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— Un steak à peine cuit, c’est possible ? »

Ça l’était. Tout en mangeant, nous avons regardé les actualités. Il n’y avait toujours rien de l’Iowa.

CHAPITRE V

Je n’eus pas l’occasion d’examiner les pièges à loup dont avait parlé Mary car elle ferma à clef la porte de sa chambre.

Trois heures plus tard, elle me réveilla et nous redéjeunâmes. Une fois nos cigarettes allumées, je branchai le poste de stéréo sur les informations. Celles-ci consistaient presque exclusivement en un reportage sur l’élection de Miss Amérique. En temps ordinaire je l’aurais suivi avec intérêt, mais comme aucune concurrente n’avait le dos rond et que la tenue de concours ne pouvait matériellement dissimuler de bosse suspecte, je trouvai le spectacle un peu futile.

« Alors ? dis-je enfin.

— Il faut arranger nos documents d’une manière cohérente et les fourrer sous le nez du Président, déclara Mary.

— Comment cela ? »

Elle ne trouva rien à répondre.

« Il n’y a qu’un moyen, dis-je : passer par le Patron. »

J’appelai aussitôt celui-ci par nos deux codes simultanément pour que Mary puisse suivre la conversation.

« Ici, Oldfield, entendis-je, je remplace temporairement le Patron. Allez-y.

— Il faut que je parle au Patron en personne.

— Pour une question officielle ou privée ? demanda la voix au bout d’un instant d’hésitation.

— Euh… mettons privée, si vous voulez.

— Je ne peux pas vous le passer pour une question privée. Et pour toute question officielle, c’est à moi que vous devez vous adresser. »

Je coupai net car j’allais lâcher des gros mots. Je fis une seconde tentative en me servant du code spécial qui, paraît-il, tirerait le Patron de la tombe en cas de besoin. Mais gare à qui s’en servirait inutilement !

Il me répondit par un torrent de jurons.

« Patron, dis-je, c’est à propos de l’affaire de l’Iowa…»

Il s’arrêta pile.

« Oui ?

— Mary et moi avons passé la nuit à étudier des documents d’archives. Nous voudrions vous en parler. »

Les jurons recommencèrent. Il me dit de passer mes documents aux analystes et ajouta qu’il avait l’intention de déguster mes oreilles en sandwich à la première occasion.

« Patron ! lançai-je sèchement.

— Hein ?

— Du moment que vous pouvez vous tirer des pattes, il n’y a pas de raison que nous n’en fassions pas autant. Mary et moi démissionnons à l’instant même. C’est officiel. »

Mary leva les sourcils, mais ne dit rien. Au bout d’un long silence, le Patron me dit d’une voix lasse. « Hôtel Palmglade, à Miami.

— Nous arrivons. »

J’ai demandé un taxi et nous sommes montés sur le toit. J’ai dit au pilote de survoler l’Océan, pour éviter la Caroline où la vitesse est limitée. Nous avons bien marché.

Le Patron était étendu sur la plage. D’un air bougon, il faisait couler du sable entre ses doigts tout en écoutant notre rapport. J’avais apporté un dictaphone pour lui permettre d’entendre directement nos notes enregistrées.

Il leva la tête quand nous en arrivâmes au fameux cycle de trente ans, mais resta silencieux jusqu’à ce qu’il ait entendu mon hypothèse relative à un éventuel cycle, peut-être similaire, de disparitions inexpliquées. Il appela aussitôt la Section. « Passez-moi le bureau d’analyse. Allô Peter ? Ici le Patron. J’ai besoin d’une courbe des disparitions mystérieuses constatées depuis 1800. Quoi ? Élimine les facteurs connus et ne tiens pas compte des valeurs absolues. Ce qu’il me faut ce sont les maxima et les minima. Pour quand je la veux ? Pour hier soir imbécile ! Qu’est-ce que tu attends ? »

Il se remit debout et accepta la canne que je lui tendais.

« Allons-y, on reprend le collier, grogna-t-il.

— Nous allons à la Maison Blanche ? demanda Mary avec espoir.

— Quoi ? Tu es malade ! Vous n’avez rien découvert qui puisse faire changer le Président d’avis.

— Ah ? Mais alors…

— Je ne sais pas. Si vous n’avez rien d’intelligent à dire, taisez-vous. »

Le Patron était venu dans son autavion. Ce fut moi qui pilotai pour le retour.

« Patron, lui dis-je après avoir remisé l’appareil, j’ai pensé à un truc qui pourrait convaincre le Président. »

Il se contenta de grogner.

« Voici de quoi il s’agit, expliquai-je : vous n’avez qu’à envoyer deux agents là-bas, moi et quelqu’un d’autre. L’autre aura un téléviseur portatif qu’il gardera braqué sur moi. Vous persuaderez le Président de nous suivre sur son écran.

« Et s’il ne se passe rien ?

— Je m’arrangerai pour qu’il se passe quelque chose. Je vais retourner là où l’astronef s’est posé. J’arriverai bien à passer. Nous transmettrons directement à la Maison Blanche des gros plans du vrai astronef. Après cela, je retournerai à la station de stéréo et je passerai en revue tous les gens à dos rond. Je leur arracherai leur chemise en plein devant la caméra. Pas question de finasser : il faut frapper un grand coup.

— Est-ce que tu te rends compte que tu as à peu près autant de chances de t’en tirer qu’une souris égarée dans un congrès de chats ?

— Je n’en suis pas si sûr. À mon avis ces êtres n’ont pas de pouvoirs surhumains. Je serais tenté de croire qu’ils sont limités au pouvoir même des hommes dont ils se sont rendus maîtres. Je ne suis pas candidat au martyre, vous savez ! En tout cas, vous aurez vos images.

— Hum…

— Cela pourrait marcher, coupa Mary. Je serai l’autre agent. Je pense…»

Le Patron et moi lui avons dit « non » en même temps… Je suis même devenu tout rouge en me rendant compte que j’empiétais sur les prérogatives de mon chef.

« J’allais dire qu’il était logique que ce soit moi, a repris Mary à cause de ce… euh… de ce don que j’ai, pour repérer les hommes qui portent un parasite.

— Non, a répété le Patron. Là où il va, et jusqu’à preuve du contraire, tout le monde en porte. D’ailleurs je te garde pour autre chose. »

Elle aurait dû se taire, mais n’en fit rien.

« Pourquoi donc ? Cette mission-ci est importante.

— Celle que je te réserve aussi, dit doucement le Patron. J’envisage de te nommer garde du corps du Président.

— Ah ! dit-elle pensivement… C’est que… voyez-vous, Patron, je ne sais pas si je pourrais repérer une femme possédée par un parasite. Je n’ai pas… euh… l’équipement intellectuel nécessaire.

— Eh bien, on lui enlèvera ses femmes-secrétaires, voilà tout. Et puis, n’oublie pas qu’il faudra le surveiller lui aussi…

Elle réfléchit.

« Et si malgré toutes les précautions prises je découvrais qu’un parasite s’est emparé de lui ?

— Tu ferais le nécessaire, le Vice-Président succéderait au Président et tu serais fusillée pour haute trahison ! Revenons à notre autre mission. Nous allons prendre Jarvis pour faire marcher le téléviseur, et nous joindrons Davidson à l’équipe, comme homme de main. Pendant que Jarvis s’occupera de ses prises de vues, Davidson surveillera Jarvis – et toi tu tâcheras de le surveiller de ton côté.

— Donc vous croyez que cela peut marcher ?

— Non, mais mieux vaut un mauvais plan que pas de plan du tout. Ça déclenchera peut-être toujours quelque chose. »

Pendant que Jarvis, Davidson et moi nous dirigions vers l’Iowa, le Patron filait sur Washington. Mary m’attira dans un coin au moment où nous allions partir, me prit par les deux oreilles et m’embrassa énergiquement. « Tâchez de revenir, Sam », me souffla-t-elle.