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— Vas-y, fit Olivier Levasseur en se retournant sur le ventre pour protéger ses narines… Et dormir en paix.

— Alors je commence. Ecoute bien ! Il se trouve dans une chaumière, un peu comme celle derrière nous, une belle chaumière sur la Seine. Le trésor se trouve à l’intérieur, tu montes l’escalier de chêne, tu entres dans la chambre mansardée, celle qui a vu sur l’eau. Le trésor se trouve dans le vieux lit paysan, sous les draps épais. C’est moi ! Qu’en penses-tu ? Au butin, je peux aussi ajouter un homme, si tu insistes, genre beau gosse métisse, tout nu, lui aussi caché sous les draps épais. Si ça ne te suffit pas, je peux encore ajouter une armoire normande dans la chambre, deux bols sur la table du petit-déjeuner, un chien qui ronfle près de la cheminée, des pommiers en fleurs dans le jardin, un petit escalier de pierre qui descend directement dans la Seine, une barque et deux rames, un barbecue, une balançoire sur la pelouse, des amis, une bouteille de calva à moitié vide, un gâteau d’anniversaire et des bougies… Des gosses… Un ou deux, pas plus. Alors ? Tu en penses quoi de mon trésor ? Tu y crois ?

Olivier Levasseur ne répondit pas.

Son beau corps se soulevait doucement, comme s’il dormait. Maline passa doucement le brin d’herbe sur sa nuque.

Tu as raison… Je te laisse réfléchir… On en reparlera dans cinq ans, quand les voiles reviendront…

Maline se leva et marcha un peu.

Après tout, pourquoi partager un tel trésor avec un homme ? Avec un seul homme ? A son grand étonnement, c’est à Fatou, pas à Olivier, qu’elle avait pensé au moment de mourir… Si au lieu de ronfler comme un loir, Olivier Levasseur lui avait répondu qu’il y croyait, « oh ouiiiii », à son trésor, c’est elle qui se serait enfuie, en éclatant de rire.

Elle se fichait des hommes, elle se fichait de l’amour, dans l’instant présent.

Elle était une célibataire vivante !

Elle continua de marcher sur la berge. Elle adorait cette herbe verte qui lui chatouillait ses pieds nus.

Elle se tourna vers un vieil homme endormi sur une chaise pliante en toile, protégé du soleil par un vaste chapeau de paille.

— Ça va papa ?

Elle obtint pour seule réponse un ronflement paisible.

C’était bien la peine que je me donne tant de mal pour tenir ma promesse, pensa Maline amusée.

Elle admira de longs instants le visage reposé de son père.

Heureux.

Elle n’était pas une fille indigne ! Elle avait même imposé la présence de son père à son amant… Pas étonnant que le bel Olivier fasse le sourd à sa pitoyable demande en mariage !

Maline continua sa promenade.

Elle avait une autre promesse à tenir. Un article à écrire pour le SeinoMarin, commandé par le général Sudoku en personne !

Un peu plus loin, un jeune garçon de dix ans s’était un peu isolé.

Il regardait, sans un mot, s’éloigner le Dar Mlodziezy.

Le jeune garçon n’était plus sur les berges de la Seine, il était déjà quelque part sur ce bateau, hissant la grand-voile arrière sur le mât d’artimon, uni dans le même effort à une dizaine d’autres cadets de son âge, voguant vers une terre inconnue.

Maline repensa à cette phrase de Sudoku, « Penser toute cette organisation de dingues simplement pour voir s’allumer l’œil d’un gamin qui voit passer un voilier du bout du monde sur le morceau de Seine où il est né ».

Quelques précisions historiques et géographiques

Si toute cette histoire relève de la pure fantaisie, son environnement géographique et historique est lui, au contraire, tout à fait réel.

Tous les lieux cités dans ce roman existent… à l’exception du Libertalia. Il y a bien une chapelle Bleue à Caudebec-en-Caux ; une danse macabre unique en Europe sculptée dans les piliers de l’aître Saint-Maclou ; une statue de Victor Hugo et ses citations gravées à Villequier, d’émouvantes tombes de sa femme et de ses filles dans le cimetière du village et un livre d’or dans l’église ; une plaque en hommage à Robert Fulton sur le plus beau marégraphe des quais de Rouen ; des bustes d’Indiens sculptés sur la façade de l’hôtel des Sauvages, quai du Havre ; une jolie petite plage en bord de Seine près du « Feu de l’épi », au cœur du Marais Vernier, coincée entre le pont de Normandie et le pont de Tancarville ; une étroite voie sur berge de quinze kilomètres entre Villequier et Notre-Dame-de-Gravenchon, interdite mais accessible aux voitures ; un sixième pont dont le tablier se lève jusqu’à cinquante-cinq mètres sur la Seine…

Tous les récits de Ramphastos, aussi étonnants soient-ils, reposent eux aussi sur des épisodes historiques bien réels… Le Télémaque a bien coulé au large de Quillebeuf (et de très sérieux explorateurs plongent régulièrement à la recherche de son épave) ; le pirate Jean Fleury a bien raflé en 1522 le trésor de Aztèques à la barbe de Charles Quint, faisant la fortune de Jehan Ango (et on peut, c’est vrai, encore aujourd’hui admirer ce glorieux épisode dans un curieux vitrail de l’église de Villequier) ; Jean de Verrazzane est effectivement revenu de New York les cales vides, au grand désespoir de François Ier et de ses armateurs ; les utopies pirates sont réellement à l’origine des actuels mouvements anarchistes, et l’éphémère « république » de Libertalia a vraiment existé ; le pirate Olivier Levasseur, enterré à la Réunion, est aussi connu sous le nom de La Buse et des dizaines de chercheurs dans le monde consacrent leur existence à percer le mystère de son cryptogramme ; les rares récits sur Rollon, le premier jarl de Normandie, évoquent un anneau d’or suspendu par lui dans la forêt de Roumare pendant plusieurs années.

Toutes ces histoires, et bien d’autres, sont racontées, dans deux jolis musées en bord de Seine… Ils valent, comme les autres lieux du val de Seine, le détour…

J’ai essayé, à travers cette histoire, de rendre compte fidèlement de l’Armada, de son ambiance festive, de l’affluence des quais, des somptueux décors des vieux gréements. Ce roman fut écrit plusieurs mois avant le rassemblement des voiliers, à une période où l’on ne savait pas encore quels navires seraient présents à Rouen en 2008. Quelques vieux fidèles des éditions précédentes, cités dans ce roman, ne revinrent pas… Leur présence dans cette enquête constitue la principale entorse à la réalité.

Enfin, tous les personnages de cette histoire sont fictifs, ainsi que leurs faits et gestes… Ce roman se veut avant tout un hommage aux milliers de personnes qui œuvrent à ce formidable événement, à cette fête unique, universelle, gratuite, populaire, colorée et joyeuse…

Un clin d’œil aux amours nées sous les voiles… et au mien en particulier !