Выбрать главу

C'est ainsi qu'à l'aurore de notre siècle sont habillées et coiffées les élégantes. Pendant le Consulat et les premières années de l'Empire, elles vont rester les Merveilleuses, un peu, — oh, pas beaucoup, — plus vêtues que sous le Directoire.

Ce sont toujours les mêmes robes, souvent transparentes, le décolletage règne souverainement malgré les saisons. Les femmes d'alors vont poitrine décolletée et bras nus dans la rue comme celles d'aujourd'hui au bal. C'est leur champ de bataille. Pour lutter contre le froid elles ont les écharpes, les châles, — le commencernent des fameux cachemires qui jouent un si grand rôle dans la première moitié de notre siècle. On a inventé des vêtements particu-

Sous le Consulat.

liers, comme la petite veste de hussard qui vers Tan YIII se passe par-dessus le corsage décolleté et encadre les épaules de sa fourrure, ou le spencer, autre veste bien moins gracieuse.

Les célèbres portraits de Josépliiiie de Beau-harnais par David, et de M'^^^ Récamier par Gérard, allongées sur des lits de repos à l'antique, nous montrent deux belles Romaines du temps des empereurs, plutôt que des Françaises d'il n'y a pas cent ans. Elles étaient pourtant habillées ainsi, les élégantes des salons du Directoire, les belles Parisiennes qui faisaient cercle autour de Garât chantant ses romances, ou qui dansaient avec le beauTrénitz la gavotte ou la « loalse » alors dans toute sa nouveauté.

Yoilà que les coiffures à la Titus ne sunt plus de mode en 1803 ou 1804, c'est vieux, c'est province. Et les cheveux qui ne se sont pas empressés de repousser immédiatement après le changement de goût ! Les dames regrettent leurs belles tresses blondes, brunes ou rousses et sont bien forcées de recourir aux tours de tête et aux postiches pour montrer de nouveau de grandes boucles ou pour s'arranger des grands chignons étrusques avec nattes enroulées.

C'est un vilain moment qui commence pour le costume féminin, il semble que la mode, conquise elle aussi, ait gardé toute son imagination gracieuse pour habiller magnifiquement, arranger, soutacher, broder, passemen-ter, empanacher, dorer les innombrables escadrons que S. M, l'Empereur et Roi allait faire galoper et tournoyer d'un bout de l'Europe à l'autre, les superbes sabreurs lancés sur les canons et les baïonnettes de tous les peuples réunis.

Salons de Frascati, jardins de Tivoli qui avez vu défiler les belles du Directoire si hardiment déshabillées dans leurs tuniques flottantes et transparentes, dans leurs fantaisies athéniennes si osées, que dites-vous des toilettes que vous voyez porter aujourd'hui à ces mêmes femmes ou à leurs sœurs cadettes, que pensez-vous de ces sacs disgracieux qu'elles appellent des robes, de ces fourreaux ridicules, de ces chapeaux en abat-jour, de ces visières en capote de cabriolet?

Les modes masculines ne sont pas plus jolies. Que ceux qui ne veulent pas consentir à les porter s'engagent dans les hussards! Les costumes des hommes sont laids déjà, comme ils vont l'être de plus en plus dans le courant du siècle.

Mais les femmes! voici une élégante de 1810:

Commencement du xix^ siècle.

La jupe d'abord, — il y a si peu de corsage que la jupe est à peu près tout le costume, — la jupe de percale ou d'étoffe assez commune commence sous les bras et tombe d'une façon inélégante jusqu'au bout des pieds, ou bien s'arrête assez haut au-dessus des bottines. Quelques plissés,quatre ou cinq rangs de garnitures découpées en dents de scie, quelques volants étages ornent assez gauchement le bas de ces jupes.

Presque pas de corsage, la ceinture bride le sein; la robe n'a pas de manches, les bras sont nus sauf deux gros bourrelets aux épaules, les épaules sont décolletées. On porte des ca-nezous brodés ou bien de grandes collerettes à plusieurs rangées de plis tuyautés. C'est la seule chose assez gracieuse de la toilette, encore arrange-l-on souvent ces collerettes d'une assez lourde façon, pour engoncer plutùt que i^our orner.

Quant aux chapeaux, ils sont bien souvent ridicules. Comme toutes les idées sont tournées vers l'armée et la guerre, les dames, sur ces toilettes assez baroques, arborent quelquefois des espèces de casques empanachés et enguirlandés, de grands chapeaux en forme de shakos; on voit même de vrais casques, dits à la Clorinde qui ont l'intention de rappeler les casques des chevaliers des Croisades.

PARISIENNE DE 1810.

Un moment la mode est aux petits bonnets, des petits serre-têtes d'enfants ornés de dentelles qui donnent aux dames des airs naïvement enfantins, mais le triomphe de l'époque

Altendaat les Vainqueurs.

ce sont les grands chapeaux cabriolets, les capotes énormes qui s'allongent démesurément en avant de la figure enfoncée et dissimulée au plus profond de l'armature. Quelquefois ces capotes en cabriolet se compliquent d'un grand tube de haute forme, plus haut que le plus haut de tous les shakos des armées de sa Majesté.

Et pour qu'elles trouvent le moyen d'être gracieuses quand même là-dessous et d'être

Grand chapeau Empire.

adorées par tous les étincelants officiers qui s'en viennent, entre deux victorieuses campagnes, brûler rapidement leurs cœurs à la flamme de leurs yeux, il faut que les femmes soient vraiment jolies.

Pour les bals et soirées, dans les salons où papillonnent les beaux officiers à côté des civils rejetés dans l'ombre, les femmes qui n'ont pas les allures triomphantes des Merveilleuses de la période précédente, mais qui au contraire, sous le regard des guerriers empanachés, prennent des allures de colombes timides, les belles ont des jupes extrêmement courtes ornées de bouquets de fleurs et laissant voir le bas de la jambe et le cothurne, non plus le cothurne antique de la belle Tallien, mais un cothurne soulier, attaché aussi par des cordons sur la cheville.

Ces belles de l'Empire, ces rêveuses Malvinas en robes sacs, qui songent aux beaux guerriers chargeant là-bas de l'autre côté du Rhin, se coiffent avec leurs tresses massées en casques, ou bien à la Chinoise, tous les cheveux tirés en l'air.

Les beautés sérieuses prennent le turban des Turcs. On connaît le célèbre portrait de M™^ de Staël enturbannée, les salons se remplissent ainsi d'odalisques parisiennes et Ton trouve leur coiffure charmante. Après cela, qu'est-ce qu'une jolie figure et des yeux vifs ou langoureux ne sauraient faire passer?

Ces turbans prennent vite des proportions énormes et se surchargent de gazes, d'écharpes

Robe orientale et Turban.

de couleurs variées et de plumes, ils deviennent sous la Restauration Tapanagc des dames mûres des mamans et belles mamans, et leur font ces figures d'un comique extravagant que nous ne pouvons regarder sans rire dans les gravures du temps.

Que aire aussi des spencers qui donnent un aspect si étriqué à ces toilettes déjà peu jolies de ligues, des lourds carricks, des redingotes fourrées et des Yitchouras? Les fourrures sont très h la mode, on porte astrakan, mar-

Chapcau Empire.

tre OU zibeline en vêtements de toutes sortes et en pelisses de toutes tailles.

Tout ce monde si bizarrement habillé, toutes ces femmes dont les costumes semblent séparés par des siècles des toilettes du xviii*^ siècle, des falbalas qu'ont portés leurs mères, s'agitent dans un décor également bien différent de celui qu'inventèrent les artistes et les peintres rococo.