.

Table des matières

NOUVELLE PRÉFACE

DESTIN D’UN HOMME ET D’UN LIVRE :

LE COMTE JEAN POTOCKI ET

LE MANUSCRIT TROUVÉ À SARAGOSSE

EXTRAIT DE LA PRÉFACE

DE LA PREMIÈRE ÉDITION (1958)

Quatorze journées de la vie

d’Alphonse van Worden

AVERTISSEMENT

PREMIÈRE PARTIE

PREMIÈRE JOURNÉE

HISTOIRE D’EMINA ET DE SA SŒUR ZIBEDDE

HISTOIRE DU CHATEAU DE CASSAR-GOMELEZ

SECONDE JOURNÉE

HISTOIRE DU DEMONIAQUE PASCHECO

TROISIÈME JOURNÉE

HISTOIRE D’ALPHONSE VAN WORDEN

HISTOIRE DE TRIVULCE DE RAVENNE

HISTOIRE DE LANDULPHE DE FERRARE

QUATRIÈME JOURNÉE

CINQUIÈME JOURNÉE

HISTOIRE DE ZOTO

SIXIÈME JOURNÉE

SUITE DE L’HISTOIRE DE ZOTO

SEPTIÈME JOURNÉE

SUITE DE L’HISTOIRE DE ZOTO

HUITIÈME JOURNÉE

RECIT DE PASCHECO

NEUVIÈME JOURNÉE

HISTOIRE DU CABALISTE

DIXIÈME JOURNÉE

HISTOIRE DE THIBAUD DE LA JACQUIERE

HISTOIRE DE LA GENTE DARIOLETTE DU CHATEL DE SOMBRE

DEUXIÈME PARTIE

ONZIÈME JOURNÉE

HISTOIRE DE MENIPPE DE LYCIE

HISTOIRE DU PHILOSOPHE ATHENAGORE

DOUZIÈME JOURNÉE

HISTOIRE DE PANDESOWNA,

CHEF DES BOHEMIENS

HISTOIRE DE GIULIO ROMATI

ET DE LA PRINCESSE DE MONT-SALERNO

TREIZIÈME JOURNÉE

SUITE DE L’HISTOIRE DE PANDESOWNA

SUITE DE L’HISTOIRE DE GIULIO ROMATI

HISTOIRE DE LA PRINCESSE DE MONT-SALERNO

QUATORZIÈME JOURNÉE

HISTOIRE DE REBECCA

II

Récits tirés de Avadoro,

histoire espagnole

I

HISTOIRE DU TERRIBLE PÈLERIN HERVAS

ET DE SON PÈRE, L’OMNISCIENT IMPIE

II

HISTOIRE DU COMMANDEUR DE TORALVA

III

HISTOIRE DE LÉONORE

ET DE LA DUCHESSE D’AVILA

NOUVELLE PRÉFACE

PAR ROGER CAILLOIS

DESTIN D’UN HOMME ET D’UN LIVRE :

LE COMTE JEAN POTOCKI ET

LE MANUSCRIT TROUVÉ À SARAGOSSE

Issu d’une illustre famille polonaise, contemporain et parfois acteur des plus graves événements, le comte Jean Potocki (1761-1815) acquit de son vivant une bizarre réputation d’excentrique et d’érudit. Il monte en ballon avec l’aéronaute Blanchard, exploit de moins de conséquence mais de plus de retentissement que de noter, le premier, le langage secret des princes tcherkesses lors de réunions liturgiques. Il fréquente les salons parisiens les plus avancés et se lie, plus tard, avec les Jacobins. Il fonde une imprimerie libre et se prononce contre la monarchie héréditaire, en même temps qu’il ridiculise les démocrates dans une saynète bouffonne. Il voyage depuis le Maroc jusqu’aux confins de la Mongolie. Il combat contre les Russes et devient conseiller privé du tsar Alexandre Ier. Il est l’un des fondateurs de l’archéologie slave et termine, avant de se suicider d’une manière affreuse, un long roman de la plus grande fantaisie qu’il laisse presque entièrement inédit. Il l’a écrit en français, comme toutes ses œuvres d’ailleurs. L’ouvrage demeure pratiquement inconnu. Il en est d’autant plus pillé. Il fait l’objet d’un procès retentissant à Paris. Le manuscrit original est perdu, mais la traduction polonaise, parue en 1847 et plusieurs fois rééditée, devient une sorte de classique dans cette littérature. Elle est alors peu lue, d’ailleurs comme beaucoup de classiques.

Plus d’un siècle après, en 1958, à la suite du plus fortuit des hasards, l’œuvre qui est intitulée Manuscrit trouvé à Saragosse, est publiée (la première partie du moins), dans sa langue originale. On s’aperçoit qu’il s’agit pour le style et pour le contenu d’un véritable chef-d’œuvre.

La littérature française s’en trouve soudain enrichie, comme la littérature fantastique mondiale, dont ce roman, indépendamment de ses autres mérites, constitue un des sommets. Il vaut la peine d’examiner de plus près la carrière d’un homme et la destinée d’une œuvre également hors série.

i

Jean Potocki est né le 8 mars 1761. Il fait de solides études secondaires à Genève et à Lausanne. Il voyage en Italie et en Sicile. Il s’intéresse alors aux mathématiques et aux sciences naturelles, mais bientôt c’est l’histoire qui retient son intérêt et qui fixe définitivement sa vocation. Cependant, il se dévoue quelques années au métier des armes. En 1779, de passage à Malte, il donne la chasse, sur les vaisseaux de l’Ordre, aux pirates barbaresques.

En 1780, commence à paraître l’Histoire de la nation polonaise entreprise par Naruszewicz. Il y manque, faute de sources et de documents, le premier tome, celui qui devrait traiter des origines. Potocki décide de rassembler le matériel nécessaire et de tirer de l’oubli ce passé inconnu, inaccessible peut-être, enseveli en tout cas sous les sédiments confus d’une histoire inextricable.

Ce fut un labeur immense, obstiné, fécond. Cette persévérance aboutit à la publication de plusieurs ouvrages érudits qui sont, à l’origine de la préhistoire slave et dont la publication s’échelonne entre 1789 et 1810.

Ses études savantes n’empêchent pas Potocki de céder à son goût des voyages. Il visite l’Italie et la Tunisie, plus tard la Turquie, la Grèce et l’Égypte, puis l’Illyrie et la Serbie. De 1785 à 1787, il séjourne à Paris, où réside, dans une aile du Palais-Royal, la mère de sa femme, la princesse Elizabeth Lubomirska, amie de la princesse de Lamballe et dont Marmontel disait qu’elle connaissait mieux la langue française que les trois quarts des membres de l’Institut. À la fois, il travaille dans les bibliothèques et fréquente le monde. Il discute philosophie dans le salon de Mme Helvétius et se lie vraisemblablement avec Volney, dont le pessimisme et le fatalisme le séduisent également. Il est désormais acquis à la philosophie des Lumières et y demeurera fidèle. Il aurait cependant fréquenté la confrérie des Lanturlerus, qui prône un spiritualisme syncrétique et qui réunit bizarrement le futur tsar Paul Ier et le futur martyr de la Révolution, Lepeletier de Saint-Fargeau. En tout cas, partisan décidé de Diderot, d’Holbach, Helvétius et La Mettrie, il est séduit par les idées progressistes alors en vogue. Il gagne les Pays-Bas en révolte contre le Stathouder. Il y assiste à l’écrasement des milices bourgeoises par l’armée prussienne. Potocki en conçoit une méfiance tenace à l’égard de la Prusse qu’il tient pour l’incarnation néfaste des forces réactionnaires.

Son protégé Klaproth écrira après sa mort :

Né en Pologne, le comte Potocki devait, dans sa jeunesse, être sectateur de cette liberté, qui est toujours en péril quand on en parle trop. C’était un sentiment honorable chez lui, comme il est chez tous ceux qui ne cherchent pas dans des déclamations libérales un moyen de parvenir. Un voyage qu’il fit en Hollande, en 1787, pendant la révolution contre le Stathouder, et le spectacle des fureurs populaires paraissent avoir singulièrement diminué son enthousiasme pour la liberté des peuples et le bonheur qu’elle verse sur le genre humain.